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prévenir ces conséquences, nous avons, non pas mis en avant, mais accepté sous réserve le projet d'une Conférence.

La condition préliminaire que nous y rattachons, conjointement avec le Gouvernement anglais, et- qui a été adoptée par les autres Puissances, c'est que la déclaration russe du 31/19 octobre ne saurait préjuger en aucune façon les décisions de la Conférence. Il est clair que l'adhésion que donnerait la Russie à cette réserve équivaudrait à un abandon tacite de la circulaire du Prince Gortschakoff. On aurait donc corrigé ainsi ce que la démarche du Gouvernement russe a d'irrégulier et écarté du même coup les chances de bouleversement en Orient qu'elle implique.

Si la Conférence n'était pas acceptée dans ces conditions par la Russie, nous nous trouverions, on ne saurait se le dissimuler, en face d'une crise de la dernière gravité. C'est dans cette prévision que le Cabinet I. et R. a fait savoir à Londres qu'il se considérait comme lié par les stipulations du Traité du 15 avril 1856, et qu'il était prêt à remplir les engagements que cet acte lui impose.

Le Grand-Vizir, auquel V. Exc. voudra bien donner connaissance de la présente dépêche, y puisera la conviction que nous sommes loin de nous faire illusion sur le caractère critique de la situation; que nous nous rendons parfaitement compte des intérêts mis en jeu par la manière dont se dénouera cette complication, mais que nous ne reculerions pas devant une épreuve suprême, si malheureusement elle devenait indispensable. J'ai le ferme espoir que la franchise de mes explications ne demeurera pas sans une influence utile sur les déterminations du Gouvernement du Sultan.

Recevez, etc.

Signé: BEUST.

N° 71.- LE COMTE APPONYI AU COMTE DE BEUST.

(Télégramme.)

Londres, le 2 décembre 1870.

Les invitations pour la Conférence seront envoyées dès qu'on aura la réponse de Tours, où l'on veut consulter Paris avant de se décider.

Les termes sont : liberté entière sans s'engager pour aucune conclusion préconçue. La Prusse y a adhéré et compte sur votre assen-timent. La Russie a consenti par l'entremise de la Prusse, mais pas encore directement.

Le ministre des affaires étrangères croit qu'il faut se réunir sans perte de temps, mais sans précipitation. Il désire se passer de seconds plénipotentiaires et demande votre avis à ce sujet.

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M. JULES FAVRE AU COMTE DE CHAUDORDY, A TOURS.

Paris, le 2 décembre 1870.

Je n'ai pu consulter le Gouvernement sur la question grave que nous pose l'offre de l'Angleterre de participer à une Conférence à propos de la discussion des Traités de 1856; mais mon avis très-formel est de nous montrer à cet égard d'une extrême réserve. J'irais même jusqu'à une fin de non-recevoir qui me paraît fort naturelle. Tant qu'elle est en guerre, la France est trop occupée de ses affaires pour se mêler de celles de l'Europe; elle a le ferme espoir de se tirer d'embarras, malgré la puissance de son adversaire et l'abandon de ses amis, et quand elle sera dégagée, elle se réserve sa liberté d'action. Elle ira du côté où l'appellera son légitime intérêt. Il n'y a qu'un moyen de lui faire changer d'attitude, et il est fort simple: que les Puissances qui invoquent sa garantie commencent par lui donner la leur. Il leur importe grandement qu'elle conquière une paix durable. Elle ne peut l'avoir que par l'intégrité de son territoire. Que les Puissances profitent de l'occasion offerte par les prétentions de la Russie pour trancher des questions que les hasards de la force ont soulevées. Qu'elles proposent un protocole préliminaire dans lequel on conviendra de prendre pour base de négociation l'intégrité du territoire français, et nous donnerons notre adhésion à la Conférence, pourvu, bien entendu, qu'on le fasse précéder d'un armistice avec ravitaillement. Hors de cela, nous resterons tout entier à notre malheur, à notre défense et à la résolution inébranlable de ne rien céder tant que nous aurons un tronçon d'épée dans la main.

Signé JULES FAVRE.

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LE COMTE DE GRANVILLE A LORD BLOOMFIELD,
A VIENNE.

Foreign-Office, le 2 décembre 1870.

Mylord, j'ai reçu, le 27 dernier, un télégramme de l'ambassadeur de Sa Majesté à Constantinople qui m'annonce que la Porte aurait de fortes objections à faire contre la réunion d'une Conférence, à moins qu'il ne fût bien entendu que les discussions se borneront strictement à la question soulevée par la Russie de la neutralisation de la mer Noire.

L'ambassadeur de Turquie m'a depuis fait part d'un télégramme d'Aali-Pacha disant que la Porte faisait de cette réserve une condition sine quâ non de son adhésion à une Conférence et qu'il en avait informé le ministre de Prusse qui avait été chargé de lui proposer que cette Conférence ait lieu à Londres.

