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résulte que les points sur lesquels on désirerait, à Bruxelles, conclure une convention avec la France sont plus nombreux que les explications fournies au parlement ne le laissaient supposer. Néanmoins la première et la plus importante disposition de l'arrangement à intervenir aurait précisément pour objet de retarder jusqu'à la vingtdeuxième année l'appel sous les drapeaux, dans les deux pays, des jeunes gens nés, dans un des deux États, de parents nationaux en l'autre et à qui le Code civil commun accorde le droit d'opter entre les deux nationalités quand ils ont atteint la vingt et unième année '. Ce serait, pensons-nous, une mesure sage et équitable, et la France ne saurait avoir à s'en plaindre, car si nous perdions quelques hommes parmi les Français nés en Belgique et dont beaucoup seront peut-être disposés à choisir cette dernière nation, où les charges sont moins lourdes, nous en gagnerions bien certainement, parmi les Belges nés en France, qui, dans l'état de choses actuel, sont appelés à dix-neuf ans à servir la Belgique, et par suite ne sont guère disposés à effectuer plus tard une option qui les ferait tomber sous le coup de la loi militaire française.

Il faudrait, cependant, que les intéressés ne fussent pas privés de l'avantage d'entrer, s'ils le veulent, avant l'âge de vingt-deux ans dans l'armée ou dans les écoles militaires du pays auquel ils appartiennent, étant mineurs. Pour cela, il y aurait lieu de les autoriser à renoncer au droit d'option, avec l'autorisation de leurs représentants légaux, ainsi qu'il a établi, par la loi du 16 décembre 1874, pour les jeunes gens nés en France de parents français qui eux

1 Voir, annexe DD., la communication de M. Lecmans à la Société de législation comparée.

mêmes y sont nés '.- En pratique, il serait facile d'assurer l'application de ces mesures, puisque les listes de recrutement des Français résidant en Belgique sont dressées par nos agents diplomatiques, qui n'auraient qu'à renvoyer à deux ans les individus nés dans le royaume, sauf le cas où ils demanderaient eux-mêmes, dûment autorisés, à être appelés en même temps que les autres Français de leur âge.

§ 4. Enfants nés de parents ayant perdu la qualité de Français.

I

L'article 10 de notre Code civil décide que « tout enfant né d'un Français en pays étranger est Français ». C'est la disposition qui vient d'être expliquée. Dans sa seconde partie, le même article donne une nouvelle application de la règle que la filiation détermine la nationalité. Il suppose un enfant né à l'étranger de parents ayant perdu la qualité de Français : cet enfant «< pourra toujours recou« vrer cette qualité en remplissant les formalités pres<crites par l'article 9 ». Ainsi, le législateur a voulu que l'enfant d'un individu qui a été amené à se faire naturaliser étranger, ou qui est déchu de sa nationalité, mais qui est de race française, pût par simple déclaration, obtenir la qualité de Français. Il dit même recouvrer, quoique jamais cet enfant n'ait perdu une qualité qu'il n'a jamais eue, mais parce qu'on le rend pour ainsi dire solidaire de

Voir ci-après 6.

sa famille. C'est donc une extension au principe de la filiation qui est sanctionnée par notre article. La déclaration pourra être faite pendant toute la vie de l'intéressé, à la seule condition de son retour en France.

On peut s'étonner des mots nés en pays étranger, que renferme la deuxième disposition de l'article 10. C'est une trace, qui eût dû être effacée, de la première rédaction du Code qui rattachait la nationalité à la naissance sur le territoire français. Il était naturel alors qu'on parlât des enfants nés à l'étranger, ceux qui naissaient en France étant tous Français. Il faut admettre, à fortiori, que l'enfant né en France d'un ci-devant Français pourra invoquer l'article 10. Il aura donc sur l'enfant d'un simple étranger l'avantage de pouvoir opter à tout âge.

Nous pensons, avec la majorité des auteurs, qu'il faut accorder le bénéfice de l'article 10 à l'enfant d'une femme qui a perdu sa nationalité par le mariage. C'est à cause du sang français, qui coule dans ses veines, qu'on permet à l'enfant de l'article 10 de devenir si facilement Français le fils de la femme française mariée à un étranger a donc autant de droit que celui de l'ex-Français à réclamer cette faveur *.

