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par celui de la religion. Les Orientaux tiennent beaucoup au sol de la patrie. M. de Châteaubriand, qu'il faut toujours citer dans les mouvemens passionnés du cœur, fait un beau tableau de l'amour de la patrie : Après avoir erré sur le Globe, l'homme, par un instinct touchant, aime à reve» nir mourir aux lieux qui l'ont vu naître, et s'as» seoir un moment au bord de sa tombe, sous les » mêmes arbres qui ombragèrent son berceau. La >> vue de ces objets, changés sans doute, qui lui rappellent à la fois les jours heureux de son inno» cence, les malheurs dont ils furent suivis, les vicissitudes et la rapidité de la vie, raniment dans » son cœur ce mélange de tendresse et de mélan» colie qu'on nomme l'amour de son pays.» Lorsque les anciens voulaient parler d'un peuple qui avait le plus grand amour pour la patrie, ils citaient les Crétois. La patrie, disait Platon, nom si tendre aux Crétois. Selon Plutarque, ils l'appelaient d'un nom qui exprime l'amour d'une mère pour ses enfans. Cependant une infinité de grands personnages de l'antiquité se sont mis à cet égard au dessus des sentimens du vulgaire pour une mère souvent ingrate, comme Athènes le fut envers Phocion, comme la France le fut envers Descartes. Anaxagore montrait le ciel du bout du doigt quand on lui demandait où était sa patrie. Il comptait pour très peu de chose de vivre et de mourir hors de sa patrie. Lorsqu'il était à Lampsaque, ses amis lui demandèrent s'il voulait qu'après sa mort on le fît porter à Clazomène, sa patrie et le lieu de sa naissance Cela n'est pas nécessaire, leur dit-il,

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le chemin des enfers n'est pas plus loin d'un lieu que d'un autre. Diogène disait toujours qu'il était cosmopolite. Cratès le Thébain se moqua d'Alexandre, qui lui parlait de rebâtir sa patrie, lui disant qu'un autre Alexandre la pourrait venir détruire une seconde fois. Le sentiment de Socrate est que chacun doit incomparablement plus au genre humain, qui est la grande famille, qu'à la patrie. Interrogé de quel pays il était, il répondit: Je suis du Monde. Un autre aurait dit: Je suis d'Athènes. C'eût été répondre en citoyen d'Athènes, mais non pas en Socrate. La patrie d'un homme d'esprit, suivant le sceptique la Mothe-Levayer, est partout où il peut vivre commodément : ubi benè, ibi patria. Il y a une sorte de faiblesse, disait-il, à ne pouvoir vivre qu'en un lieu certain et déterminé. Un homme à caractère trouve une patrie partout: omne solum forti patria est. Le sage porte avec lui, dans un pays étranger, son esprit, son cœur et ses vertus, qui sont les seuls biens solides dont il peut toujours jouir heureusement.

82. Voyageur, tu trouveras sans peine un ami à la place de celui dont tu t'éloignes. Change souvent de demeure, car la douceur de la vie consiste dans la variété. Je ne connais rien sur la terre qui soit plus charmant que les voyages: abandonne donc ta patrie, et mets-toi en route. L'eau qui reste dans un étang se corrompt bientôt; coule-t-elle sur un lit de sable, elle devient limpide et douce; mais à peine s'arrête-t-elle qu'elle devient amère. Si le soleil demeurait constamment sur l'horizon, les peuples de la Perse et de l'Arabie se fatigueraient de sa clarté bienfaisante; si le

lion ne sortait pas de sa forêt, comment prendrait-il de la proie, et si la flèche ne s'éloignait pas de l'arc, comment atteindrait-elle le but; la poudre d'or, abandonnée dans sa mine, n'est pas plus précieuse que de la paille; et l'aloès, dans son sol natal, est regardé comme le bois le plus commun. Cette agitation inquiète, et cette disposition aux voyages, exprimées par un grand nombre de figures assorties au génie des peuples de l'Orient, tiennent essentiellement au caractère et aux habitudes des Arabes nomades, dont la vie entière se passe à changer continuellement de lieux.

