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che des barbares qui inondèrent la plaine, tandis qu'une partie de leurs hordes se dirigeait vers Nauplie, où elles entrèrent aux acclamations des assiégés (1). Le gros de l'armée, conduit par le serasker, se porta en même temps vers Argos, où les Grecs, qui avaient reçu des renforts, n'avaient cependant à lui opposer que dix-huit cents hommes. En considérant ces faibles éléments de défense, il fut encore une fois question de se retirer dans les escarpements des monts Lyrcée et de l'Artémisius; mais quand on consulta les stratarques et leurs soldats, tous demandèrent à n'abandonner les ruines d'Argos que teintes du sang des barbares, en disant qu'il serait toujours temps de suivre le parti qu'on leur proposait.

Le drapeau de la Croix fut aussitôt déployé au faîte des montagnes d'Argos, où l'on n'avait laissé qu'un homme préposé à la garde des signaux destinés à donner avis des mouvements de l'ennemi. Les Turcs, précédés d'une forêt d'étendards, ayant commencé l'attaque avec cette furie ordinaire à leur premier choc, l'aile droite, forte de quinze mille hommes, est arrêtée tout-à-coup par trois cents Lacons embusqués au village de Coutzopodi, qui ne se retirent qu'après en avoir fait un grand carnage. Les barbares ne sont pas peu surpris de trouver sous les pas de leurs chevaux des trous et des fossés dans lesquels plusieurs s'abattent, tandis

(1) Ce fut un nommé Ali Pacha, maintenant prisonnier des Grecs, qui pénétra dans cette ville.

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que ceux qui parviennent à franchir ces obstacles se voient de nouveau arrêtés devant des épaulements en pierre sèche, d'où ils sont assaillis par une fusillade terrible. Dans un instant les plus fanatiques, qui devaient leur courage aux vapeurs de l'opium dont ils s'enivrent au moment d'un combat, sont tués; et comme l'usage des Turcs est de relever aussitôt du champ de bataille leurs morts ainsi que leurs blessés, la confusion se met parmi eux. Ils reculent; mais s'étant ralliés à peu de distance, et revenant avec une nouvelle fureur, ils ont bientôt formé une seconde attaque. Malgré leur résolution, celle-ci n'ayant pas été plus heureuse que la première, le serasker fait avancer les spahis, qu'on regarde comme la meilleure cavalerie mahométane, qui donnent avec impétuosité. Sans s'étonner, les Grecs, au nombre de deux mille, les reçoivent avec intrépidité; et ce n'est qu'au bout de huit heures de combat, et après avoir soutenu six charges consécutives, que Dramali, s'étant mis à la tête de sa maison, contraint les chrétiens à abandonner leurs retranchements.

Comme ils n'avaient que quelques pas à faire, ils se jettent dans la partie des rochers, vulgairement appelés les Chambres de Danaüs, à cause de certaines excavations qu'on voit aux environs. Les Turcs doivent s'arrêter au pied de ces escarpements, en restant toutefois maîtres des ruines d'Argos, qui leur coûtèrent neuf cents hommes et le double de

blessés, tandis que la perte des Grecs ne s'élevait qu'à une trentaine de braves morts ou mis hors de combat.

Dans la position où ils se trouvaient rejetés, les Hellenes, au nombre de huit cent, embusqués derrière un mur flanqué de deux bastions adossés aux rochers, étaient plus terribles qu'au moment où Dramali les avait attaqués; car, sans infanterie, comment pouvait-il parvenir à les débusquer? Ce fut alors que D. Hypsilantis se décida à occuper l'acropole pélasgique d'Argos, d'où le signal de la délivrance de la Grèce devait partir, par la glorieuse résistance que ses défenseurs opposèrent aux barbares. A son approche, une nuée d'aigles, de vautours et de corbeaux, seuls habitants de cette forteresse cyclopéenne, s'étant envolés, les chrétiens en tirèrent un augure appliqué aux Turcs, auxquels il ne resterait bientôt plus, disaient-ils, que de prendre ainsi leur essor pour sortir de l'Argolide.