Cette considération du droit du sang a été bien certainement le motif déterminant de la règle de l'article 10. Mais il ne faudrait pas pourtant aller jusqu'à en refuser l'application aux personnes qui tiennent seulement à la France parce que leur père a été sujet français momentanément sans que d'ailleurs il fût un Français de race. On s'est demandé, par exemple, si le bénéfice de l'article 10

1 Cette solution, qui paraît adoptée en France par la Chancellerie, a été repoussée par la cour de cassation de Belgique, le 24 février 1874.

peut être invoqué par l'enfant de celui qui est devenu temporairement Français par la réunion de son pays à la France, et qui a cessé de l'être par la séparation de ce pays du territoire français. La négative est soutenue par M. Demangeat' et par les annotateurs de Zachariæ; l'affirmative a été défendue avec beaucoup de talent par M. Mourlon, dans une savante dissertation publiée en 1858 dans la Revue pratique 2. La question s'était posée à l'occasion du fils d'un Piémontais qui s'était fixé en France pendant le premier empire, et qui, en 1814, avait omis de remplir les formalités requises pour conserver la nationalité française. L'intéressé pouvait-il en 1857 faire valoir que son père avait été quelques années Français, pour réclamer l'application de l'article 10 du Code ? Nous ne voyons aucune raison sérieuse de ne pas répondre affirmativement. Les tribunaux ont tranché la question différemment, en invoquant un soi-disant principe de droit des gens, d'après lequel les habitants d'un pays cédé seraient supposés avoir toujours été sous l'allégeance de leur dernier maître. Rien n'est plus contestable que ce prétendu principe, qui n'a jamais existé ailleurs que dans l'imagination des théoriciens.

Quoique partisan d'appliquer largement la règle de l'article 10, nous croyons pourtant qu'il faut se borner à la première génération et ne pas accorder la même faculté aux descendants d'un autre degré. Seule, une loi d'exception, la loi des 9-15 décembre 1790, a permis à une catégorie d'individus descendants de familles françaises,

1 Demangeat et Fœlix, Droit international, t. I, p. 214, note 12. Aubry et Rau, 4o édition, t. I, & 70, p. 240, note 12.

Revue pratique, correspondance par M. Mourlon, année 1858, t. V., p. 245 et suiv.

quelle que fut la distance qui les séparât de leur auteur français, de réclamer la qualité de Français '.

II

Loi du 9-15 décembre 1790.- La disposition capitale de la loi est la suivante : << Toutes personnes qui, nées en « pays étranger, descendent en quelque degré que ce soit «< d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause << de religion sont déclarés naturels Français et jouiront << des droits attachés à cette qualité, si elles reviennent en << France, y fixent leur domicile et y prêtent le serment «< civique. » Il s'agissait de faire disparaître les conséquences de la révocation de l'édit de Nantes, et de marquer toute la réprobation que l'on ressentait contre les mesures qui avaient obligé tant de malheureux à chercher un asile hors de leur pays.

Le rapporteur de la loi considérait qu'en droit naturel les religionnaires fugitifs n'avaient jamais cessé d'être Français, puisque leur départ avait eu lieu en vertu d'ordonnances tyranniques ayant méconnu les premiers droits de l'humanité. Mais, en droit positif, il fallait effacer l'effet de nombreuses ordonnances qui, depuis 1669, avaient déclaré aubain tout Français sortant de France sans une

1 La disposition de l'article 10 est d'une des dispositions légales qui occasionnent des difficultés avec la Belgique au point de vue du service militaire. Dans les idées du gouvernement belge, on devrait ajourner aussi, jusqu'à la vingt-deuxième année, l'appel des jeunes gens nés de parents ayant perdu l'une des deux nationalités pour acquérir l'autre, et à qui l'art. 10 du Code civil commun aux deux pays reconnaît le droit d'opter à leur majorité pour la première nationalité de leur famille. C'est une proposition fort équitable. Voir annexe DD.

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