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si lente que les ordres de V. Ex., qui m'arrivent par cette voie, sont dépassés de loin par la marche des affaires. Je vois cependant à ma grande satisfaction que les idées développées par V. E. dans la dépêche du 2, qui m'est arrivée hier, s'accordent parfaitement avec celles qui ont guidé le Grand-Vizir dès le premier moment de la surprise que la Russie a faite à l'Europe. Il n'a pas hésité à répondre à la déclaration russe en repoussant la prétention de s'affranchir arbitrairement d'obligations contractées en vertu d'un acte synallagmatique; il a opposé à toute tentative de l'amener à une entente directe. avec la Russie la déclaration qu'il ne se séparera point des autres co signataires; il s'est énergiquement prononcé contre l'idée d'un Congrès, et il a accepté le projet d'une Conférence sous la condition que la déclaration russe n'en saurait préjuger les décisions et que les délibérations restassent dans les limites de la question.

Je pense que sa position est correcte et conforme aux conseils de V. E. De sa part, il rend toute justice au langage fort et précis et å l'attitude calme et digne du Cabinet de l'Autriche-Hongrie.

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Lord Granville m'a prié de passer chez lui avant-hier soir, pour me communiquer le projet d'allocution qu'il a préparé pour l'inauguration de la Conférence, ainsi que la minute de la dépêche circulaire par laquelle il comptait inviter les Puissances signataires du Traité de Londres à assister à cette réunion. Ces deux pièces m'ont paru très-bien rédigées, la seconde surtout, qui contient un passage impliquant, de la part de ceux qui acceptent l'invitation, la reconnaissance formelle du principe de l'inviolabilité des traités et constatant de la manière la plus explicite « que toutes les stipulations du Traité de 1856 doivent être considérées comme valides par tous les co-signataires tant qu'elles n'auront pas été abrogées ou modifiées d'un commun accord. »

Le Baron de Brunnow à qui le principal Secrétaire d'État avait également montré ces deux pièces et qui n'avait pas fait d'objection au projet du discours d'ouverture, s'éleva avec force contre la teneur de la dépêche, comme inusitée dans sa forme et blessante pour la

Russie, et déclara que, sur une invitation pareille, son Gouvernement ne lui permettrait jamais d'assister à la Conférence. Lord Granville ayant observé à l'Ambassadeur que le mauvais effet que la démarche russe avait produit sur tous les Cabinets et dans toute l'Europe, nécessitait que les grands principes sur lesquels repose le droit international fussent solennellement proclamés et affermis, M. de Brunnow répondit que la Russie avait, comme tous les autres pays, une opinion publique qu'il fallait respecter, que, d'ailleurs, il était contre tous les précédents et usages que les lettres de convocation entrassent dans le fond de la question et en préjugeassent ainsi la solution.

Lord Granville ne voulant pas, pour une phrase de dépêche, compromettre le succès de la Conférence, est assez disposé à céder sur ce point. Il veut cependant, avant de prendre une résolution définitive, consulter le Conseil des Ministres et lui soumettre, comme alternative de la dépêche, l'idée d'une déclaration qui serait insérée au Protocole de la première séance, et par conséquent signée de tous les Représentants et par laquelle serait consacré le principe que l'on ne saurait se soustraire aux obligations qu'impose un Traité, si ce n'est du consentement de toutes les Parties contractantes. L'affirmation de ce principe dans les Protocoles de la Conférence, qui seront plus tard rendus publics, paraît au Ministre une garantie plus solennelle que ne le serait le passage d'une dépêche qu'on n'aurait pas besoin de relever:

Je conseillai à Lord Granville, si déjà il abandonnait la dépêche, d'insister d'autant plus sur la déclaration en Conférence.

Sa Seigneurie me promit de tenir bon et j'espère qu'il remplira cet engagement.

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LE COMTE DE CHAUDORDY AUX AGENTS DIPLOMATIQUES
DE LA FRANCE A L'ÉTRANGER.

Bordeaux, le 19 décembre 1870.

Monsieur, le Gouvernement qui siége à Paris, d'accord avec la Délégation, afin de donner une preuve de son bon vouloir aux Puissances qui lui ont exprimé le désir de le voir prendre part à la Conférence qui doit se réunir à Londres, a résolu de s'y faire représenter. Le Gouvernement de...... (nous avait fait savoir par son ambassadeur, ministre, chargés d'affaires), et par notre représentant à...... combien il souhaitait notre présence dans cette réunion interna

tionale. C'est pour répondre à cette bienveillante démarche que la résolution, dont j'ai l'honneur de vous aviser, a été prise par le Gouvernement de la Défense nationale.

Nous ne pouvons douter que les membres de la Conférence ne soient invités par leurs Gouvernements à nous tenir compte d'une détermination que devaient rendre assez incertaine les tristes préoccupations qui nous dominent, en même temps qu'elles sont un sujet de trouble et d'inquiétudes pour toute l'Europe. Vous voudrez bien, en portant à la connaissance du Ministre des Affaires étrangères de..... la décision du Gouvernement de la Défense nationale, lui donner lecture de cette dépêche et l'informer en même temps que nous aurons recours à son obligeante intervention, afin que des saufs-conduits soient accordés par le quartier général prussien au Plénipotentiaire français qui devra se rendre de Paris à Londres.

