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«< ce moment à Vrachori. Tous se rassemblent autour << du président Mavrocordatos; et moi, à la tête de << treize cents hommes, je suis ici, à Castrounia. «< Demain, avec l'aide de Dieu, nous serons en mar<«< che ainsi que les autres chefs; nous nous porte<< rons contre les Turcs, que chacun de nous doit « abhorrer comme ses péchés, et ne jamais craindre. « Nous serons fidèles au redoutable serment que « nous avons prononcé avec une foi sincère en Dieu; << et s'il faut mourir, ce sera en hommes, et non pas « comme des femmes timides. Enfin, si Dieu le per« met, il faut que nous soyons tous réunis demain « à Machala.

« Je vous recommande de ne prendre avec vous << aucuns bagages. Ne vous munissez que de Vos aret mettez-vous en marche pour courir sus << à l'ennemi, comme je vais le faire avec mon ca<< marade Zongos. >>

«< mes,

DÉMÉTRIOS MAKRYS.

Le président Mavrocordatos, non moins actif que Makrys, tout en faisant fortifier l'emplacement de Tousonia, ainsi que les ponts de Primiços et de Nescio, situés à la décharge du lac Trichon ou Soudi, dans l'Achéloüs, était parvenu à réunir deux mille hommes, avec lesquels il résolut de fermer à l'ennemi les défilés de Laspès et de Machala. Calculant sa ligne de retraite en cas de revers, il ordonna d'élever un retranchement à la tête de la vaste chaussée qui sépare le grand lac en deux parties, et il plaça à Dougri, près des ruines de

Thermos, un corps de Cravariotes chargés de défendre le passage de la forêt de Koudounia, qu'il faut traverser pour pénétrer dans l'Apocoro, contrée située sur l'Événus. Il détacha en même temps des commissaires dans tous les villages, avec la mission de tranquilliser les esprits, de réunir les hommes capables de porter les armes, et de les diriger suivant le système de défense dont on était convenu. Il envoya, dans les îles et en Morée, des commissaires chargés de demander des secours en hommes et des vaisseaux. Enfin, tout ce que la prudence humaine, tout ce que le patriotisme pouvaient suggérer, fut mis en usage par Mavrocordatos pour remédier à des affaires aussi désespérées que l'étaient celles des chrétiens insurgés de la Grèce occidentale.

Vain espoir! Mavrocordatos avait en tête un ennemi non moins actif que lui, dont la prévoyance, mise en défaut, mais bientôt réveillée par les agents anglais, le détermina à marcher, avant que les Grecs eussent occupé les défilés de Laspès et de Machala. Leurs desseins lui avaient été révélés par Georges Varnakiotis, qui avait eu connaissance de la circulaire adressée par Makrys aux Acarnaniens; et les pourparlers relatifs à l'amnistie avaient été rompus. Omer Brionès venait en même temps de recevoir un convoi de poudre et de munitions de guerre, tiré de l'arsenal de Corfou, qui avait été débarqué à Prévésa, par la corvette de S. M. B. la Médina, et il entra immédiatement en campagne.

Son armée, composée de douze mille Schypetars,

qui sont les meilleures troupes de la Turquie, ayant de l'artillerie, et une nombreuse cavalerie, conduite par le traître Varnakiotis, franchit les défilés à la vue des paysans soulevés par D. Makrys, qui s'enfuirent dans les escarpements les plus inaccessibles de l'Agraïde. Les eaux de l'Achélous se trouvant très-basses dans cette saison, qui était le milieu de l'automne, l'armée turque passa facilement le fleuve au gué de Stratos, et Routchid pacha, qui commandait la cavalerie, inonda dans un instant la plaine de ses Kersales, et des Tolpaches des Dibres. Au même instant les Grecs, qui avaient fait passer leurs familles dans les forêts du mont Callidrôme, mirent le feu à Vrachori, ainsi qu'à tous les villages du Vlochos (1), et l'arrivée des barbares fut célébrée par un vaste incendie. Étonnés de ce spectacle, ils s'étaient arrêtés, lorsque Marc Botzaris avec ses palicares, qui avaient dirigé l'embrasement, poussant un cri funèbre, annonçèrent aux enfants d'Agar qu'ils foulaient une terre destinée à devenir leur tombeau.