J'ai répondu que, dans les deux cas, Sa Majesté ayant posé comme condition que la Conférence se réunirait sans engagement préalable, nous ne pouvions faire à la Russie de proposition dans un sens opposé et prendre des engagements positifs avec la Porte. Le Gouvernement de la Reine admettait d'ailleurs avec Aali-Pacha qu'il serait convenable de borner les délibérations de la Conférence à la neutralisation de la mer Noire et aux questions qui s'y rattachent.

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Mylord, le prince Gortschakoff, j'ai le regret de le dire, est retenu au lit par une grave attaque de goutte, mais néanmoins il a eu la bonté de me recevoir ce matin pour que je lui donne lecture de la dépêche de votre seigneurie du 25 dernier.

Après lecture, je lui en ai donné copie.

Le prince Gortschakoff m'a dit qu'il était très-satisfait d'apprendre que les assurances amicales du gouvernement de l'Empereur à celui de Sa Majesté, transmises par sa dépêche au baron de Brunnow du 20 dernier, avaient été accueillies par Votre Seigneurie et par le Gouvernement de la Reine comme il l'attendait, et qu'il ne doutait pas,

d'après le caractère courtois et conciliant de Votre Seigneurie et le désir réciproque des deux Gouvernements d'assurer par leurs relations cordiales et amicales la tranquillité de l'Orient et le bonheur de l'Europe, que la question en litige entre eux serait amicalement réglée.

En ce qui concerne la Conférence, a-t-il dit, il s'entend que les Plénipotentiaires qui y prendront part défendront les opinions de leurs Gouvernements sur les sujets qui leurs seront soumis et que rien nes'opposera à ce que le protocole constate toute opinion que la Conférence croira juste d'exprimer sur la question de principe soulevée par le gouvernement britanique dane la dépêche de Votre Seigneurie du 10 novembre.

Le prince Gortschakoff m'a dit aussi qu'il avait tout lieu de croire, d'après les assurances qu'il avait reçues, qu'on arriverait à une entente satisfaisante pour tous sur la révision du Traité de 1856.

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J'ai communiqué à V. E. par mon télégramme du 26 novembre l'invitation que j'avais envoyée sous la même date par voie télégraphique aux cours de Vienne, de Constantinople, de Florence et de Saint-Pétersbourg, pour les engager à autoriser leurs représentants à Londres à se réunir en conférence avec les représentants des Puissances qui ont signé le Traité de Paris du 30 mars 1856, afin de discuter les questions qui se rattachent aux ouvertures du cabinet impérial russe dans sa circulaire du 19 (31) octobre. Cette invitation avait été adressée après que le cabinet britannique m'eut fait donner l'assurance de son consentement par M. Odo Russell, et parce que j'avais des motifs d'admettre que le gouvernement de Saint-Pétersbourg était également disposé à accepter.

Je puis faire maintenant à V. E. les communications suivantes relatives à l'accueil que notre proposition a rencontré auprès des différents cabinets. Notre ministre à Saint-Pétersbourg était dès le 27 novembre en état de m'apprendre par le télégraphe le consentement du cabinet impérial russe.

Le gouvernement italien a autorisé, le 28 novembre, notre ministre à Florence à annoncer à son Gouvernement que l'Italie consentait à prendre part à la Conférence de Londres. Le grand-vizir a déclaré le 1er décembre à notre ministre à Constantinople que l'ambassadeur turc à Londres était déjà, par voie télégraphique, en possession de l'adhésion de la Porte à la Conférence. Le 2 de ce mois, le chancelier austro-hongrois, qui se trouvait alors à Pesth, a fait savoir à notre ministre à Vienne que le gouvernement austro-hongrois était d'accord avec l'Angleterre sur la question de la Conférence.

Je prie donc V. E. de vouloir donner connaissance au secrétaire d'État anglais des affaires étrangères de ces déclarations des divers cabinets et de lui exprimer notre satisfaction de l'acceptation générale de la proposition d'une conférence, acceptation que je puis considérer comme certaine. V. E. voudra bien y ajouter l'expression de l'espoir que le gouvernement britannique, au siége duquel la Conférence doit se réunir, prendra en mains la direction ultérieure de l'affaire et qu'il invitera ces représentants des Puissances, avec indication du jour de l'ouverture de la Conférence.

Signé: BISMARCK.

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LE COMTE DE BEUST AU COMTE APPONYI, A LONDRES.

Vienne, le 4 décembre 1870.

Nous n'aurions pas d'objections contre l'admission de seconds Plénipotentiaires.

Même s'il ne devait pas prendre part à la Conférence, nous penserions à envoyer à Londres pour cette occasion le comte Antoine Szécsen, car nous trouvons utile que vous puissiez vous aider des lumières et des avis d'un homme très au courant des exigences qui découlent de notre situation intérieure.

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M. JULES FAVRE AU COMTE DE CHAUDORDY, A TOURS.

Paris, le 4 décembre 1870.

Je ne voudrais pas que vous vous méprissiez sur le sens de ma dernière dépêche (2 décembre). Loin de repousser l'idée d'un Congrès ou

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