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SECTION II.

Des juridictions criminelles.

40. La juridiction criminelle est celle qui a pour objet, en définitive, l'application des dispositions pénales aux personnes prévenues ou accusées d'un fait qualifié contravention, délit ou crime.

41. Toute loi relative à l'organisation de ces autorités repose sur le principe de la séparation de l'action de la police (a), qui reçoit les dénonciations et les plaintes, constate les infractions, en suit et rassemble les preuves, de l'action de la justice qui les punit. La raison de ce principe, c'est que l'officier chargé de la poursuite a dû être écarté des fonctions de juge, dans la crainte qu'il ne fût séduit par la prévention qu'il aurait acquise dans le cours des poursuites (b).

(a) Il ne faut pas confondre la police judiciaire et la police administrative. Celle-ci a pour objet le maintien habituel de l'ordre public, et tend principalement à prévenir les délits. La police judiciaire recherche les délits que la police administrative n'a pu empêcher de commettre, en rassemble les preuves, et en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la loi de les punir. (Art. 19 et 20 du Code du 3 brumaire an 4, et 8 du Code d'instruction criminelle.)

Ainsi, l'action de la police judiciaire commence au point où finit celle de la police administrative.

Il est cependant des fonctionnaires qui peuvent exercer l'une et l'autre cumulativement; tels sont les préfets, les maires, les commissaires de police, etc.; mais il est vrai de dire qu'ils exercent chacune d'elles à des titres et dans des buts différens.

(b) Cette crainte n'a point paru exister à l'égard des juges d'instruction qui, après avoir, comme officiers de police judiciaire, reçu les plaintes, constaté les infractions et rassemblé les preuves, statuent, comme juges né

42. La police judiciaire est confiée, sous l'autorité des cours royales, à différens fonctionnaires désignés dans l'art. 9 du Code d'instruction criminelle, et que la loi qualifie officiers de police judiciaire; mais la plénitude de son action réside dans la personne du procureur du roi de chaque arrondissement (a).

43. Les officiers de policè qui lui sont subordonnés sont tenus en effet de lui transmettre sans délai tous les renseignemens qu'ils peuvent avoir recueillis. Ils sont sous sa surveillance immédiate: plusieurs d'entre eux, et ce sont les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les commissaires de police, et, à défaut de ces derniers, les maires et adjoints, sont des auxiliaires dont il provoque et dirige l'action, et qui ne procèdent que sous ses auspices, alors même qu'en cas d'urgence la loi les autoriserait à prendre l'initiative (b).

Les gardes champêtres et forestiers ne sont point

cessaires, à la chambre du conseil, qui prononce sur leur rapport; ils peuvent même prendre ensuite part au jugement comme juges correctionnels..

(a) Le procureur du roi se trouve lui-même sous la direction du procureur-général près la cour royale, dont il doit exécuter les ordres relativement à tous les actes de police judiciaire. (Art. 27 du Code d'instruction criminelle.)

(b) Il est ici une grave distinction à faire : les maires, les commissaires de police, les juges de paix et autres officiers de police judiciaire, n'agissent sous l'influence directe du procureur du roi qu'autant qu'ils constatent, comme étant ses auxiliaires, une infraction aux lois (art. 48 et 51 du Code d'instruction criminelle); mais en ce qui concerne les contraventions qu'ils peuvent rechercher en leur qualité spéciale d'officiers de police judiciaire, ils agissent de leur propre pouvoir, et toutes les fois que le fait ne constitue pas un crime ou un délit, ils ne sont pas obligés d'en donner connais sance au procureur du roi. (Voyez art, 11, 15, 22 et 29 du Code d'instruc tion criminelle.)

considérés comme auxiliaires du procureur du roi, parce que leurs attributions sont limitées aux contraventions et délits relatifs à la police rurale, et à celle des eaux, bois et forêts (a).

44. Sous deux rapports les juges d'instruction sont des officiers de police judiciaire : premièrement, en ce qu'ils peuvent directement, en cas de flagrant délit, faire tous les actes attribués au procureur du roi; secondement, en ce qu'ils peuvent refaire, dans tous autres cas, ceux de ces mêmes actes que ce magistrat leur aurait transmis, mais. qu'ils ne jugeraient pas réguliers ou complets.

