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senterait devant elle. On distingua à sa manoeuvre qu'elle voulait se rendre à Nauplie par la passe de Spetzia. Les insurgés avaient laissé à la garde de cette île un corps de troupes suffisant pour s'opposer à un débarquement, tandis que douze mille paysans descendus des montagnes occupaient les mouillages et les plages du littoral du Péloponèse; de sorte qu'autour du golfe et dans le golfe d'Argos tout annonçait une affaire générale et dé

cisive.

Les Grecs, inspirés par le génie qui révéla à Thémistocle le moyen de vaincre Xerxès à Salamine, s'étant saisis du détroit situé en face de la ville de Spetzia et de cette partie du Péloponèse où fleurit Hermione, y prirent position avec dix-huit bricks et huit brûlots, qu'ils échelonnèrent sur trois lignes, de manière que six vaisseaux seulement pouvaient être engagés et combattre de front. Rétablissant l'égalité numérique, quoique inférieurs en échantillon et en artillerie, leurs bâtiments incendiaires, que les Turcs redoutaient, compensaient les avantages an point qu'ils se crurent invincibles au moyen de la triple barrière de feux qu'ils opposaient à un ennemi assez stupide pour avoir entrepris de pénétrer dans le golfe par cette passe étroite. L'amiral des Hellènes fit aussitôt signal au restant de son escadre de manœuvrer pour cingler au vent des îles, afin d'attaquer l'arrière garde ennemie. Le canon se fit entendre, et le combat commença par pelotons. Au même instant un brûlot lancé par les Grecs attaqua une

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frégate turque par la poupe. Elle commençait à s'embarrasser, quand une cinquantaine de ses matelots, s'étant précipités sur cet esquif, parvinrent à briser ses grapins, mais le feu devint si violent qu'ils furent tous brûlés ou noyés, tandis que les Hydriotes n'eurent que deux hommes blessés par la fusillade. On se battait pendant ce temps avec vivacité dans le canal, et l'artillerie de la forteresse de Spetzia était si bien servie, que c'en était fait des barbares, si les vents, qui cessèrent, n'avaient pas retenu en calme les vaisseaux destinés à les prendre entre deux feux.

Les habitants d'Hydra, ayant à leur tête le saint évêque d'Égine, réunis sur le rivage, attendaient avec anxiété le résultat d'une bataille qui allait décider du sort de la Grèce; chacun, les yeux sur la scène du combat, admirait en tremblant la manoeuvre des bâtiments grecs, au milieu d'une mer parsemée de rochers; les mêches brûlaient auprès des canons, quand une de ces péripéties impossibles à prévoir vint attrister leurs regards.

Plusieurs fois j'ai été tenté de quitter la plume pour dérober ce fait à l'histoire, en faisant la conduite de cette frégate française, si malheureusement compromise dans une fausse démarche, lorsqu'elle attaqua une goëlette chargée des otages turcs de Nauplie, sur laquelle elle n'avait nul droit, ni aucun contrôle à exercer. Un boulet tiré de son bord traversa ce frêle navire, et sa conserve tira quatre coups de canon dont les boulets vinrent se perdre à la plage. Témoins de cet attentat, les Grecs se

précipitèrent vers leurs batteries. Mais bientôt, dociles à la voix de leurs gérontes, ils s'arrêtèrent par respect pour le pavillon du roi de France! Le sang innocent fut épargné; et la seule vengeance que le sénat d'Hydra tira de M. de V.... fut d'inscrire autour du trou du boulet, la date d'un évènement que les Grecs s'empresseront sans doute d'oublier, en -réfléchissant que des fautes de cette nature sont personnelles.

