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3. Par rapport aux lois notariales, que le notaire doit appliquer à l'acte qu'il reçoit les formes particulières que la loi spéciale aurait prescrites pour cet acte, et non pas celles que la loi générale aurait réglées pour les actes en général (a);

4o Par rapport aux lois pénales, en ce que l'on doit dans leur application s'en tenir rigoureusement aux dispositions spéciales qu'elles renferment, sans que l'on puisse jamais chercher dans la loi générale, si elle n'en rappelle pas les dispositions, des prétextes pour aggraver les peines prononcées par ces lois exorbitantes du droit commun. Ainsi, dans notre opinion, on ne doit pas, quoiqu'il ait été autrement jugé, appliquer les peines de la récidive prononcée par la loi générale à un individu qui, ayant été condamné pour un crime prévu par cette loi, le serait ensuite pour un crime punissable d'après les dispositions de la loi spéciale.

CINQUIÈME PROPOSITION.

Les étrangers ne sont pas, comme les Français, indistinctement obligés par les lois du royaume.

Ce principe est fondé sur les deux premiers paragraphes de l'art. 3 du Code civil. Le premier les soumet en effet aux lois de police et de sûreté,

(a) Cependant, toutes les fois que la loi spéciale ne fait que modifier les dispositions de la loi générale, il faut décider que, cette loi spéciale étant une annexe de la loi générale, et y prenant la place de la disposition qu'elle modific, les principes généraux qui sont communs à toutes ses dispositions doivent recevoir leur application.

qui se composent de toutes les lois criminelles concernant la recherche, la poursuite et la répression des contraventions, des délits et des crimes qu'ils commettraient en France; le second les assujettit à toutes les lois civiles qui régissent les immeubles qu'ils y possèdent. Mais lorsqu'ils usent de la faculté que leur accordent les articles 14 et 15 du même Code de traduire un Français devant un tribunal de France, ou lorsqu'ils y sont traduits à fins civiles, on doit tenir pour certain qu'ils sont obligés par toutes les lois d'organisation, de compétence et de procédure civile, conséquemment par toutes les dispositions concernant l'exercice de la juridiction civile, la manière d'intenter les actions, la forme de procéder, les effets du jugement et son exécution.

Nous appliquons aux lois notariales ce que nous disons ici de celles de la procédure. C'est une conséquence de cette maxime de droit locus regit actum. Ainsi, lorsqu'un notaire est requis de dresser acte de conventions passées entre un étranger et un Français, il doit observer toutes les formalités prescrites par nos lois notariales.

SIXIÈME PROPOSITION.

On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs (a).

(a) Privatorum conventio juri publico non derogat. (L. 45, §1, ff., de rcgulis juris.) Papinien pose aussi le même principe : Jus publicum privatorum pactis mutari non potest. (L. 38, ff., de pactis.)

Telle est la disposition de l'art. 6 : d'où il résulte que l'on ne peut en général déroger à aucune des dispositions des lois qui sont l'objet de ce cours, puisqu'elles appartiennent toutes au droit public. Nous disons en général, parce que ce principe reçoit exception relativement aux dispositions qui n'auraient été portées que pour l'avantage personnel. Telles sont, entre autres, celles qui ont trait à l'incompétence d'un tribunal relativement au domicile du défendeur, aux délais fixés pour l'exercice des actions et des pourvois, pour la confection de certains actes ou opérations, etc., et enfin aux formalités des exploits et autres actes de procédure.

Mais le juge ne peut jamais déroger d'office à ces dispositions, à moins que la loi elle-même ne l'y autorise formellement, comme elle le fait en certains cas par ces mots: pourra le juge.

Quant aux formalités des actes notariés et aux dispositions des lois criminelles, il n'est en aucun cas permis d'y déroger. Cependant leur inobservation n'emporte nullité qu'autant que la loi l'a

noncée.

SEPTIÈME PROPOSITION.

pro

Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale ou réglémentaire (a).

