Images de page
PDF
ePub

TITRE III.

CHAPITRE PREMIER

Principes généraux sur la compétence.

49. La compétence vient du mot latin competere,. appartenir, convenir, d'où competentia, proportion, justesse, convenance.

Ce mot exprime en général une faculté, un droit, un attribut quelconque, soit d'une personne, soit même d'une chose.

De là ces locutions: partie compétente, pour qualifier un individu capable d'ester en justice; juge compétent, pour désigner un juge ayant pouvoir de statuer sur une affaire contentieuse ou d'expédier un acte de juridiction non contentieuse; áge compétent, pour indiquer celui auquel on serait apte à l'exercice de certains actes de la vie civile, ou de certaines fonctions publiques; délai compétent, pour exprimer le laps de temps que la loi fixe pour remplir certaines obligations, se présenter en justice, signifier certains actes, etc.

50. Ce même mot est particulièrement employé dans le langage des lois comme un terme générique qui signifie la portion d'autorité attribuée à

un fonctionnaire public, ou à un corps de fonctionnaires exerçant collectivement des attributions de même nature.

C'est en ce sens et sous ce rapport que nous traitons ici de la compétence, et nous la définissons : L'attribut de chaque fonctionnaire, de chaque corps; en d'autres termes, la compétence est l'ensemble des attributions de l'un ou de l'autre, ce qui appartient à chacun; quod competit cuique.

51. Par opposition, on appelle incompétence le défaut de pouvoir d'un fonctionnaire ou d'une autorité. Tout ce que l'on affirme, par exemple, de la compétence d'un tribunal est, en sens contraire, affirmé de l'incompétence d'un autre.

Il serait difficile de concevoir qu'il pût exister chez une nation une collection de lois qui formât un code de la compétence envisagée sous un point de vue si étendu. Les besoins multipliés et variables de la société civile exigent sans cesse des lois nouvelles, rendues nécessaires par les circonstances, et qui changent ou modifient les systèmes antérieurs d'administration publique.

Les attributions ou la compétence des fonctionnaires ou agens suivent en général ces vicissitudes des lois et des réglemens; en sorte qu'à l'exception de certaines règles fondamentales ayant pour objet la démarcation, la limitation des diverses fonctions publiques, les dispositions législatives concernant la compétence de ceux qui exercent ces fonctions demeurent nécessairement éparses dans les différentes lois dont l'exécution leur est confiée.

Il n'existe véritablement de règles fixes et invariables de compétence, et même d'organisation, que dans une seule partie de l'administration publique c'est celle à laquelle le prince a délégué la juridiction ou le pouvoir de rendre justice.

52. Cette attribution, la plus importante de toutes, puisqu'elle s'exerce sur les intérêts les plus chers de la société, sa sûreté, son repos et son bonheur, et sur les droits les plus précieux des personnes, leur vie, leur liberté, leur honneur, leur fortune, exige une stabilité liée pour ainsi dire à celle de la constitution de l'état.

Le citoyen doit toujours voir et trouver dans les attributions judiciaires le dépôt permanent des lois qui exercent sur son existence civile une influence de tous les jours et de tous les instans.

53. La compétence en cette partie peut être définie: « Le droit que la loi défère à chaque tri<«<bunal d'exercer juridiction dans les affaires

[ocr errors]

qu'elle spécifie, et à chaque officier de faire les «< actes prescrits pour l'introduction des demandes << en justice, leur instruction et l'exécution des man<< demens et des décisions du tribunal. »

CHAPITRE II.

De la juridiction, et en quoi la compétence en diffère.

54. On confond trop souvent la compétence avec la juridiction, et cependant elles diffèrent en çe point essentiel que la juridiction est le pouvoir de juger, jus dicere (a), délégué à toute autorité judiciaire; tandis que la compétence est ce même pouvoir renfermé dans des limites plus ou moins étendues, suivant la nature des affaires placées dans les attributions de chaque tribunal (b).

(a) Le jus dicere renferme le pouvoir de connaître et de juger, in notione et judicio; mais, par lui-même, il n'exprime pas l'idée de rendre obli gatoire le jugement pour les parties, ce que les jurisconsultes appellent imperium; mais ici on doit entendre la juridiction comme comprenant le commandement, puisque sans cela le jugement ne serait qu'un conseil. Jus dicere est pronuntiare id quod omnibus vel pluribus in civitate utile habetur. At quia ea utilitas, sive id jus, parum intelligi solet, præterquam causa cognita; etiam frustra dici, nisi jurisdictioni cogendi vis potestasque insit, facile obtinuit ut jurisdictionis appellatione non tantum juris pronunciatio, sed cognitio quoque atque executio contineri viderentur. (NOODT, de Jurid. et imperio. lib. 1, cap. 1.)

(b) Il ne faut pas oublier que l'expression compétence n'est prise que dans un sens relatif, c'est-à-dire dans ses rapports avec le pouvoir judiciaire.

Il est une autre distinction à établir entre la juridiction et la compétence, et celle-ci tendrait à conserver davantage peut-être à chacun de ces mots sa signification grammaticale. D'après cette distinction, la juridiction, qui est le pouvoir de dire, jus dicere, étant appropriée à une autorité judiciaire, serait le pouvoir de juger donné à cette autorité, quelles que soient les personnes qui la composent, et la compétence, étant relative aux matières

55. C'est ainsi que tous les tribunaux civils d'arrondissement du royaume ont cette juridiction pleine et entière que l'on appelle juridiction ordinaire (a), et qui s'étend à toutes les affaires qui n'ont pas été attribuées, par exception, à des tribunaux spéciaux; et néanmoins cette juridiction de même nature, qui appartient également à tous ces tribunaux, est, quant à son exercice, limitée, pour chaque tribunal, par les lois de compétence, au cas où le défendeur n'aurait pas son domicile dans le ressort ou arrondissement d'un tribunal, et à celui où la chose en litige ne serait pas située dans ce même ressort.

56. C'est ainsi encore que tout tribunal de commerce exerce dans les matières commerciales une même juridiction dont les lois de la compétence limitent l'exercice, pour chaque tribunal, aux cas où le défendeur n'aurait pas son domicile dans le ressort de ce tribunal; où la promesse n'y eût pas été faite et la marchandise livrée; où le paiement enfin devrait être effectué ailleurs que dans l'arrondissement (b). (Voy. Code de procéd. civ., art 2, 3, 59, 60 et 420.)

sur lesquelles ce droit doit s'exercer, s'entendrait particulièrement de ces matières.

Ainsi la juridiction, envisagée sous ce point de vue, s'appliquerait plus spécialement à l'autorité judiciaire elle-même, et la compétence aux matières judiciaires.

(a) C'est ce que rend parfaitement la définition de Dumoulin: Ordinaria jurisdictio breviter illa est quæ per legem vel principem datur universaliter pro modo territorii. (Ad lib. 3 Cod. tit. 13.)

(b) Mais il est une observation importante qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que les tribunaux civils d'arrondissement étant les tribunaux ordi

« PrécédentContinuer »