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ble à un arbre couvert de feuilles et de fruits, qui donne de l'ombre et du fruit à ceux-là même qui lui jettent des pierres.

9. Veux-tu faire croître le mérite, sème les récompenses; spes præmii laboris est solatium, l'espoir de la récompense soulage nos travaux.

10. Une once de vanité gâte un quintal de mérite. La vanité nuit à la vertu, même la plus consommée. Saadi, célèbre poète persan, se plaisait à raconter une aventure de sa jeunesse. «Je lisais le Qôran à ma famille assemblée; mes frères s'endormirent; je le fis remarquer à mon père en lui disant: Ils dorment, et je prie. Mon père m'embrassa tendrement, mais il me dit. Ne vaudrait-il pas mieux que tu dormisses comme eux, que d'être si glorieux de ce que tu fais? Je n'oubliai jamais la leçon de mon père.»

11. Quatre choses ne doivent pas nous flatter: la familiarité des princes, les caresses des femmes, le rire de nos ennemis, et la chaleur de l'hiver, car ces quatre choses sont de courte durée.

12. Celui qui sème des grains est aussi grand devant Ormusd, que s'il avait donné l'être à cent créatures. L'agriculture est encore aujourd'hui la principale profession des guèbres, les scctateurs de Zoroastre et les adorateurs du feu : ils pensent qu'elle est la plus chère à la divinité.

13. La fortune est une échelle; autant vous montez d'échelons, autant il vous en faudra descendre : ne vous fiez donc pas à une trompeuse qui ne vous élève que pour mieux vous précipiter, et qui souvent vous laisse tomber du fatte où vous êtes parvenu, pour

vous briser par la chute. (Voir le prov. italien 101). Le poète persan Saadi se rencontre parfaitement, pour cette pensée, avec ces fameuses échelles de Pittacus que ce sage consacra sur l'autel de la fortune, qu'il fit représenter à Smyrne et à Lesbos sous les traits d'une vieille femme portant sur une main un pot plein de feu et sur l'autre un vase rempli d'eau. A sa droite, il fit peindre une échelle chargée d'enfans qui montent, et à sa gauche, une seconde échelle d'où descendent d'autres enfans. Ceux qui s'élèvent paraissent infatigables et gais; l'éclair de l'espérance brille dans leurs yeux. Ceux au contraire qui reviennent à terre sont tristes et versent des larmes. D'autres enfans, un peu plus grands, placés en bas entre les deux échelles, applaudissent leurs compagnons de la droite, etse moquent de leurs camarades de la gauche. Les mêmes idées se retrouvent aux deux extrémités opposées de la terre.

14. Baise la main que tu ne peux couper. Les Persans, persuadés que la justice n'a d'autres règles que la volonté du prince, flattent sans pudeur l'homme puissant qui les opprime, et mettent souvent en pratique cette maxime hypocrite qui est devenue proverbiale chez eux.

15. Lorsque le prince cueille un fruit, l'esclave arrache l'arbre. Cette maxime de Nourschirvan veut peindre le mauvais effet de l'exemple. Les courtisans dépassent toujours le cercle des manières et des volontés des princes, par l'effet de la servilité de leur nature, qui, étant retenue en prison par la honte et la crainte de déplaire, est mise en liberté par l'exemple.

16. Des melons d'Ispahan, sur mille il n'y en a pas un de mauvais. Ils ne ressemblent pas aux nôtres, où sur mille à peine peut-on en trouver un bon.

17. Les paroles des grands ne tombent jamais à terre. Un homme puissant a cet avantage, que, s'il ne desserre pas les dents, on vante la profondeur de sa politique; s'il ouvre seulement la bouche, il n'en sort que des oracles; on s'extasie sur l'étendue de son génie.

Tous les discours sont des sottises
Partant d'un homme sans éclat ;
Ce serait paroles exquises

Si c'était un grand qui parlât.