Après un combat qui dura pendant six heures de temps, les Turcs se retirèrent sans avoir pu forcer le passage, et les deux flottes s'observèrent réciproquement jusqu'au 23 après midi. En ce moment le capitan pacha donnait en plein dans le golfe Argolique, en doublant le 'sud de l'île de Spetzia, tandis que les vaisseaux grecs y entraient par le détroit d'Hermione, qu'ils avaient si vaillamment défendu les jours précédents. Les deux armées ne pouvaient manquer de se rencontrer; et elles se rapprochaient tellement qu'un brûlot grec, stationné à la pointe de l'île, se trouva si près des Turcs qu'il n'échappa que par miracle à leur canonnade.

On était en présence, quand la frégate qui avait attaqué la goëlette chargée des otages, se trouvant alors dans la partie occidentale du golfe, s'empressa d'expédier un officier à l'amiral ottoman pour le complimenter, et régler avec lui le salut d'usage. 'Ce fut alors aussi qu'un nègre échappé d'Hydra, où il était prisonnier de guerre, fit connaître au căpitan pacha les dispositions prises par les insurgés

pour l'incendier; mais cette révélation lui devint plus nuisible qu'utile. Soit qu'il en fût intimidé ou non, au lieu de poursuivre sa marche, il fit aussitôt prier le commandant français de vouloir bien prendre sous sa protection un bâtiment autrichien chargé de grains destinés au ravitaillement. de Nauplie, n'osant pas l'escorter avec les quatre vingt-quatre vaisseaux qu'on lui avait confiés pour sauver ce boulevard de la Morée. On en avait trop fait pour les Turcs, et cette fois la complaisance ayant déja dépassé les limites de l'équité, on éluda de le satisfaire, quoiqu'il s'abaissât jusqu'aux supplications. La frégate française cingla vers Astros, et le vent ayant cessé, le calme auquel succédèrent les brises du fond du golfe s'étant opposé à la marche des ottomans, les Grecs, qui avaient l'avantage de position, mirent en panne par groupes. Durant la soirée des grains pluvieux se succédèrent, les nuages condensés lancèrent des ra-fales; l'orage gronda de tous côtés sur les montagnes, et le ciel enflammé parut annoncer aux barbares qu'il s'opposait à leurs tentatives.

Le 24 au matin, après une nuit orageuse, lesoleil, s'étant levé au milieu d'un horizon sans nuages, découvrit les deux armées qui étaient en ligne. Le golfe d'Argos présentait, dans cet instant, le plus beau spectacle que les mers de la Grèce eussent depuis long-temps offert aux regards. des hommes. La flotte ottomane, forte de quatrevingt quatre voiles, au nombre desquelles on comptait sept vaisseaux de ligne, quinze frégates,

des corvettes, des bricks, deux bombardes, portant plus de deux mille canons en bronze, favorisée par une belle brise du large, s'avançait contre l'escadre grecque, composée de soixante bâtiments de faible échantillon et de quinze brûlots. On voyait d'un côté la puissance courbant les flots sous ses vaisseaux chargés de soldats et d'artillerie; de l'autre la surveillance unie à l'activité, suivant tous les mouvements des infidèles qu'elle cherchait à attirer au fond du golfe. Les Turcs n'étaient plus qu'à dix milles de Nauplie, les assiégés touchaient au moment de leur délivrance, lorsque la flotte mahométane s'arrête à la hauteur de Cavouro-Nisi et détache le brick autrichien qui, après avoir passé sous la poupe du capitan pacha, fait voile vent arrière vers la plage de Tirynthe. C'était sur ce bâtiment que reposait le sort de Nauplie, les Turcs le suivaient des yeux, quand deux navires grecs, l'un servant de garde à la forteresse de Bourdzi, et l'autre qui était un brûlot caché derrière l'île Pityuse, lui donnent chasse et le capturent à la vue des barbares.

A cet aspect, le capitan pacha se couvrant de voiles, donne le signal de retraite à son armée, et ses vaisseaux consternés manoeuvrent en désordre pour sortir du golfe Argolique. Les Grecs poussent en même temps le cri de victoire à la Croix !

Elle triomphe, ils ont saisi le bâtiment autrichien duquel dépendait la réduction de Nauplie. On trouve à bord un approvisionnement de grains

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