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à la plus longue portée de la vue; ils s'en approchent, et lorsqu'ils se voient les plus forts, ils les pillent et se contentent de dépouiller les voyageurs; ils ne sont pas cruels, excepté lorsque ceux-ci en se défendant tuent un Bédouin alors il vengent la mort de leur compatriote dans le sang des étrangers; en d'autres occasions, ils usent de bons procédés, qui tiennent à leur penchant naturel pour l'hospitalité. Les Turcs, qui envoient des caravanes par le désert à la Mecque, évitent le pillage en payant un droit annuel de passage aux tribus limitrophes de la route de la Mecque; mais l'orgueil et l'insolence des officiers turcs et le refus de payer le tribut, ont souvent forcé les Arabes à se faire justice en pillant les caravanes.

L'Arabie est le berceau de l'islamisme. La religion mahométane est partagée en diverses sectes, qui toutes reconnaissent Mahomet pour leur prophète, et regardent le Qoran comme le code de leurs lois civiles et religieuses. D'accord seulement sur ce point, elles sont divisées sur le dogme, et se traitent réciproquement de rafidi, c'est-à-dire d'hérétiques. Toutes ces sectes ont en vénération les descendans de Mahomet, qui tiennent le premier rang parmi les grandes maisons d'Arabie, et auxquels on donne différens titres on les appelle en Arabie scherifs ou sejids; à Maroc et sur les frontières de Perse, on les nomme maula. Ils se distinguent par un turban vert, qui cependant n'est pas toujours la marque caractéristique d'un descendant de Mahomet. Les scherifs de l'Hédjâz passent pour les plus nobles descendans du prophète, parce qu'ils

se sont moins mésalliés que les autres. La noblesse des Bédouins peut être comparée à celle des lairds des Écossais montagnards, dont les clans ont beaucoup de ressemblance avec les tribus arabes. Les musulmans, en général, ne sont pas persécuteurs à l'égard des autres religions, dont les sectateurs n'ont rien à craindre, excepté dans le cas d'un commerce galant avec une mahométane, où si le délinquant n'embrasse pas l'islamisme, il court risque de perdre la vie. En fait de blasphème, que les mahométans ont en horreur, un musulman n'est pas plus épargné qu'un chrétien; le châtiment suit de près la faute. Les juifs sont très-répandus en Arabie; ils ont des synagogues dans différentes villes, et jouissent de beaucoup de liberté. Les Arabes ne paraissent pas avoir de l'aversion pour ceux qui sont d'une religion différente de la leur; mais ils les méprisent à peu près comme les chrétiens en Europe méprisaient les juifs. Ce mépris est gradué; il tombe plus sur les banians que sur les juifs, plus sur les juifs que sur les chrétiens. En général, le penchant à la tolérance universelle préserve les Arabes de la passion du prosélytisme; ils ne cherchent ni à séduire ni à contraindre personne, quelquefois seulement les très-jeunes esclaves, pour qu'ils embrassent l'islamisme.

Le climat, le gouvernement et l'éducation sont les agens qui forment et modifient le caractère national: le premier donne aux Arabes de la vivacité et du penchant à la paresse; le second augmente ce penchant et inspire de la duplicité; le troisième produit cet extérieur grave et réfléchi qui se com

munique aussi aux facultés de l'esprit. Les jeunes Arabes, étant toujours sous les yeux de gens d'un âge mûr, deviennent sérieux, même dès leur enfance; mais ce caractère, dû à l'éducation, n'exclut point la vivacité naturelle. Les habitans de l'Yémen, respirant un air pur dans un heureux climat et sous un ciel agréable, sont plus vifs que ceux de l'Hédjâz et de l'Arabie Pétrée, dont l'imagination est attristée continuellement par l'aspect de rochers nus et de déserts arides. Cette vivacité des Arabes fait qu'ils recherchent la société; ils fréquentent les cafés publics et les foires, qui sont si nombreuses dans l'Yémen, qu'il n'y a pas de village qui n'en ait une par semaine.