83. Défie-toi de ton voisin s'il a fait un hadj; mais s'il en a fait deux, hate-toi de déloger. On appelle en arabe hadj le pélerinage que les musulmans font à la Mecque pour admirer les merveilles de la Kiábé, ou Caabah, et celles du mont Ararat, et à Médine pour faire leurs dévotions au tombeau du Prophète, qui n'est nullement, comme on l'a prétendu, suspendu par un aiman. Mais ce n'est pas l'objet principal de leur pélerinage, l'intérêt pécuniaire y a une part encore plus considérable. Une caravane est le moyen d'exploiter une branche de commerce très-lucrative. Les pélerins, en partant de chez eux, se chargent de marchandises qu'ils vendent sur la route. L'argent qui en provient est transporté à la Mecque, où il est échangé contre les mousselines et les indiennes du Malabar et du Bengale, les châles de Cachemire, l'aloès de Tunkin, les diamans de Golconde, les perles de Bahrain et le café de l'Yémen. Si les pèlerins échappent au pillage des Arabes, et cela arrive

souvent, ils font alors des profits considérables. L'expérience a ensuite prouvé que la plupart des dévots de la Mecque ont une insolence et une mauvaise foi particulière, comme s'ils voulaient se venger d'avoir été dupes en se faisant fripons. Leur duplicité a fait naître le proverbe.

S XI. Proverbes danois.

DES DANOIS.

Suivant quelques écrivains, les Danois ont reçu leur nom d'un de leurs premiers chefs nommé Dan; mais cette étimologie est fort incertaine. Les Danois sont connus sous ce nom dès le sixième siècle. Le Danemarck paraît avoir été peuplé originairement par les Cimbres ou Celtes septentrionaux, les ancêtres des Gallois qui occupaient particulièrement la Chersonnèse Cimbrique, ou le Jutland et le Sleswick des modernes. Le célèbre historiographe du Danemark Torfous fixe l'époque du commencement de la monarchie danoise à l'an 60 avant Jésus-Christ, et pose pour principe, conformément aux plus anciennes chroniques, qu'il se fit une transmigration d'Asiatiques dans le nord de l'Europe, vers l'an 3930 du monde, sous la conduite d'Odin: que ce chef employa dix années entières à conquérir la Russie, la Suède, la Norwege et le Danemark, et que ce fut vers l'an 3940 du monde qu'il établit son fils Skiod dans le pays qu'on appelle actuellement le Danemark. Tout en admettant l'opinion de Torfæus, il est probable

qu'Odin, passant de l'Asie dans le nord, dut le trouver considérablement peuplé, surtout de Cimbres, qui avaient indubitablement des lois et des princes, quel que fût le titre que prissent ceux-ci, soit celui de koning, c'est-à-dire roi, soit celui de brotter, seigneur.

Les anciens habitans du Danemark se distinguaient par un courage qui approchait de la férocité. Leur religion fut d'abord celle de tous les peuple du monde, l'idolatrie, jusqu'au commencement du neuvième siècle après Jésus-Christ. L'immortalité de l'âme était un dogme reçu chez eux; c'est ce qu'on doit conclure du soin qu'ils prenaient des funérailles, des cérémonies qu'ils pratiquaient sur les tombeaux, dont la violation était un crime. Être fidèle dans ses engagemens, patient et courageux dans l'adversité, c'est à quoi se réduisait toute la morale de ces peuples. La guerre et la piraterie étaient leurs principales occupations et des professions honorables. La morale et les lois, l'éducation publique et particulière, les honneurs décernés aux guerriers de leur vivant, les honneurs qu'on leur rendait après leur mort, le soin qu'on prenait de transmettre le souvenir de leurs exploits, la religion même, tout concourait à entretenir et à augmenter le courage, quoique tous ces moyens paraissent superflus pour une nation sur laquelle le seul amour de la gloire exerçait l'empire le plus absolu. Le Walhall, séjour destiné aux âmes des héros, était, selon la croyance de ce peuple, un séjour magnifique et délicieux, où les guerriers, servis par des walkires, ou des filles charmantes dont

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