Vainement le serasker fit tirer son artillerie; les insurgés ne répondirent aux boulets, qui rebondissaient contre les rochers, que par des chants patriotiques, et plusieurs d'entre eux osèrent même redescendre dans la plaine pour provoquer l'ennemi. Plus rapides à la course que les chevaux des spahis, ils en attiraient toujours quelques-uns à l'écart, qu'ils ne manquaient pas de tuer, car rarement ils perdaient un coup de fusil; et, à cette vue les barbares accourant jusque sous le feu des embuscades y laissaient, comme dit Puffendorf dans ses récits naifs, quelques-unes de leurs plumes. On remarqua, dans une de ces escarmouches, un porte - drapeau grec, pressé par quatre cavaliers, poursuivi comme dans le combat des Horaces et

le

des Curiaces, tuer, en les isolant, deux de ses ennemis, blesser le troisième, et, serré de près par quatrième, s'élancer derrière un pan de rocher, y planter son étendard, ajuster et percer d'une balle celui qui lui donnait la chasse.

Les combats ne cessèrent plus, ni pendant le jour ni pendant la nuit. Chaque instant était signalé par quelques semblables prouesses; on occupait la scène de cette façon, tandis que Pierre Mavromichalis faisait garnir la ligne des montagnes jusqu'à PÉrasinus (1), et que le Spartiate Krévata harcelait les Mahométans avec ses tirailleurs. Ils mirent le serasker dans un tel accès de fureur, que, le 4 août, il ordonna à une partie de ses troupes de se tenir prête à donner un assaut nocturne pour déloger les insurgés de leurs positions. Il était irrité des pertes de sa cavalerie que les Maniates tuaient en détail, et d'un échec considérable que lui avait fait éprouver Démétrius Plapoutas, qui venait d'arriver à Argos. La perte des Osmanlis dans cette journée avait été de près de quatre cents soldats, tandis qué celle des Grecs n'était que de trois hommes.

Une résolution pareille à celle de Dramali ne pouvait sortir que du cerveau d'un général turc. Il prescrivit, en conséquence, à quatre mille hommes de cavalerie de mettre pied à terre, ainsi qu'à deux mille Arabagis ou valets du train et autres gens de la basse soldatesque destinés à les appuyer, d'atta

(1) Voyez t. IV, p. 169 de mon Voyage dans la Grèce.

quer les escarpements qui enveloppent Argos à l'occident. On attendit la nuit; et, dès qu'elle fut arrivée, l'assaut commença, non point en silence, ainsi qu'il convient en pareil cas, mais aux vociférations tumultueuses de Allah et de Mahomet.

Jamais scène de pyrotechnie n'offrit un coupd'œil plus admirable que le pic sur lequel s'élève la forteresse Larissa, et les rochers au pied desquels sont sculptés les gradins des cirques, des stades et des théâtres construits anciennement par les Argiens. Une fusillade entremêlée d'obus et de bombes, que les Turcs lançaient au hasard, éclaira tout-à-coup l'Argolide, tandis que les barbares essayaient d'escalader les rochers du Lyrcée. Les Grecs, établis dans des positions de leur choix, connaissant les replis du labyrinthe dans lequel ils ne tiraient qu'à coup sûr contre des hommes qui s'exposaient à découvert sous leur feu, en firent une moisson sanglante. Tantôt les Turcs tiraient sur leurs propres soldats, tantôt ils étaient accablés de pierres; et au bout d'une lutte qui dura pendant quatre heures, forcés de se retirer, le silence de la nuit ne fut plus interrompu que par les gémissements de leurs blessés, que les Grecs passèrent presque tous au fil de l'épée.

D. Hypsilantis était sorti dès le commencement du combat de l'Acropole, à la tête de deux cent cinquante hommes, pour se rendre à Képhalarion, position distante d'une lieue de l'ennemi, en laissant cinquante hommes à la garde du poste qu'il quittait. Il fond sur les mahométans auxquels il enlève deux

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