Comme les Arabes ont les passions violentes, ils sont portés à outrer le désir de venger leurs injures; ils sont sur cela d'une susceptibilité extrême. Cet esprit vindicatif leur est commun avec presque tous les habitans des pays chauds. L'honneur des Bédouins est plus chatouilleux que le nôtre. Si un chaik dit, d'un air sérieux, à un autre chaik : Ton bonnet est sale, ou Ton turban est de travers, cette injure, qu'ils regardent comme atroce, ne peut être lavée que dans le sang non-seulement de l'offenseur, mais dans celui de tous les mâles de la famille. Ce sont surtout les meurtres de tribu à tribu qui perpétuent les dissensions. Une loi établie chez les Arabes a permis le droit du târ, ou talion, et veut que le sang de tout homme tué soit vengé par celui de son meurtrier. Ce droit est dévolu au plus proche parent du mort: il y a du sang entre nous, dit-on, tant que la satisfaction n'est pas en

tière, et ces mots sont une déclaration de guerre.

La polygamie, bien moins commune que l'on croit en Arabie, y est cependant permise; mais les Arabes se prévalent rarement du droit d'avoir quatre femmes légitimes, et d'entretenir encore des esclaves à volonté : ce ne sont que des riches voluptueux qui épousent plusieurs femmes, et leur conduite est généralement blâmée par les honnêtes gens. Les Arabes usent peu de la faculté de répudier leurs femmes, parce que la honte est attachée à cette action : les femmes ont aussi le droit de demander le divorce, si elles sont maltraitées par leurs maris. Elles jouissent ordinairement d'une grande liberté, restent maîtresses de leur dot, qu'elles reprennent en cas de divorce; elles acquièrent souvent même un grand empire dans leur ménage, ce qui réfute la fausse opinion que des voyageurs nous ont donnée de l'esclavage des femmes en Arabie.

La superstition exerce un grand pouvoir en Arabie, surtout à l'égard des liens du mariage: on croit aux enchantemens, à l'art de nouer et de dénouer l'aiguillette. La victime de ces prétendus charmes s'adresse, pour les conjurer, aux médecins et aux vieilles femmes, toujours expertes en fait de sorcellerie. On ne voit point en Arabie de ces êtres dégradés qu'une opération barbare destine à la garde des harems; les Arabes ont une horreur invincible pour la castration.

Tous les Arabes ont la barbe noire; quand elle blanchit, quelques vieillards la teignent en rouge, coutume généralement désapprouvée. Dans l'Yé

men, il serait honteux de paraître sans barbe. On connaît la vénération des mahométans pour cet ornement naturel du visage; les esclaves ne peuvent le porter; le couper à un homme libre, c'est le déshonorer. Aussi les Bédouins jurent-ils par la barbe, en la prenant avec la main; quelquefois aussi ils jurent par leur tête; mais, de tous les sermens, le plus saint, le plus redouté, celui qui est réservé pour le cas d'une importance extrême, se prononce en levant sa robe et saisissant son phallus. Cet usage de jurer par les organes de la génération remonte à la plus haute antiquité : mets la main sur ma cuisse, dit le vieil Abraham à son serviteur, et jure d'aller en Mésopotamie, prendre une femme pour mon fils Isaac.

Les Arabes le disputent en politesse même aux Persans, qui sont de tous les Orientaux le peuple le plus scrupuleux sur le cérémonial; leur attachement opiniâtre pour leurs usages est si grand, qu'il est même passé en proverbe. La formule ordinaire pour se saluer est salam aleikum, la paix soit avec vous; on répond: aleikum essalam, avec vous soit la paix; ils portent la main droite sur le cœur en prononçant ces mots. Les mahométans emploient rarement ce salut à l'égard des chrétiens; ils se contentent de leur dire sebach el chair, bonjour. Quand les Arabes du désert se rencontrent, ils se donnent la main plus de dix fois, chacun baise sa propre main; s'ils se trouvent avec une personne supérieure en dignité, ils lui baisent la main avec respect. On peut présumer, avec quelque raison, que c'est d'eux que les Espagnols ont emprunté

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