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TITRE II.

DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE.

18. L'action de la justice doit s'exercer sur toute la surface d'un empire, de manière que, présente partout, nul ne puisse l'invoquer en vain. De là la distribution du pouvoir judiciaire entre diverses autorités établies pour exercer la juridiction, ou, autrement, le droit de rendre justice dans une étendue déterminée de territoire que l'on appelle ressort.

19. Créés, ainsi qu'on l'a déjà dit, pour appliquer les lois qui règlent les différens rapports que les hommes ont entre eux ou avec le corps social, et d'où naissent leurs contestations, les autorités judiciaires, pour la facilité et la régularité de cette application, sont divisées suivant l'ordre des affaires que produisent ces mêmes rapports: elles sont par conséquent ou criminelles ou civiles (a).

20. Le but de leur institution est qu'elles statuent avec la plus exacte justice sur les différens qui leur sont soumis: ainsi la loi doit offrir aux justiciables toutes les garanties possibles contre les dangers de la partialité. De là, entre les différens tri

(a) Bien que ce cours ne traite pas spécialement des juridictions commerciales, on doit, pour rendre la démonstration complète, en mentionner ici l'existence légale.

bunaux, une hiérarchie suivant laquelle les opinions posées d'abord dans les tribunaux de première instance puissent, au moins dans les affaires d'un intérêt majeur, être réformées en appel par une autorité supérieure, qui elle-même ait pour régulateur une cour suprême instituée pour assurer l'uniformité de la jurisprudence et la stricte exécution des lois, en cassant les décisions qui les violent.

21. De ces notions générales dérivent en partie les distinctions qu'il convient de faire entre les diverses espèces de juridiction; mais elles trouveront mieux leur place au titre de la compétence. Nous nous bornons donc à donner dans celui-ci l'analyse des principales dispositions de nos lois sur l'organisation judiciaire.

CHAPITRE PREMIER.

Dispositions générales des lois d'organisation.

22. Constituer le pouvoir judiciaire dans son ensemble, l'environner de tous les agens nécessaires à l'exercice de son action, tel est le premier objet des lois de son organisation. Nous devons par conséquent exposer d'abord les principales dispositions de ces lois concernant les juges, le ministère public, les officiers ministériels en général, pour nous occuper ensuite de la composition de chacune des autorités entre lesquelles il est réparti.

23. On ne peut acquérir le titre de juge que sous les conditions suivantes :

1° Age requis par les lois des 27 ventose an 8, 16 vendémiaire an 11, et 20 avril 1810 (a);

(a) Pour être nommé juge de paix, il faut être âgé de trente ans accomplis. (Constitution de l'an 3, art. 209.)

Pour être juge près un tribunal de première instance ou de commerce, il faut avoir vingt-cinq ans accomplis. (Lois des 20 avril 1810, art. 64; 27 ventose an 8, et 16 ventose an 11.)

Pour être appelé aux fonctions de procureur du roi près les tribunaux de première instance, on doit aussi avoir accompli sa vingt-cinquième année, et pour remplir celles de substitut du procureur du roi près ces tribunaux, il suffit d'avoir atteint sa vingt-deuxième année. (Loi du 20 avril 1810, art. 64.)

Nul ne peut être appelé à exercer les fonctions de conseiller dans une cour royale s'il n'a vingt-sept ans accomplis. (Loi du 20 avril 1810 art.

2° Grade de licencié en droit, sauf exception pour les juges de paix et les membres des tribunaux de commerce (a).

On ne peut conserver ce titre, si on exerce une fonction que la loi déclarerait incompatible en termes exprès (b).

Les juges sont nommés à vie (Charte constitu

65), ou celles de procureur général près ces cours s'il n'a trente ans également accomplis (idem, idem); les substituts du procureur général n'ont besoin que d'avoir atteint leur vingt-cinquième année. (Id., id.)

Les présidens des tribunaux de première instance doivent être âgés d'au moins vingt-sept ans, et ceux des cours royales d'au moins trente ans. (Id., Id.)

