Images de page
PDF
ePub

nationalité des mineurs de parents français naturalisés Suisses. C'est une irrégularité au point de vue international qu'il ne serait pas admissible de sanctionner par une convention. Aujourd'hui, il faut se borner à prendre la situation comme elle est on est en présence d'individus à la fois Suisses en Suisse, et Français en France. L'équité commande de prendre en leur faveur des mesures qui leur évitent d'être appelés dans les deux armées à la fois. Sans doute pour obtenir ce résultat il faut abandonner nos principes juridiques. Mais ce serait un abandon limité et momentané, et l'arrangement aurait un caractère transitoire qui lui enlèverait toute gravité à cet égard.

Il n'est pas inutile d'observer ici que la Belgique, dont la loi, sur le point qui nous occupe, est en parfaite concordance avec les nôtres, a cependant compris les fils des naturalisés, mineurs au moment de la naturalisation, parmi les jeunes gens dont il importerait de régler la situation par un arrangement diplomatique. Il existe pour cela les mêmes raisons que pour les jeunes gens se trouvant dans le cas de l'article 9 ou de l'article 10 du Code civil. La Belgique en effet regarde comme restés Français les enfants du Français qui obtient la naturalisation dans le royaume, mais elle leur accorde le droit d'opter à leur majorité pour la nationalité belge. Il serait juste qu'on retarda de deux années leur appel en France, et la Belgique en revanche n'appellerait pas avant vingt-deux ans les jeunes belges dont le père est devenu Français depuis leur naissance, pour leur permettre d'opter pour la France'.

1 Voir annexe DD,

§ 10.

Relations du ci-devant Français avec

la France.

I

La France n'admettant pas en principe la perennité de l'allégeance, il serait logique que le Français ayant régulièrement perdu sa nationalité fut tenu pour étranger à tous égards. Nous avons vu plus haut quels sont les effets de la naturalisation acquise par un étranger en France au point de vue des obligations, des droits, des délits. Nous avons dit que la rupture des liens d'allégeance ne pouvait avoir pour effet d'anéantir rétroactivement les obligations existantes. Il en est absolument de même dans le cas d'un Français naturalisé étranger et nous nous référons à ce que nous avons dit, en demandant seulement au lecteur d'intervertir les rôles. Toutefois quand nous disons que le Français ayant perdu cette qualité devrait être tenu comme étranger, nous voulons dire seulement qu'il devrait être dans une situation telle qu'aucun acte commis par lui ne le mît vis-à-vis de la France dans une position autre que celle d'un étranger de naissance ayant commis le même acte. Il en était ainsi dans la pure doctrine du Code civil. Mais les décrets impériaux de 1809 et 1811 ont modifié la législation. Nous ne reviendrons pas sur les pénalités dont ces actes frappent le Français qui devient étranger sans autorisation. Nous en avons fait plus haut la critique, et nous avons montré ce qu'elles avaient d'illogique et de dangereux. Mais le décret de 1811, dans son article 5, va plus loin et décide que le Français naturalisé étranger, même avec l'autorisation

du gouvernement, est toujours passible de l'article 75 du Code Pénal, qui punit de mort le Français prenant les armes contre la France. On a discuté beaucoup sur le point de savoir si cette disposition était contraire ou non au droit des gens. Certains pensent, comme Martens, que quand l'État a consenti à la dénationalisation, tous les liens sont rompus: mais nous croyons, avec Bello', que la loi française, bien qu'illogique est juste. On permet au Français de perdre cette qualité, mais nullement de servir dans les armées d'un souverain étranger contre la France, ce qui est absolument différent. Outre ce qu'il y a de choquant et de blessant à voir un individu prendre les armes contre le pays où il est né, où il a vécu, où réside le plus souvent sa famille, il y a aussi la crainte parfaitement légitime que, par sa connaissance des lieux, de la langue, des gens, ils ne fournisse des renseignements utiles.