Six cents palicares, commandés par le héros de la Selléide, font aussitôt retraite vers le défilé de Douzi, sans que les Turcs osent les poursuivre. A cette vue D. Makrys, intimidé par le nombre, toujours croissant, des ennemis, abandonne inopinément la position qu'il occupait, pour se jeter dans le mont Aracynthe. Le poste de Calivia Zygotica

(1) Vlochos. Voy., pour la topographie de ce canton, le t. III, ch. LXXXIV de mon Voyage dans la Grèce.

est également évacué, sur la fausse nouvelle que les Turcs ont passé l'Achéloüs au-dessous de Stamna. Le corps d'observation qui défendait l'accès de la chaussée du lac Trichon n'a que le temps de gagner le défilé de Gérasovo; et si l'ennemi se fût aperçu du désordre qu'il avait causé dans l'armée grecque, ce jour aurait marqué l'entière destruction des Hellènes.

Mavrocordatos, qui comprit que les Turcs avaient perdu le moment de l'anéantir, passa la nuit à combiner les moyens de lui disputer le terrain, et de défendre les inextricables défilés du mont Aracynthe. Il avait déja fait plusieurs dispositions, lorsqu'on aperçut, le 24 octobre au matin, huit cents familles grecques, abandonnant la plaine formée par les Échinades, qui sont maintenant réunies au continent, se précipiter du côté des lagunes, pour se réfugier à Anatolico (1), et dans les îles de ses vastes pêcheries. C'était le signal de l'approche de l'ennemi, et il fallut renoncer à la défense de la grande chaussée du lac, dont on fit sauter quelques arches. On se retira du côté de Dervendista, où Mavrocordatos fit sa jonction avec Marc Botzaris.

Cependant la cavalerie ennemie, devant laquelle on avait vu fuir les paysans de la campagne, ga

(1) Pour l'intelligence de toutes ces manœuvres, il est nécessaire de relire le ch. LXXXV du t. III de mon Voyage. Qu'on me pardonne de me citer; mais comme c'est le seul ouvrage qui ait fait connaître ces contrées, je suis obligé d'y renvoyer. Il faut également consulter la carte jointe à ce volume, qui donne toutes les positions.

gnait du terrain. Elle débordait la position de Stamna, et indépendamment de la perte de l'Acarnanie, il fallait se résigner à quitter le Zygos, qui est le dernier canton de l'Étolie, pour ne pas se trouver enveloppé dans le mont Aracynthe. La trahison se réunissait à des malheurs qu'on n'avait pu conjurer! Déja plusieurs capitaines grecs, embauchés par l'apostat Varnakiotis, non contents de déserter les drapeaux de la Croix, avaient joint leurs armes à celles de l'ennemi. Il fallait choisir son point de retraite et se décider sans perdre un seul instant. On se compromettait visiblement si on descendait en plaine; et cette tentative ne réussissant pas, tout espoir de salut était perdu. Une seule voie semblait ouverte ; c'était de passer l'Événus, et de gagner les montagnes de Cravari. Arrivés dans cette partie de la Locride Ozole, on pouvait se retirer du côté où se trouvait Odyssée, ou bien choisir un moment favorable pour entrer en Morée. Les officiers qui donnaient ce conseil à Mavrocordatos ignoraient que cette retraite même était impossible. Les Turcs sortis de Névropolis d'où on n'avait pu les débusquer, franchissant rapidement les défilés de Gravias et de Zéménos venaient de s'emparer de Salone, de façon qu'on se trouvait réduit à combattre, à vaincre, ou à s'ensevelir dans les lagunes de Missolonghi.

Le président sembla cependant avoir déféré à l'avis de son conseil, lorsqu'on le vit traverser la plaine Lélante, en se dirigeant vers l'Événus; mais c'était pour tromper les regards de l'ennemi. Rétrogra

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