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comme Anglaise; mais en fait elle n'était pas Anglaise, puisque la loi anglaise, seule compétente pour conférer cette qualité, ne la lui conférait pas.

Nous pourrions répéter ici, en intervertissant les termes, ce qui vient d'être dit au sujet de l'étrangère qui épouse un Français. En cas de nullité du mariage, la femme reste Française. Quoique mineure, elle a pu embrasser valablement une nationalité étrangère par le mariage, puisque ce n'était qu'une conséquence. Sur le point de savoir si la femme devient nécessairement et malgré elle étrangère en épousant un étranger, il semble qu'outre les mêmes raisons que dans l'hypothèse inverse pour décider l'affirmative, il s'ajoute ici cette considération que la perte de la nationalité est, dans l'espèce, une sorte de peine et que, dès lors, il n'est pas utile, pour qu'elle soit valablement prononcée, que la personne intéressée y consente.

La seule différence sérieuse, entre le cas où la femme perd la nationalité française par le mariage et celui où elle l'acquiert, consiste en ce que la veuve d'un Français ne redevient pas étrangère aux yeux de notre loi dans les mêmes conditions que l'ex-Française veuve d'un étranger peut redevenir Française. Nous reviendrons sur ce point en étudiant les modes de réintégration dans la qualité de Français '.

§ 3.

Législations étrangères.

La plupart des législations de l'Europe ont adopté la même règle que la France et regardent le mariage comme entraînant pour la femme l'adoption de la nationalité du mari.

1 Ci-après chap. VI.

2

On remarquera d'abord qu'il en est ainsi chez tous les peuples où la famille suit la condition du père: en Suisse, par exemple, en Italie, en Autriche. En Allemagne la loi du 1er juin 1870 dit formellement que la femme suit la nationalité de son mari, et regarde le mariage d'une étrangère avec un Allemand comme un mode de naturalisation. Il en est de même en Turquie, en Belgique et en Russie'. Il y a cela de remarquable, dans ce dernier pays, que la dénationalisation de la femme par le mariage est le seul cas formel de dénationalisation reconnu par les anciennes lois.

En Angleterre, le mariage de la femme n'avait autrefois aucune influence sur sa nationalité. Il en résultait que la femme française épousant un Anglais était Française en Angleterre et Anglaise en France. Aujourd'hui il n'existe plus que le souvenir de cette bizarrerie. Le bill de 1844, confirmé et completé sur ce point par celui du 12 mai 1870, a établi dans le Royaume-Uni la règle presque universellement suivie en Europe 2.

On a vu ci-dessus que certaines législations de l'Amérique du Sud attribuaient à un étranger, épousant une femme du pays, la nationalité locale : c'était une sorte de contre-sens dont on comprend facilement la cause. Le mariage d'un étranger dans un pays est une forte présomtion qu'il entend s'y fixer à jamais : de cette présomption les Américains faisaient découler la concession de la nationalité. Aux yeux de la loi française, non-seulement le mari français ne doit pas suivre la nationalité de la femme, mais celle-ci doit devenir Française. Toutefois

1 Voir annexes P. Z. X. AA.

2 Annexe N, Art. 10 du bill 12 mai 1870,

dans la pratique, on peut facilement concilier les deux législations si le Français a perdu l'esprit de retour. Et la disposition de l'article 12, faite en vue d'une situation normale, et toujours applicable si le Français demeure en France ou fait un simple voyage à l'étranger, ne sera nullement violée parce qu'on aura considéré le mariage d'un émigré avec une Bolivienne comme témoignant de son intention de quitter à jamais la France, et apportant un argument en faveur de sa dénationalisation. Une loi haïtienne du 10 octobre 1860 décide que la femme haïtienne qui épouse un étranger conserve sa nationalité : beaucoup de nos compatriotes on invoqué cette disposition pour faire le commerce, au nom de leur femme, dans des villes où il n'est pas permis aux étrangers de s'établir. On discute aujourd'hui si la nouvelle constitution de la République n'a pas abrogé la loi de 1860.

-

On voit que, sauf ces quelques exceptions, la législation française est en harmonie avec celles de la plupart des États étrangers.

CHAPITRE V

DES CAUSES DE DÉCHÉANCE DE LA
NATIONALITÉ.

1. De la dénationalisation à titre de peine.

I

A Rome et en Grèce, certaines peines entraînaient la perte de la qualité de citoyen. L'exilé, le banni perdait sa nationalité: il était en quelque sorte excommunié. Un pareil usage ne pouvait se comprendre que dans des socié tés exclusives, comme l'étaient celles de l'antiquité, dans lesquelles la nationalité était affaire de religion autant et plus que de droit, et où les citoyens considéraient comme barbares toutes les personnes appartenant aux autres nations. Quelle était la peine qui pût frapper plus durement le Romain que l'interdiction de l'eau et du feu, qui l'assimilait à un étranger sans aucun droit dans la société romaine? - Dans les États modernes les relations internationales ont pris un tout autre caractère: les États se regardent comme formant des souverainetés indépendantes, et investies de droits identiques; ils sont sur le même pied, et il n'est plus admissible qu'on chasse les criminels sur le territoire des États voisins pour se débar

rasser d'eux. Cette pratique serait absolument contraire aux prescriptions de la comitas gentium, qui repose sur la réciprocité des bons offices, et tout à fait incompatible avec la bonne police de notre planète à laquelle tous les Gouvernements sont également intéressés. Pour obtenir une efficace répression des crimes, il faut non-seulement que les États voisins ne soient pas un lieu de déportation pour les malfaiteurs, mais même que ceux-ci soient, s'ils s'échappent, livrés à l'État sur le sol duquel ils ont commis un crime, pour être jugés et punis. C'est avec raison que l'Angleterre et la Suisse ont réclamé contre l'envoi chez elles de personnes compromises dans la commune de Paris '; que les États-Unis ont protesté énergiquement contre l'usage qu'avaient pris certains États, le Danemark par exemple, d'exporter les condamnés pour dégarnir leurs prisons. Seuls les criminels d'origine étrangère peuvent être expulsés. Mais chaque État est tenu de garder ses nationaux, malgré qu'il en ait. Il est donc inadmissible de les déclarer déchus de leur nationalité pour pouvoir les expulser ensuite: on ne peut pas plus éluder indirectement les règles du droit qu'on ne peut les violer directement. Outre cette considération, il convient d'observer que de nos jours la dénationalisation n'est pas forcément une peine, comme l'était l'espèce d'excommunication qu'on appelait la capitis minutio media ou maxima chez les Romains. C'est une peine pour ceux à qui le titre de Français tient au cœur, pour ceux qui aiment leur patrie jusqu'à savoir à l'occasion souffrir pour elle; mais les autres, mais surtout

1 Voir Bluntschli. Droit int. cod. trad., Lardy, art. 368, note 1.

2 Le savant professeur Liéber demandait, dans une lettre écrite au secré taire d'État Fish, le 24 septembre 1869, que États-Unis procédassent par voie d'arrangement avec les puissances Européennes pour arrêter ce genre de déportation,

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