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fourreau jusqu'à ce que l'Autriche n'ait plus un soldat en Italie.

C'est pourquoi, avant de nous engager avec la Prusse, nous ne devons pas non plus exclure la supposition que l'Autriche, voyant de loin la tempête qui menace de fondre sur elle, et dans l'impossibilité de courir les risques d'une longue guerre à cause de l'état désespéré de ses finances et de la confusion politique dans laquelle elle se trouve, se résolve en définitive à faire le sacrifice de la Vénétie.

Votre Excellence aura remarqué que tous les journaux allemands en parlent; et ne voyant pas démentir ces nouvelles, je commence à croire moi-même que quelque chose se traite entre Vienne et Paris. Tenez-vous bien sur vos gardes, parce que ce pourrait être encore un jeu du gouvernement autrichien. Pour sortir des difficultés présentes, personne n'est mieux que Votre Excellence en position de juger de la chose.

Pour mieux aiguillonner l'esprit belliqueux et l'amour-propre des Prussiens, j'ai dit à d'Usedom que personne ne prenait au sérieux les menaces de la Prusse, et l'Autriche peut-être moins que les autres puisqu'elle désarmait précisément en ce moment.

J'ai ensuite déclaré au baron Malaret à plusieurs reprises, pour que le gouvernement français en soit bien informé, que, à quelque moment que la guerre entre la Prusse et l'Autriche vienne réellement à éclater, il était impossible que l'Italie n'y prit point part. Aucun gouvernement ne pourra l'empêcher.

Signé: LA MARMORA.

No 10

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL LA MARMORA.

Paris, le 8 août 1865,

Le courrier m'a apporté votre lettre du 4, dans laquelle vous me parlez de choses très-graves.

Je ne pourrai y répondre que dans quelques jours, parce que l'Empereur est absent, et que M. Drouyn de Lhuys ne retournera pas à Paris avant le 13 ou le 14.

En attendant, je profite de l'occasion, pour vous communiquer mes impressions,

La rupture entre les deux grandes puissances allemandes est pour nous un des événements les plus heureux et des plus souhaitables que la fortune de l'Italie puisse faire naître, parce qu'il nous donne le moyen d'avoir la Vénétie, et de l'avoir sans le secours de la France. Mais quoique cette éventualité soit possible, elle est bien loin d'avoir le caractère de certitude nécesaire pour que nous puissions prendre un engagement positif et immédiat.

Au moment où je vous écris, la convention de Gastein est encore possible; je le sais d'une manière positive. J'espère que l'entrevue n'aura pas lieu, et que, si elle a lieu, elle n'aboutira à rien; mais cependant il est possible qu'elle ait lieu. Donc, vous avez agi très-prudemment, en révoquant en doute, dans votre entretien avec d'Usedom, la probabilité d'une rupture entre l'Autriche et la Prusse, et en faisant sentir au ministre de Prusse que vous prendriez en considération une proposition sérieuse dans le cas d'une guerre véritable et sérieuse, mais que le gouvernement italien ne servirait pas d'épouvantail à l'Autriche dans les mains de M. de Bismarck. Mais la Prusse craint que lorsque le moment sera venu, la France ne fasse connaître son veto à l'Italie. A mon avis, il faut ôter cette idée fausse de l'esprit des hommes d'État prussiens. La France peut nous donner des conseils amicaux, comme on s'en donne entre puissances alliées (1), mais la France ne veut ni ne peut nous signifier aucun veto, et quant à nous, nous ne saurions nous y soumettre.

1o Il ne croyait pas à une entente à Gastein, quand même l'entrevue aurait lieu.

Si cela se vérifie (disait le ministre Nigra) et nous le saurons après que l'entrevue aura ou n'aura pas eu lieu, il conviendra d'attendre ou de faire naître d'autres occasions.

20 Que l'Autriche ne se résoudra jamais à céder la Vénétie tant que que l'Empereur actuel vivra, à moins d'y être forcée par les armes. 3o Qu'aucun ministère en Prusse ne peut céder un pouce de territoire allemand.

4o Que l'empereur Napoléon a cessé d'ambitionner le Rhin. Cependant une promesse formelle de rectifier la frontière rhénane peut l'engager à faire la guerre dont il a horreur au moment présent.

5o Que la seule solution possible était une alliance italo-prussienne avec la neutralité française, qui amènerait nécessairement la neutralité de l'Angleterre et de la Russie.

(1) La lettre dit alliées, mais elle veut dire amies, parce qu'alors nous n'avions d'alliance avec personne. Note du général de La Marmora.

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Le cabinet de Berlin désirerait être certain de la neutralité bénévole de la France; il ne voudrait pas que, lorsque la guerre aurait été dé--clarée et engagée, la France apparût comme le Neptune de Virgile pour dicter la paix ou des conditions, ou pour convoquer un congrès à Paris

La difficulté consiste donc à obtenir de la France une promesse de neutralité absolue. L'empereur Napoléon pourra ou voudra t-il donner cette promesse? La voudra-t-il donner par écrit comme le désire la Prusse?