45. Nos lois placent aux degrés inférieurs de l'organisation de la justice criminelle les tribunaux de simple police, pour juger les infractions qualifiés contraventions (b). Ces tribunaux sont tenus dans chaque canton par le juge de paix; mais

(a) Les gardes champêtres et forestiers ont en outre le droit de constater les délits de chasse (art. 8 de la loi du 30 avril 1790), et toutes les fraudes sur les tabacs (art. 223 de la loi du 28 avril 1816).

Je ne pense pas que ce soit parce que leurs attributions comme officiers de police sont limitées aux contraventions et délits ci-dessus, que les gardes champêtres et les gardes forestiers ne sont pas compris parmi les auxiliaires du procureur du roi, mais bien plutôt parce que ces derniers fonctionnaires peuvent en certains cas (art. 49 du Code d'instruct. crim.) remplir toutes les fonctions du procureur du roi, même lancer des mandats d'amener. Le législateur n'a pas trouvé assez de garanties dans les gardes champêtres et forestiers pour leur confier des attributions si étendues; aussi leur devoir se borne-t-il à arrêter les auteurs des délits, et à les conduire devant le juge de paix ou devant le maire, lorsqu'ils les surprennent en flagrant délit, ou quand ils leur sont dénoncés par la clameur publique, pourvu toutefois que ce délit emporte la peine d'emprisonnement ou une peine plus grave. (Art. 16 du Code d'inst. crim.)

(b) Les contraventions sont les infractions qui sont punies d'une amende

les maires ont en certains cas concurrence avec lui (a).

46. Au degré intermédiaire sont les tribunaux correctionnels, auxquels appartient la connaissance des infractions qualifiées délits (b).

Ils sont tenus par les juges du tribunal civil d'arrondissement.

47. Enfin, au degré supérieur de cette hiérarchie sont élevées les cours d'assises pour connaître des infractions qui portent essentiellement atteinte à la sûreté de la société et à celle des personnes et des propriétés, et pour appliquer contre l'accusé la peine afflictive ou infamante que la loi prononce, si douze citoyens formant le jury, et que l'on appelle jurés, l'ont déclaré coupable d'un crime (c).

d'un à quinze francs, ou d'un emprisonnement d'un à cinq jours: quelquefois ces deux peines peuvent être cumulées. (Art. 464, 465 et 466 du Code pénal.)

(a) Il n'y a de tribunaux de police tenus par les maires que dans les communes qui ne sont pas chefs-lieux de canton. (Art. 166 du Code d'instruction criminelle.)

(b) Les délits sont les infractions que la loi punit d'une amende de 16 francs au moins ou d'un emprisonnement dont le minimum est de six jours, et le maximum de cinq ans; peines auxquelles se joint en certains cas l'interdiction à temps de certains droits civiques, civils ou de famille. (Art. 9, 40 et 42 du Code pénal.)

(c) Les crimes sont les infractions que la loi punit des peines dites afflictives et infamantes, ou infamantes seulement.

Les peines afflictives et infamantes sont : 1o la mort ; 2o les travaux forcés à perpétuité; 5° la déportation; 4° les travaux forcés à temps; 5o la détention; 6o la réclusion. (Art. 7 du Code pénal.)

Les peines infamantes sont : 1° le bannissement; 2' la dégradation civique. (Art. 8 du même Code.)

48. Dans les cas prévus par la loi, les décisions des autorités que nous venons d'indiquer peuvent être annulées ou, autrement, cassées par une cour suprême et unique, instituée, sous le titre de cour de cassation, pour assurer la stricte exécution des lois, et garantir l'uniformité de la jurisprudence(a). Nous parlerons de cette cour au titre suivant.

(a) L'institution de la cour de cassation, sous le rapport de la jurisprudence, a plutôt pour but de maintenir la doctrine à la hauteur des institutions et dans les voies d'avancement de la science du droit, que de la con server dans une uniformité où la cour régulatrice ne peut elle-même se maintenir.

(Voir, pour son organisation, notes sur le n° 111 de ce Cours.).

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