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pour affermir la propriété dans les mains de l'acquéreur que la loi a organisé la purge; il faut donc que la procédure soit activée, sinon elle prolongerait l'incertitude de la propriété; car, tant que les créanciers n'ont pas pris de parti sur la surenchère, le droit de propriété du tiers détenteur est incertain. C'est l'opinion unanime (1).

la

504. La loi dit que le délai de quarante jours commence à courir à partir de la notification que le nouveau propriétaire fait pour déclarer aux créanciers qu'il leur offre son prix (art. 113). Cette notification s'adresse à chaque créancier individuellement; il suit de là que le délai de quarante jours est aussi un délai individuel, en ce sens qu'il court pour chaque créancier, à partir du jour où il a reçu la notification. La cour de cassation l'a jugé ainsi, et en principe, cela est d'évidence (2). Les créanciers prétendaient qu'ils étaient recevables à surenchérir tant que d'autres créanciers, auxquels la notification avait été faite postérieurement, pouvaient user de ce droit. Il est vrai que Îa surenchère faite par l'un des créanciers profite à tous, ce qui implique un certain lien de solidarité entre les divers créanciers inscrits, mais cela suppose que la surenchère est faite légalement; dans ce cas, elle profite même à ceux qui n'auraient pas pu surenchérir parce qu'ils ne se trouvaient pas dans le délai légal. Mais de là on ne peut pas induire que ceux qui sont déchus peuvent encore surenchérir. Dans l'espèce jugée par la cour de cassation, il y avait un motif de douter très-sérieux, à notre avis. Le nouveau propriétaire, en faisant les notifications prescrites la loi, avait omis l'un des créanciers inscrits. Il ne se contenta pas de faire une notification au créancier omis, il renouvela même celle qui avait été faite régulièrement. L'un des créanciers surenchérit dans le délai de quarante jours après les nouvelles notifications, mais le délai était expiré si l'on tenait compte des premières. Il a été jugé

par

(1) Martou, t. IV, p. 160, no 1510. Pont, t. II, p. 618, no 1354. Cassation, 15 mars 1837 (Dalloz, au mot Surenchère, no 104, 2o).

(2) Rejet, 10 mai 1853 (Dalloz, 1853, 1, 153). Martou, t. IV, p. 154, nos 1500 et 1501. Pont, t. II, p. 617, nos 1354 et 1355. Aubry et Rau, t. IV, p. 526 et suiv., et note 70, § 294.

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que le délai courait à partir des premières notifications. Cela est douteux. En faisant de nouvelles notifications, le tiers acquéreur donnait un nouveau droit, un nouveau délai, sinon ces notifications répétées eussent été tout à fait inutiles; et, en réalité, la cour de cassation les a considérées comme non avenues. Il nous semble que c'est dépasser la loi.

505. Comment compte-t-on le délai de quarante jours? D'après la règle générale que l'on suit en cette matière, puisque la loi n'y déroge pas. Le délai commence à courir à compter du jour où les notifications ont été faites, mais ce jour n'est pas compris dans le délai, car il n'est pas entier, et le créancier a droit à quarante jours complets. Par contre, le quarantième jour est compris dans le délai; c'est ce jour-là au plus tard que la surenchère doit se faire; le créancier ne pourrait donc pas signifier la surenchère le lendemain (1).

506. Le délai court contre toutes personnes, même contre les incapables; on n'applique pas aux délais dans lesquels un acte doit être fait les principes qui régissent la prescription; celle-ci est suspendue en faveur des incapables, tandis que les délais courent contre tous (2). Les motifs d'intérêt public qui les ont fait établir sous peine de déchéance ne permettent point de les prolonger. Nous reviendrons sur ce point au titre de la Prescription.

Il faut cependant faire une restriction à ce principe en vertu de la loi belge, qui oblige les créanciers privilégiés ayant droit à la résolution d'opter entre la résolution et leur privilége; s'ils optent pour la résolution, la procédure de purge est suspendue, et, par suite, l'exercice de la surenchère; le délai de quarante jours reprendra son cours si l'action en résolution tombe, soit que le créancier y renonce, soit que le tribunal la rejette (3).

507. Le délai ordinaire est augmenté lorsqu'il y a une

(1) Martou, t. IV, p. 155, no 1502. Pont, t. II, p. 618, no 1354. Aubry et Rau, t. III, p. 527, notes 73, 74, § 294.

(2) Grenoble, 27 décembre 1821 (Dalloz, au mot Surenchère, nos 77 et 81). Aubry et Rau, t. III, p. 527, note 75, § 294. Martou, t. IV, p. 159, no 1508 (3) C'est la remarque de Martou, t. IV, p. 159, no 1509.

distance de plus de cinq myriamètres entre le domicile réel et le domicile élu du créancier; l'article 115 (code civil, art. 2185) contient à cet égard la disposition suivante: « On ajoute au délai de quarante jours, un jour par cinq myriamètres de distance entre le domicile élu et le domicile réel du créancier le plus éloigné du tribunal qui doit connaître de l'ordre. » La loi veut que le créancier ait quarante jours complets pour surenchérir; or, il ne les aurait pas si, étant éloigné du domicile élu où se fait la notification du tiers acquéreur, il ne la recevait qu'un ou plusieurs jours après qu'elle aurait été faite; il fallait donc augmenter le délai à raison de la distance qui existe entre le domicile élu et le domicile réel. Le code civil fixait cette augmentation à deux jours par cinq myriamètres. A raison de la grande facilité de communications qui existe aujourd'hui, le législateur belge a réduit l'augmentation à un jour; il ne tient aucun compte d'une distance moindre de cinq myriamètres (1).