II

Cette interdiction de porter les armes contre la France est le seul point par lequel un ex-Français, qui est régulièrement dénationalisé, diffère d'un étranger pour les actes commis après la dénationalisation. Mais le changement d'allégeance laisse subsister comme nous l'avons dit toutes les obligations antérieures. L'ex-Français peut donc conserver avec la France certains liens résultant soit de ses délits, soit de ses contrats, de ses quasi délits ou de ses quasi contrats. Pour la plupart de ces obligations, il pourra être contraint de les exécuter s'il

1 Principios de derecho internacional, pag. 72.

revient sur le territoire français, ou si le droit des gens permet de le poursuivre jusque dans sa nouvelle patrie. Il n'y aura guère de difficultés possibles dans le plus grand nombre des hypothèses, qu'il s'agisse d'une dette envers l'État français, par exemple, ou d'un vol, etc... Pour ce qui concerne le service militaire, la question se complique d'une autre considération, savoir que le service militaire est en quelque sorte le criterium de la nationalité, et que, en France du moins, un étranger ne peut pas y être soumis. Que se passera-t-il donc si un Français soumis à la loi du recrutement se fait naturaliser à l'étranger et revient ensuite en France ?

On remarquera d'abord que si l'intéressé a obtenu du Gouvernement français un permis d'expatriation conformément aux dispositions du décret de 1811, il sera, en général, à l'abri de toute poursuite. Les permis de ce genre ne sont, en effet, au moins dans les usages actuels de la chancellerie, délivrés qu'après l'avis conforme du Ministère de la Guerre, qui naturellement ne pourrait accorder son adhésion dans le cas où le postulant serait soumis à un service actuel.

Il s'agit donc d'individus dénationalisés sans autorisation, par l'acquisition d'une nationalité étrangère, mais qui ne sont pas moins étrangers à nos yeux. C'est avec les États-Unis d'Amérique que des difficultés se sont le plus souvent présentées, à l'occasion de jeunes gens quí, après avoir acquis le titre de citoyen de l'Union, pensaient pouvoir revenir en France et y vivre sous la protection du pavillon américain, en échappant au service militaire. Le nombre de ces jeunes gens était à certains moments assez considérable: en 1859 ils ont fait l'objet d'une correspon dance entre la France et le gouvernement de Washington

M. Mason, ministre américain à Paris, reconnaissait, d'après les instructions de son gouvernement que, dans deux cas, la France est en droit de poursuivre les jeunes gens qui se sont fait naturaliser Américains et reviennent sur le territoire français: 1° si l'obligation du service militaire est née antérieurement à leur émigration; 2° si avant l'émigration ils n'ont pas accompli leurs devoirs militaires. En 1861, M. Faulkener, successeur de M. Mason, écrivait à M. Thouvenel, à la date du 7 avril : « Notre doctrine est « que l'on ne peut exiger le service militaire de l'émigrant <«< naturalisé à son retour dans son pays d'origine, alors « que cette obligation ne lui a pas été demandée de fait << antérieurement à son émigration. Il ne suffit pas d'être « sujet, en perspective, au service de l'armée. L'obligation «< de devoirs contingents, dépendant du temps, du tirage au « sort et d'événements à venir n'est pas reconnu. Il faudrait pour le soumettre à une pareille responsabilité qu'il y eût désertion réelle ou refus d'entrer dans l'armée après avoir été désigné par le sort à servir le gouverne«ment auquel il était soumis alors '. »

Le seul point sur lequel nous nous écartons de la doctrine américaine est relatif au moment où il faut se placer pour apprécier si l'émigré est passible de poursuites. L'Amérique se réfère au moment de l'émigration: nous ne pouvons la suivre sur ce terrain. Pour nous, ce n'est pas l'émigration, c'est la dénationalisation seulement qui fait tomber l'obligation du service militaire. En pratique, d'ailleurs, il ne s'est jamais produit des conflits qui n'aient pu recevoir promptement une solution satisfaisante. — Le ministère de la guerre avait suivi autrefois une doctrine

1 Voir le report of royal commissioners on naturalization, etc.

« PrécédentContinuer »