(a) La loi veut en outre que, pour être nommé juge d'un tribunal civil d'arrondissement, procureur du roi ou conseiller d'une cour royale, on ait suivi le barreau pendant deux ans au moins.

Cependant, en ce qui concerne les avoués, l'art. 27 de la loi du 22 ventose an 12 porte qu'ils pourront être nommés aux fonctions de juge, de commissaire du gouvernement (procureur du roi) ou de substitut, après dix ans d'exercice.

Cette dernière disposition n'est pas abrogée par l'art. 64 de la loi du 20 avril 1810, qui ne fait que répéter ce que portait l'art. 23 de la loi de ventose an 12, et qui a soin d'ajouter: à moins qu'on ne se trouve dans un cas d'exception prévu par la loi.

Les ordonnances des 30 septembre 1827 et 24 septembre 1828 imposent des conditions spéciales pour l'admission aux emplois de judicature dans les colonies.

(b) Il y a incompatibilité des fonctions de juge ou de membre du ministère public:

Premièrement, avec toutes les autres fonctions de l'ordre judiciaire (lois des 24 vendémiaire an 3, tit. 3, et 24 messidor an 5, art. 11);

Secondement, avec toutes fonctions de l'ordre administratif (lois des 27 septembre 4790; 30 janvier; 27 mars 1791, art. 27 et suivans; 14 juin 1793; 24 vendémiaire an 3, tit. 1er, art. 1er, et 21 mars 1831, art. 6); Troisièmement, avec l'exercice de la profession d'avocat (loi du 27 mars 1791, art. 27; ordonnance du 20 novembre 1822, art. 42);

Quatrièmement, avec la profession de notaire' (loi des 24 vendémiaire an 3, tit. 1er, art. 2, et 25 ventose an 11, art. 7);

tionnelle, art. 49), et ne peuvent être suspendus que dans les cas prévus par la loi (a).

24. En retour des devoirs imposés au magistrat, la loi lui accorde diverses prérogatives :

1° Dispense de tout autre service que celui auquel il est voué par état (b);

2o Droit de réprimer les offenses faites à la magistrature (c);

Cinquièmement, avec toutes fonctions ecclésiastiques (loi du 11 septembre 1790, art. 1er);

Sixièmement, avec toute fonction sujette à comptabilité pécuniaire (loi du 24 vendémiaire an 3, tit. 1o, art. 2) ;

Septièmement, avec celles de professeur et d'agrégé des facultés de droit (loi du 11 septembre 1790, art. 8).

Il y a en outre incompatibilité des fonctions de procureur général avec celles de député de l'un des arrondissemens du ressort de la cour royale près de laquelle ce magistrat exerce ses fonctions. (Loi du 19 avril 1831, tit. 5, art. 64.)

Lorsqu'une personne exerçant une fonction incompatible est appelée à un emploi judiciaire, elle doit opter dans les dix jours qui suivent la notification de sa nouvelle nomination. (Loi du 24 vendémiaire an 3, tit. 4, art. 3.)

(a) Voyez note a, page 29 de cette 1r partie, en ce qui concerne les juges des tribunaux de commerce et les juges de paix.

(b) Ainsi, aux termes de l'art. 5 de la loi du 27 ventose an 8, les juges, les suppléans, les membres du ministère public et les greffiers ne peuvent être requis pour aucun service public.

Cependant, en ce qui concerne le service de la garde nationale, la loi du 22 mars 1831 a modifié le principe porté en cet article, en ce sens qu'en décidant que ce service était incompatible avec les fonctions des magistrats qui ont le droit de requérir la force publique (art. 11), par exemple, avec celles des membres du ministère public, elle a ordonné l'inscription sur les contrôles des autres fonctionnaires de l'ordre judiciaire, en leur accordant seulement la faculté de se dispenser du service (art. 28).

(c) Ce droit consiste spécialement à réprimer le manque de respect envers les juges dans l'exercice de leurs fonctions, ou les désordres et autres délits qui seraient commis aux audiences. (Voyez art. 88, 89, 90, 91 et 92 du Code de procédure.)

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