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faire connaître celles qui régissent en particulier, mais généralement encore, sous l'un et l'autre rapport, la compétence de la justice civile et de la justice criminelle.

CHAPITRE IV.

Principes généraux de la compétence en matière civile.

70. En matière civile la compétence est réglée par la nature de l'action (a), par le domicile du défendeur, ou par le lieu de la situation de la chose litigieuse.

71. Or la loi distingue les actions ou demandes à fins civiles, en personnelles, réelles ou mixtes, comme nous l'avons déjà dit (b).

(a) Par les mots nature de l'action, M. Carré a voulu nécessairement dire nature de l'objet en litige, car l'action n'est en procédure que l'exercice d'un droit et dépend de la nature de ce droit, ainsi qu'on va le voir à la note suivante.

(b) Heineccius définit l'action: Remedium legitimum persequendi in judicio jura quæ tum in re, tum ad rem cuique competunt. ( Elem. jur. secund. ord. Inst., § 1126.)- L'action ainsi entendue est, comme le dit M. Carré, la demande judiciaire ; c'est sous ce seul rapport que nous avons à nous en occuper dans ce Cours élémentaire.

Ulpien définit ainsi l'action personnelle et l'action réelle: Actionum genera sunt duo : in rem, quæ dicitur VINDICATIO; et in personam, quæ CONDICTIO appellatur. In REM actio est per quam rem nostram quæ de alio possidetur petimus, et semper adversus eum est, qui rem possidet. In PERSONAM actio est qua cum eo agimus qui obligatus est nobis ad faciendum aliquid, vel dandum, et semper adversus eumdem locum habet. (L. 25, ff., de obligat. et actionibus.)

Quant à l'action mixte, les Institutes s'en expliquent en ces termes: Quadam actiones mixtam causam obtinere videntur, tam in rem quam in personam, qualis est familiæ ercirscundæ actio, quæ competit cohæredibus de dividenda hereditate; item communi dividendo, quæ inter eos redditur, inter quos aliquid commune est, ut id dividatur; item finium regundorum actio

S'agit-il d'une action personnelle, la compétence est dévolue au juge du domicile du défendeur. On suit la règle posée dans la loi 2 du Code, de jurisdictione: Actor sequitur forum rei.

L'action est-elle réelle ou mixte, dans le premier cas la connaissance appartient au tribunal de l'arrondissement dans lequel est située la chose qui est l'objet de cette action; dans le second cas on a le choix de former la demande, ou devant le juge de la situation, ou devant celui du domicile du défendeur.

72. Ces règles générales souffrent plusieurs exceptions, soit à l'égard des personnes qui plaident l'une contre l'autre, soit par rapport à la matière qui fait l'objet de la contestation.

A l'égard des personnes, ces exceptions peuvent résulter des priviléges qui seraient attachés à leur qualité, et en vertu desquels il leur serait permis de ne se soumettre qu'au tribunal désigné dans leur titre. Nos lois actuelles n'admettent rien de semblable depuis la révolution de 1789. La compétence n'est établie en considération de la qualité des personnes que dans les tribunaux de commerce, dont les négocians, marchands et banquiers sont justiciables en ces qualités.

Par rapport aux matières, il y en a qui sont attribuées expressément à certains tribunaux, en

qua inter eos agitur qui confines agros habent. In quibus tribus judiciis permittitur judici rem alicui ex litigatoribus ex bono et æquo adjudicare, et si unius pars prægravari videbitur, eum invicem certa pecunia alteri condemnare. (De action. § 20.)

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sorte que tous les autres juges seraient incompé- . tens pour en connaître.

Ainsi, des motifs puisés dans l'intérêt même des justiciables ont porté le législateur à attribuer à tel tribunal désigné la connaissance de certaines demandes à l'égard desquelles, si ces dispositions exceptionnelles n'existaient pas, il serait incompétent d'après la nature et le caractère de l'action. On en trouve plusieurs exemples dans l'art. 59 du Code de procédure.

73. Il est en outre des cas où la loi proroge, c'est-à-dire étend elle-même l'exercice de la juri diction d'un tribunal au-delà des limites de sa compétence: c'est ce qu'on appelle improprement pro. rogation de juridiction; car, nous le répétons, la juridiction, ou le pouvoir de juger, reste la même, il n'y a que la compétence qui soit étendue.

Il est d'autres cas où la loi autorise les parties à proroger elles-mêmes la compétence.

De là la prorogation légale et la prorogation volontaire (a).

(a) Prorogata jurisdictio est quæ voluntate partium, vel ex præcepto legis, extra terminos suos exercetur. (HEINECCIUS, ad Pandect., lib. II, no 252.)

Le principe de la prorogation a sa source dans le consentement des parties, même en ce qui concerne la prorogation légale : en effet la proroga · tion volontaire résulte d'une convention (conventio), et la prorogation légale d'une réconvention (reconventio), ainsi qu'on va le voir à la note suivante; or, dans les deux cas il y a consentement direct ou indirect à la prorogation de juridiction. C'est ce qu'entendait la loi romaine dans cette définition: Si se subjiciant aliqui jurisdictioni et consentiant, inter consentientes cujusvis judicis qui tribunali præest, vel aliam jurisdictionem habet, est jurisdictio. (L. 1, ff., de judiciis.) C'est aussi pour ce motif que la prorogation volontaire, comme la prorogation légale, se réglent d'après les mêmes prin

SECTION PREMIÈRE.

De la prorogation légale.

74. La prorogation légale a lieu :

1o En matière de réconvention, c'est-à-dire d'action formée par le défendeur contre le demandeur, dans le cours de l'instance introduite par celui-ci (a).

On est d'accord en droit français pour admet-. tre cette prorogation dans tous les cas où la réconvention est défense à l'action principale ; quant à la question de savoir si elle est recevable lorsqu'elle n'est pas précisément défense ou exception, mais seulement connexe, c'est un sujet de controverse que nous décidons pour l'affirmative.

2o En matière de garantie, parce que l'action originaire et l'action récursoire étant de nature à être instruites et jugées simultanément, et décidées par un seul et même jugement, le besoin de prévenir la multiplicité des procès, d'en hâter le terme et d'économiser les frais, a fait ériger en principe que « le

cipes Conventio et reconventio pari passu ambulant. (HEINECCIUS, ad Pandect., lib. II, no 257.)

(a) La réconvention est définie: mutua litigantium coram eodem judice petitio.

Elle constitue une prorogation de juridiction; car quoique le demandeur principal devienne alors défendeur, comme celui-ci devient demandeur en exception (reus excipiendo fit actor), il ne peut cependant argumenter de la règle actor sequitur forum rei, parce que, dit Heineccius, legis enim probant hoc axioma: cujus in agendo actor servat arbitrium, eum et contra se habere judicem non dedignari debet (ad Pandect., lib. II, no 256).

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