Ainsi les juges doivent se renfermer strictement

(a) On comprend facilement le motif de cette disposition. Si les juges pouvaient prononcer par voie de disposition générale, qui devint

dans les limites de leur compétence, et ne peuvent, par des réglemens émanés de leur autorité, se conférer à eux-mêmes des attributions qu'ils ne tiendraient pas d'un texte précis; ils ne peuvent enjoindre soit aux justiciables, soit aux officiers ministériels, avoués, greffiers, huissiers ou notaires, de se conformer à telle forme de procéder ou d'instrumenter qu'ils indiqueraient, ou à tels jugemens qu'ils auraient rendus sur un point de procédure, de notariat ou de droit (a).

Ainsi encore, et à plus forte raison, ne peuvent-ils défendre, sous une peine quelconque, tels ou tels faits que la loi n'aurait pas qualifiés de contravention, délit ou crime (b).

HUITIEME PROPOSITION.

Le juge qui refuserait de juger, sous prétexte du

obligatoire dans tous les cas semblables à celui où ils auraient prononcé, ils se mettraient au lieu et place du législateur: leur décision ne serait plus un jugement, mais bien une loi; de sorte qu'ils réuniraient le double droit de faire des lois et de les appliquer; pouvoir monstrueux, qui ne se comprendrait pas sous notre forme de gouvernement.

(a) Ainsi un tribunal excéderait ses pouvoirs en faisant un réglement sur la procédure civile à suivre dans l'étendue de son ressort. (Arrêt de la cour de cassation du 24 prairial an 9.)

Ainsi un tribunal ne pourrait, sans excéder ses pouvoirs, prendre des arrêtés interprétatifs du sens de quelque article de coutume ou de loi. (Arrêt de la cour de cassation du 14 avril 1824.)

Il ne pourrait pas non plus faire défenses aux huissiers exerçant près de lui de délivrer aucunes citations avant de les lui avoir communiquées. (Arrêt de la cour de cassation du 7 juillet 1817.)

(b) C'est par l'application de ce principe que la cour de cassation à annulé un jugement de tribunal de simple police, pour avoir condamné des chaudronniers à cesser de travailler dans une certaine rue où se trouvaient leurs boutiques, lorsqu'il n'existe ni loi ni réglement administratif qui prohibe ce fait. (Arrêt du 23 floréal an 9.)

silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, se rendrait coupable de déni de justice.

La conséquence naturelle de ce principe est que le magistrat a l'interprétation de doctrine, qui consiste, soit à fixer le vrai sens de la loi, soit à, la suppléer en cas d'insuffisance de ses dispositions. Cette interprétation diffère de celle qui se donne par voie d'autorité, et qui consiste à résoudre les questions et les doutes par voie de réglement et de dispositions générales. Celle-ci n'appartient essentiellement qu'à la puissance législative: elle lui fut enlevée par une loi du 16 septembre 1807. Cette violation des principes les plus incontestables du droit public a enfin été réparée par la loi du 30 juillet 1828 (a).

(a) Cette distinction entre l'interprétation de doctrine et l'interprétation d'autorité, aussi appelée interprétation de législation, est une conséquence naturelle de la proposition précédente, qui défend aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglémentaire.

Dans l'interprétation de doctrine on n'a en vue que l'espèce qui la réclame; dans l'interprétation d'autorité, on résout les difficultés existantes d'une manière générale et pour tous les tribunaux, ainsi que le dit M. Carré.

De là cette conséquence que la première appartient à l'autorité judiciaire, chargée d'appliquer la loi aux espèces particulières tandis que l'interprétation d'autorité appartient au pouvoir même d'où la loi émane; c'est à cette interprétation qu'il faut appliquer l'axiome de droit romain: Ejus est legem interpretari cujus est legem condere.

L'obligation imposée aux juges de statuer, même en cas d'insuffisance ou d'obscurité de la loi, a pour but d'empêcher que les lenteurs de l'interprétation d'autorité ne laissent les droits des parties trop long-temps en suspens. Les tribunaux, dans ce cas, sont autorisés à prononcer, soit d'après les principes généraux du droit, soit d'après l'équité naturelle, soit même d'après les usages et les mœurs: De quibus causis scriptis legibus non utimur;

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