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Quant à l'alternative, mentionnée dans mon rapport d'avant hier, entre une dépêche et une déclaration au protocole, afin de consacrer le principe qu'aucune Puissance ne pourra, par le seul effet de sa volonté, se dégager des stipulations d'un Traité, on a fini par se décider pour la seconde alternative, et Lord Granville m'a donné lecture d'un projet de déclaration qu'il avait rédigé et qui serait signé dans un protocole ad hoc et séparé. Je ne lui cachai point que je trouvais ce projet insuffisant et pas assez obligatoire, et je me permis de lui suggérer quelques modifications qui, à mon sens, répondraient mieux à l'idée qu'il avait voulu exprimer dans sa dépêche. Il me semble, lui dis-je, qu'une fois qu'on fait tant que de signer un protocole ad hoc, il devrait au moins contenir un engagement explicite et obligatoire, exprimant clairement la nécessité du consentement des Puissances contractantes.

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LE COMTE DE GRANVILLE A LORD LYONS, A BORDEAUX.

Foreign-Office, le 20 décembre 1870.

Mylord,

J'ai reçu aujourd'hui votre télégramme du 19 courant, et je viens vous prier d'exprimer au Gouvernement français la satisfaction qu'a éprouvée le gouvernement de la Reine en apprenant qu'il s'est décidé à envoyer un représentant à la Conférence proposée. Je n'ai pas besoin de vous dire que je recevrai avec plaisir toute personne que le Gouvernement français croira devoir choisir.

Le comte de Bernstorff, avec lequel j'ai causé à ce sujet, m'a exprimé sa bonne volonté d'envoyer à Versailles ma demande d'un sauf conduit par l'envoyé français, aussitôt que je serai en mesure de lui faire connaître son nom.

Il serait à désirer que Votre Excellence s'assurât si le Gouvernement français est informé qu'il a été proposé qu'il n'y aurait qu'un seul plénipotentiaire accrédité pour représenter chaque pays à la Conférence, et que toutes les autres Puissances qui doivent y prendre part ont accrédité leurs représentants à la Cour de Saint-James.

Sans vouloir donner aucun conseil au Gouvernement français, je me permettrai d'exprimer le regret que me ferait éprouver dans les délibérations de la Conférence l'absence de M. Tissot, dont la parfaite connaissance des affaires d'Orient et dont l'excellente position qu'il s'est faite dans ce pays, rendraient les services très-précieux.

J'ai, etc.

Signé: GRANVILLE.

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LE COMTE DE beust au coMTE APPONYI, A LONDRES.

Vienne, le 22 décembre 1870.

En énumérant les infractions commises au Traité de Paris, le Gou vernement russe a cité dans la circulaire du 19/31 octobre l'apparition dans la mer Noire « d'escadres entières» sous pavillon de guerre étranger.

Ce passage de la dépêche russe s'applique sans doute, dans la pensée de son auteur, aux navires autrichiens qui, en 1869, ont servi à

transporter ou à escorter S. M. l'Empereur et Roi, notre Auguste Maître, et sa suite dans le trajet de Varna à Constantinople.

Le Gouvernement anglais nous a confidentiellement demandé de lui fournir quelques renseignements sur le nombre et la qualité des bâtiments autrichiens qui sont entrés à cette occasion dans la merNoire.

Je me suis empressé de remettre à Lord Bloomfleld la liste des navires formant l'escadrille Impériale. Il me paraît superflu d'insister ici sur l'observation que des bâtiments, même armés en guerre, perdent pour ainsi dire leur caractère quand ils sont employés à un service d'honneur tel que celui du transport d'un Souverain faisant à un autre Souverain une visite de courtoisie. L'apparition du pavillon de guerre autrichien dans la mer Noire sous ces conditions ne pouvait avoir pour qui que ce soit une signification belliqueuse ou inquié

tante.

Je dois faire remarquer, en outre, que dans le cas particulier dont il s'agit, la composition de la flottille Impériale était entièrement conforme à la nature toute pacifique de sa mission.

Des trois navires accompagnant S. M. I. et R. Apostolique, l'un, le Gargnano, n'a jamais été armé en guerre et ne portait pas de canons; le second, l'Elisabeth, aménagé dans cette occasion comme bâtiment de plaisance, puisqu'il transportait les Ministres et quelques autres personnes de la suite de S. M. pendant tout le voyage d'Orient, pouvait à peine être considéré comme navire de guerre; le Helgoland seul appartenait réellement à cette catégorie et, ainsi que je le dis plus haut, la mission à laquelle il était employé lui enlevait en quelque sorte son caractère.

A Varna se trouvait également le Fiume, aviso à vapeur de guerre autrichien. Mais ce navire était alors de service comme stationnaire aux embouchures du Danube et sa présence dans la mer Noire n'avait donc absolument rien d'anormal.

J'abandonne à V. E. le soin de faire usage de ces informations selon les circonstances.

Recevez, etc.

Signé : BEUST.

No 93. LE COMTE DE BEUST AU COMTE APPONYI, A LONDRES.

Vienne, le 22 décembre 1870.

S. M. l'Empereur et Roi ayant daigné vous désigner pour son Plénipotentiaire à la Conférence qui va se réunir à Londres, j'ai l'hon

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