Signé: NIGRA.

M° 11

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 13 août 1865.

Quant à l'Italie, le ministre de l'Empereur a ajouté qu'il trouvait la réponse du général La Marmora au comte d'Usedom opportune et convenable et qu'il l'adoptait aux trois quarts, pour son compte.

Je crois, a-t-il dit, que le cabinet de Florence ferait bien de persister dans la réponse même. Sa position est excellente. Qu'il sache attendre. J'interrompis mon interlocuteur pour lui dire :

Et si le gouvernement italien ne pouvait pas, ou si, dans son intérêt, il croyait ne pas pouvoir agir avec toute cette réserve; si, en d'autres termes, il croyait devoir entrer dans une phase d'action, je pense bien que la France ne s'y opposerait pas?

Certainement non, répondit M. Drouyn de Lhuys. Le cabinet de Florence est juge de ses intérêts et a pleine liberté d'action. Mais dans ce cas, l'Italie ferait la guerre à ses risques et périls.

Mais j'ajoutai: Si par hasard les événements de la guerre conduisaient l'Autriche au Tessin et aux Alpes?.

Alors, répondit M. Drouyn de Lhuys, se présenteraient bien des cas dans lesquels la France se réserve de pourvoir à ses intérêts, parce que c'est un intérêt grave pour la France que l'Autriche ne reprenne pas en Italie le terrain perdu..... C'est pourquoi je vous recommande la prudence..... Ne vous pressez pas de compromettre votre action. L'Autriche elle-même pourra tenter un arrangement avec vous. Le prince de. Metternich m'a déjà fait quelques ouvertures pour un traité purement de commerce entre l'Autriche et l'Italie. (C'est toujours M. Drouyn de

Lhuys qui parle.) Ce traité ne devrait avoir, à ce que dit l'Autriche, d'autre but que de faciliter et de régler mieux les rapports entre la Vénétie et la frontière italienne, mais peut-être que les choses n'en resteront pas là.

Signé : NIGRA.

No 12

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 29 août 1865.

La convention de Gastein (1) a causé ici la plus mauvaise impression. M. Drouyn de Lhuys m'a dit que les deux grandes puissances allemandes avaient foulé aux pieds tout principe: le principe des nationalités, le principe de la souveraineté populaire, le principe des intérêts des populations. Que la seule règle de conduite suivie dans ces négociations déplorables avait été la force et l'intérêt de chacune des puis

sances contractantes.

Le fait est que cet arrangement n'est une victoire ni pour la Prusse ni pour l'Autriche ce n'en n'est pas une pour la Prusse, parce que ce sera pour elle une grande source d'impopularité en Allemagne et en Europe; pas plus pour l'Autriche, parce que..... elle a établi un précédent de vente qui, si Dieu le veut, lui sera fatal un jour.

Du reste, l'Autriche a pu se convaincre de quel poids était pour elle l'hostilité de l'Italie, puisque c'est cette hostilité qui l'a forcée à passer sous les fourches caudines de Bismarck.

No 13

Signé: NIGRA.

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 16 septembre 1863.

Je ne crois en aucune façon que la Prusse ait promis des garanties

(1) Voir Archives 1865, tome Iv, p. 6.

pour les provinces non allemandes de l'Autriche; il parait, au contraire, probable que Bismarck a promis de ne pas continuer le mouvement 'diplomatique qu'il a commencé en Allemagne, et ayant trait à la conclusion d'un traité de commerce avec l'Italie et pour la reconnaissance du nouveau royaume.

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Cher Comte, vous m'avez fait espérer que S. M. 1. R. l'Empereur d'Autriche, dans le noble but d'arriver à une conciliation avec l'Italie, pourrait être amené à faire le généreux sacrifice de ses possessions en Italie, je vous charge donc d'ouvrir avec le cabinet de Vienne des négociations qui, de toute manière, ne pourront se prolonger au delà du 1er novembre prochain.

Vous connaissez suffisamment les sentiments conciliateurs qui animent S. M. le Roi et son gouvernement, et vous ne manquerez pas de les faire valoir pour établir les bases qui seules peuvent amener un parfait accord entre les deux États et effacer pour toujours toute

rivalité.

༈,

Agréez, monsieur le Comte, les sentiments de toute mon estime et de toute ma considération.

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La Vénétie a à sa charge comme quote-part de la totalité de la dette autrichienne environ 250 millions de florins (faisant à peu près 620 millions de lires) qui représentent la douzième partie de la dette autrichienne, en admettant que la Vénétie est la douzième partie du territoire de l'Empire.

De plus, la Vénétie a une dette de 40 millions de florins (100 millions de lires) afférente uniquement à cette province.

En réunissant ces charges qui retomberont nécessairement sur le gouvernement italien, à combien pourrait être portée l'indemnité payable à l'Autriche ?.....

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