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CHAPITRE PREMIER.

Utilité des formalités judiciaires.

156. C'est au moyen des dispositions qui règlent ces deux méthodes, ou manières d'agir judiciairement, que le désordre, l'arbitraire et la confusion sont écartés de l'administration de la justice.

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157. Quoi qu'en aient dit les nombreux détracteurs des formalités judiciaires, méconnaissant ou même ignorant tout-à-fait les saines théories sur lesquelles elles reposent, pour n'y voir que les abus de la pratique, leur nécessité a été démontrée par un si grand nombre de publicistes, qu'on se livrerait à des redites inutiles en cherchant à l'établir d'une manière plus victorieuse.

Sans doute il est facile de-faire la censure de ces formalités, et de citer sans cesse, comme pour couvrir d'un ridicule l'administration de la justice, ce vieil adage: La forme emporte le fond. Il est possible, il est désirable qu'on réprime les abus par des lois plus sages encore que celles qui existent; mais vouloir anéantir les règles de la procédure, ce serait chercher la lumière dans le chaos.

Toutes ces déclamations d'écrivains étrangers à l'expérience du barreau viennent échouer contre cette profonde remarque que le célèbre juriscon

sulte Portalis a faite après l'immortel auteur de l'Esprit des lois:

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« Il y a toujours trop de formalités, si l'on con<< sulte le plaideur de mauvaise foi qu'elles gênent; il y en a toujours trop peu, si l'on interroge << l'honnête homme qu'elles protègent. Leur multiplicité, leurs lenteurs, les frais qu'elles occa<< sionent sont comme le prix que chacun donne << pour la liberté de sa personne, et pour la sûreté « de ses biens (a). »

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158. La perfection des lois de la procédure con

(a) Les lois qui ont pour but de régler les formes des actions judiciaires sont la conséquence de principes généraux qui dominent même l'organisation de toute société civile.

En tête de ces principes il faut placer celui qui défend à chacun de se faire justice à soi-même, et dès-lors qui oblige d'en appeler au jugement du magistrat. Optimum est ut si quas putas te habere petitiones, a judicibus experiaris. (L. 13, ff., quod metus causa.)

De cette règle première découlent plusieurs autres.

Ainsi la loi, intervenant nécessairement, a dû mettre tous les citoyens à même de se faire rendre justice, mais elle a dû suppléer à la faiblesse des uns et à l'indignité des autres.

De là les dispositions qui concernent les mineurs, les interdits, les prodigues, les femmes mariées, les communes, les repris de justice.

La loi a dû déterminer encore les diverses autorités auxquelles les parties devaient s'adresser selon l'objet de leur demande, et elle a eu soin de proportionner leur nombre aux besoins des localités et des justiciables.

La loi a dû veiller enfin à ce que, si chacun peut faire reconnaître son bon' droit, d'une autre part il y eût démonstration légale pour la partie qui succombe que c'est après l'avoir écoutée que la décision de la justice a été prise.

Ces principes, dont on ne peut contester la haute portée, attestent la nécessité des formalités judiciaires.

L'étude de ces formalités tient donc par sa base à notre droit public. Les formes de procéder en matière civile intéressent vivement la propriété; elles en sont la sauvegarde, puisque la connaissance que nous en

siste à éclairer la marche de la justice sans l'embarrasser ni la retarder: ne rien omettre de ce qui est nécessaire, ne rien prescrire qui ne soit utile, telles doivent en être les bases; donner les moyens de parvenir dans le moindre temps et avec le moins de frais possible à la découverte de ce qui est vrai et juste, tel en est le but.

159. Mais, il faut en convenir, la procédure civile sera toujours, à raison de l'opposition des intérêts, de la complication des rapports auxquels elle s'applique, plus éloignée de cet état de simplicité que la procédure criminelle, qui ne s'exerce que relativement à des faits aussi faciles à constater qu'ils le sont à prouver et à saisir. Ges inconvéniens tiennent à la nature même des choses; ils en sont inséparables.

160. La connaissance raisonnée des dispositions des lois dont il s'agit, jointe à celle des principes qui les ont dictées, constitue la science de la procédure, dont l'enseignement, long-temps négligé dans les anciennes écoles de droit, a partout aujour

acquérons procure la facilité de nous garantir sûrement contre toute tentative de spoliation.

Les règles à suivre en matière criminelle sont un abri contre les atteintes portées à l'ordre public, à notre honneur, à notre liberté individuelle, et à nos droits de citoyen.

Envisagée sous ces rapports, l'étude de la procédure prend un autre intérêt que celui que pourrait renfermer la connaissance de formalités matérielles considérées comme les règles d'une langue spéciale à l'usage des gens de justice; elle revêt un autre caractère, et elle devient indispensable à quiconque veut connaître ses droits et ses devoirs.

Sans elle, comme l'a dit un savant professeur, la loi serait une lettre morte: la procédure la vivifie et seule lui donne cours.

d'hui des cours spéciaux, dans lesquels la théorie et la pratique doivent marcher de front.

161. La réunion de ces dispositions dans une seule loi, ou dans un seul recueil de lois particulières à une ou plusieurs matières, forme le Code de procédure: tel en France le Code de procédure civile; tels celui du canton de Genève, celui de la Belgique; tel en France, pour les matières criminelles, le Code d'instruction criminelle, qui n'est autre chose que le recueil des lois d'organisation, de compétence et de procédure qui régissent ces

matières.

CHAPITRE II.

Historique de la procédure.

162. Les recherches historiques que l'on a faites sur l'origine et les progrès de cette partie de la législation positive sont nombreuses, et se trouvent dans les livres des publicistes ou jurisconsultes qui ont traité de la science avec quelque étendue. Il est permis de dire qu'elles offriraient aujourd'hui plus d'appât à la curiosité que d'utilité pour les études.

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Le savant publiciste Meyer a dit avec raison, dans son Traité des institutions judiciaires : « Que « l'on chercherait vainement dans l'histoire l'exemple d'un peuple qui, sans avoir perdu son indé pendance et son existence nationales, ait adopté << la procédure d'une autre nation; et que si l'Eu« rope entière a long-temps obéi aux lois civiles des Romains, si plusieurs peuples les suivent encore, << il n'en est aucun qui ait emprunté sa procédure. »

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163. Si en effet on excepte quelques règles éparses relatives aux actions, aux exceptions, aux droits de défense des parties, aux divers genres de preuves, on ne trouve aucune analogie entre les formalités judiciaires des Romains et celles qui sont généralement adoptées par les législateurs modernes, ni rien de commun entre les procédures qu'elles tracent, et ce mélange obscur de paroles sa

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