18. La modestie est ordinairement la compagne du mérite et des talens. L'homme qui joint aux avantages que procurent les talens, le mérite de la modestie, ressemble à une branche d'arbre surchargée de fruits, qui courbe sa tête vers la terre. Cette comparaison ingénieuse est d'un poète persan.

19. J'entends' le bruit de la meule, mais je ne vois pas la farine. Ou taisez-vous, répétait souvent Pythagore, ou dites quelque chose qui vaille mieux que le silence.

20. La langue arabe est propre à flatter les hommes, la turque à les reprendre, et la langue persanne à les persuader. Aussi, ajoute-t-on, le serpent qui séduisit Ève parlait arabe; Adam et Eve s'entretenaient de leurs amours en persan, et l'ange qui les chassa du paradis leur parla turc.

21. Ispahan fait la moitié du monde. Proverbe ou plutôt hyperbole dont se servent les Persans pour exalter la beauté, la grandeur de la capitale

de leur empire, à laquelle Chardin donne huit lieues de circuit, et que l'on croit avoir été bâtie sur les ruines d'Hécatompile, ancienne capitale de la Part hie

22. Un homme peut passer pour sage lorsqu'il cherche la sagesse ; mais s'il croit l'avoir trouvée, c'est un sot.

23. Se fier à l'Othoman, c'est s'appuyer sur l'onde. Les Persans sont convaincus que la politique des Turcs consiste à tromper, et à violer la foi jurée; mais les Turcs pourraient leur adresser le même reproche, car il n'y a pas de nation qui se fasse moins de scrupule de se jouer de la bonne foi et de la sainteté des traités que les Persans. Ils font plus, ils se font gloire de leur duplicité.

24. Quiconque arrive en bonne santé à Ispahan, n'y saurait tomber malade. L'air sain qu'on respire dans cette ville et aux environs a motivé le proverbe.

25. L'ignorance est une rosse qui fait broncher celui qui la monte, et qui fait rire de celui qui la mène.

26. Trois motifs portent à rechercher le monde : les honneurs, les richesses et les plaisirs. Vivez retiré, vous acquerrez de l'honneur; contentez-vous de ce que vous possédez, vous voilà devenu riche; méprisez le monde, vous aurez atteint le vrai plaisir, qui est le calme.

27. Le palais de la santé est le palais de la mort. Les hôpitaux sont très-nombreux en Perse, et sont appelés palais de la santé. Mais les mollahs qui les déservent sont si cupides et si intéressés,

qu'ils

refusent aux malades les secours les plus nécessaires, ce qui a donné lieu au proverbe.

28. Le don d'un homme généreux est un vrai prẻsent, le don d'un homme intéressé est une demande.

29. Une femme coquette ressemble à l'ombre qui marche avec vous: si vous courez après, elle vous fuit; si vous la fuyez, elle vous suit.

30. Quoiqu'un ghiaber allume le feu cent ans durant, s'il vient à tomber une fois dedans, il ne laisse pas que de se brûler. Ce proverbe signifie qu'il faut se soumettre à ce que le destin a ordonné et subir tout ce qui est inévitable; c'est une suite du système de la prédestination, qui n'est cependant pas, chez les Persans, un préjugé aussi enraciné que chez les Turcs. Le mot de ghiaber est le même que celui de ghiaour, employé par les Turcs pour désigner les adorateurs du feu, car la langue turque est presque aussi commune en Perse que le persan même. Il y a encore aujourd'hui de ces ghiabers en Perse; ils sont extrêmement attachés à leur superstition. Les Arabes appellent ces idolâtres mainsi, c'est-à-dire mages, parce qu'ils retiennent encore l'ancienne religion des mages, et leur adoration du feu. On les appelait parsis dans l'empire du Mogol: ce mot dénote bien leur origine persanne.

31. Quand Schiraz était Schiraz, le Caire n'était que son faubourg. Quelques historieus prétendent que l'ancienne enceinte de Schiraz comprenait plus de douze lieues. Cette immense étendue a donné lieu à la comparaison et au dicton populaire en usage en Perse.

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