Reste à savoir ce qu'il faut entendre par domicile réel. Le code civil disait le domicile réel de chaque créancier requérant. Notre loi hypothécaire porte: Le domicile réel du créancier le plus éloigné du tribunal qui doit connaître de l'ordre. » Voici comment on interprète cette disposition. Le délai est augmenté pour tous les créanciers dès qu'il y a un créancier éloigné de plus de cinq myriamètres du domicile élu, et s'il y a plusieurs créanciers qui se trouvent dans ce cas, on calcule l'augmentation en tenant compte de la distance où se trouve le plus éloigné, de sorte que celui qui se trouve à cinq kilomètres jouit du même délai que celui qui se trouve à 50 kilomètres. La loi a voulu un délai uniforme, on ne voit pas trop pourquoi. La signification étant individuelle, le délai aussi, fixé à raison de la distance, devait varier d'un créancier à l'autre (2).

(1) Controversé. Voyez la jurisprudence dans le Répertoire de Dalloz, au mot Surenchère, no 86. Paris, 21 janvier 1850 (Dalloz, 1851, 2, 31). Dijon, 5 janvier 1855 (Dalloz, 1855, 2, 31).

(2) Delebecque, Commentaire législatif, p. 400, no 565. Martou, t. IV, p. 158, no 1507.

Il faut encore remarquer que la loi belge de même que le code civil se servent de l'expression de domicile réel, ce qui se rapporte à la définition que l'article 102 donne du domicile. Ce n'est donc pas à l'habitation que l'on a égard, comme on aurait dû le faire à raison du but que le législateur a en vue, de faire parvenir la signification à la connaissance personnelle de chaque créancier.

No 5. DE LA SOUMISSION DU REQUÉRANT.

508. La surenchère doit contenir la soumission du requérant de porter le prix à un vingtième en sus de celui stipulé dans le contrat, ou déclaré par le nouveau propriétaire ». C'est une condition essentielle requise par la loi pour la validité de la réquisition que peuvent faire les créanciers de mettre l'immeuble aux enchères publiques. La loi n'admet pas la mise aux enchères sans engagement pris par le requérant de porter le prix à un vingtième en sus. Elle a dû concilier les droits du tiers acquéreur et ceux des créanciers. Si ceux-ci ont droit à la valeur véritable de l'immeuble qui leur est hypothéqué, le nouveau propriétaire a droit, de son côté, à conserver la propriété de l'immeuble, s'il l'a acquis au prix courant. Les biens n'ont point de valeur fixe, mathématique; les goûts, les passions de ceux qui achètent jouent un grand rôle dans le montant des prix qu'ils donnent. On ne pouvait donc pas se contenter de la moindre différence que les créanciers prétendraient exister entre la somme offerte et la valeur réelle de l'immeuble; si la différence est peu considérable, le législateur doit maintenir l'acquisition, car c'est dans ce but qu'il a organisé la purge. Quelle est la limite à laquelle la différence est assez grande pour que la somme offerte par le tiers acquéreur ne puisse plus être considérée comme la valeur exacte de l'immeuble? Ce chiffre est nécessairement arbitraire, et, de fait, il a varié. D'après la loi du 11 brumaire an vii, le requérant devait s'engager à porter le prix au moins à un vingtième en sus de la somme offerte par le nouveau propriétaire. Les auteurs du code trouvèrent que ce bénéfice était trop minime pour troubler

l'acheteur et l'évincer; ils élevèrent en conséquence au dixième le montant de la surenchère. Cette innovation a été vivement critiquée; on la considérait comme un des vices de la purge; en tenant compte des frais que le surenchérisseur devenu adjudicataire doit supporter, et de la valeur d'ordinaire modique des biens que l'on purge, on arrivait à une majoration de trente pour cent. C'était trop. exiger des créanciers, et, par suite, rendre impossible l'exercice de la surenchère. Il en résultait que la surenchère manquait son but; on favorisait le nouveau propriétaire aux dépens des créanciers. Le législateur belge se décida, en conséquence, pour la limite adoptée par la loi de brumaire (1).

509. L'engagement de porter le prix à un vingtième en sus peut être pris par un tiers: c'est celui-ci, dans ce cas, qui fait la soumission et qui sera déclaré adjudicataire s'il ne se présente pas de surenchérisseur. Mais la soumission du tiers enchérisseur n'empêche pas que la mise aux enchères procède du créancier; c'est lui qui doit faire la signification, c'est lui qui doit offrir caution. Le texte est formel sur ce point (art. 115, 5°; code civil, art. 2185, 5o). Ce n'est qu'à cette condition que la loi pouvait permettre au créancier qui requiert la vente aux enchères de présenter un tiers enchérisseur. Le nouveau propriétaire ne connaît que le créancier qui demande la mise de l'immeuble aux enchères; c'est donc lui qui doit répondre de l'acte qu'il requiert.

510. Sur quoi doit rter l'augmentation du vingtième? L'article 115 (code civil, art. 2185) dit que l'enchère portera sur le prix principal et les charges. Cela suppose une vente. Si le nouveau propriétaire a acquis la propriété en vertu d'un autre titre, il doit offrir la valeur de la chose, et, dans ce cas, l'enchère porte sur la valeur qu'il a déclarée.

Le montant du prix donne lieu à une légère difficulté. Il est arrivé que le nouveau propriétaire a déclaré un prix supérieur à celui qui se trouvait porté au contrat; la cour

(1) Rapport de la commission spéciale (Parent, p. 61).

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