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dant bientôt aprês, en trompant à la fois les Turcs et les siens, il revient au village de Gérasovo, et entre le 17 octobre, à midi, avec la rapidité de l'éclair, à Missolonghi.

On le presse de quitter cette ville; de ne plus s'obstiner à défendre l'Étolie; mais Mavrocordadatos, plus affligé de la trahison des Acarnaniens qu'affecté du malheur de sa position, répondit : les habitants de ces provinces sont peu dignes que nous nous sacrifions pour eux; mais si je m'éloigne ils se soumettront, et les hordes albanaises passeront à Patras; le Péloponèse, qui peut à peine résister à l'armée ottomane, sera accablé par ces nouveaux ennemis, et c'en est fait de la cause des Hellènes : C'ESTICI QUE NOUS DEVONS PÉRIR.

Tandis que ces choses se passaient, Marc Botzaris, avec six cents palicares, soutenait le poids et les efforts de l'armée mahométane, commandée par Omer Brionès et Routchid pacha! Les Thermopyles pâliront un jour à ce récit! Retranchés auprès de Crionéro, fontaine située à l'angle occidental du mont Aracynthe, en face d'Anatolico, ses braves, après avoir peigné leurs belles chevelures, suivant l'usage immémorial des soldats de la Grèce, conservé jusqu'à nos jours, se lavent dans les eaux de l'antique Aréthuse; et revêtus de leurs plus riches ornements, ils demandent à s'unir par les liens de la fraternité, en se déclarant Vlamia. Un ministre des autels s'avance, et prosternés au pied de la Croix, ils échangent leurs armes; ils se donnent ensuite la main en formant une chaine mysté

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rieuse; et recueillis devant le Dieu rédempteur, ils prononcent les paroles sacramentelles : ma vie est ta vie, et mon ame est ton ame. Le prêtre alors les bénit; et ayant donné le baiser de paix à Marc Botzaris, qui le rend à son lieutenant, ses soldats, après s'être mutuellement embrassés, présentent un front menaçant à l'ennemi (1).

C'était le 4 novembre 1822, au lever du soleil ; on apercevait de Missolonghi et d'Anatolico, le feu du bataillon immortel, qui s'assoupit vers midi. Il reprit avec une nouvelle vivacité deux heures après le passage du soleil au méridien, et il diminua insensiblement jusqu'au soir. A l'apparition des premières étoiles, on aperçut dans le lointain les flammes des bivouacs ennemis, répandus dans la plaine. La nuit fut calme, et le 5 au matin Marc Botzaris entra à Missolonghi, suivi de trente hommes; le surplus de ses braves avait vécu.

(1) J'ignore d'où vient le mot Vlam et Vlamia au pluriel; mais cette cérémonie est connue sous le nom de Adsλporoïïa, ǹ Ådeλpoñoinois, adoptio in fratrem, chez les écrivains du BasEmpire. Voy. Démétr. Cho. Archiep. Bulgar., p. 135, et l'Euchologe, p. 898. Leo. grammat. iu Mich. Theophil. F. P. 460, de Basilio postmodum imperatore: ¿πɛ20v eiç tò λoutpòv, ἤλλαξεν αὑτὸν, καὶ ἐλθὼν ἐν τῇ ̓Εκκλησίᾳ ἐποίησεν ἀδελφοποίησιν. Γ. Nomocanon Coteler. n. 511, et in Concil. Chalcedon., act. 10 de Iba episcopo et ejus accusatoribus, deindè reconciliatis : Ποιήσαμεν δὲ αὐτοὺς φίλους. Τὰ ἅγια δῶρα ἄνω ἐν τῷ ἐπισκοπείῳ ἐκοινώνησαν μετ' ἀλλήλων, αὐτὸς καὶ οἱ πρεσβύτεροι. Alter est Evagrii, lib. 1, Hist., c. 13 ubi Domnus, Antiochiæ episcopus, et S. Simon Stylites, ἄμφω συνελθέτην, καὶ τὸ ἄχραντον ἱερουργοῦντες Σῶμα, τῆς Ζωοποιοῦ κοινωνίας ἀλλήλοις ἀντέδωσαν.

A la faveur de leur courageuse résistance, le président Mavrocordatos, qui n'avait pu secourir le bataillon de Marc Botzaris, s'était occupé à faire entrer dans la place des bestiaux, et tous les vivres qu'on avait trouvé moyen de réunir. Il avait en même temps songé au salut des habitants, en faisant embarquer pour le Péloponèse les vieillards, les femmes, les enfants et les bouches inutiles.

Marc Botzaris, époux, père et chef de famille, après avoir rempli ses devoirs de soldat, avait aussi des mesures de sûreté à prendre pour des objets qui lui étaient plus chers que la vie. Au premier bruit de la défection de Varnakiotis et de ses complices, il les avait envoyés à Missolonghi; et sa sœur mariée à un des apostats qui étaient passés sous les drapeaux du Croissant, ne voulant plus porter un nom deshonoré, avait demandé le divorce. On avait différé jusqu'à ce jour de prononcer la redoutable sentence qui brise les liens que l'Éternel a ratifiés; mais la cause majeure de haute trahison étant manifeste, le divorce fut accordé par Porphyre, archevêque d'Arta, qui s'était attaché à la cause des chrétiens depuis qu'il les avait vus trahis et malheureux; il demandait à Dieu d'expier ses fautes, en répandant jusqu'à la dernière goutte de son sang pour la Croix.

Rendue libre par cet acte, Marc Botzaris résolut de la faire embarquer avec sa famille sur un vaisseau prêt à faire voile pour Ancône. Sa sœur, empressée de quitter une terre qui lui rappelait l'opprobre du nom qu'elle venait de reprouver, ne

demandait qu'à partir; mais il n'en était pas de même de la tendre et douce Chrysé.

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Par combien de détours ingénieux elle essaya de fléchir son époux! Tantôt elle lui proposait de l'envoyer à Ithaque, et tantôt à Céphalonie, où se trouvait le polémarque son oncle: Je vaincrai, disaitelle, la rigueur des Anglais, je désarmerai ces insulaires au cœur de fer! pourraient-ils résister aux larmes d'une mère? Chère Chrysé, que distu, fléchir les Anglais? ils sont durs comme l'Océan. Ils ont vendu Parga, l'aurais-tu oublié ? L'intérét est leur dieu; et, s'il l'exigeait, ils te vendraient ainsi que nos chers enfants. Je n'ai plus que des attraits vulgaires, cher Marc, et toi seul peux encore trouver ta Chrysé belle; ces pauvres innocents ne sauraient étre séparés de leur mère. - Et leur mère pourrait-elle habiter dans un pays gouverné par ceux qui viennent de consommer la perte de Souli, et d'organiser la trahison de Varnakiotis ?— Non jamais, s'écria Chrysé, l'épouse de Marc ne devra l'hospitalité aux ennemis des chrétiens. Mais dans quel pays dois - tu m'envoyer? sous quel ciel est située Ancóne?-Sous le ciel du patriarche auguste de Rome, ma bien aimée, c'est le père commun des fidèles ; et si ton époux.....—N'achève pas, conserve-toi pour tes enfants. J'obéis, je pars.

Elle dit, et tombant à ses pieds avec les timides créatures qui le nommaient leur seigneur et leur père, Marc Botzaris bénit son épouse ainsi que ses enfants au nom du dieu des batailles. Il accompagne ensuite sa famille au port; il suit des yeux le vais

seau dont les vents sonores du midi enflent aussitôt les voiles; il la salue, il lui fait long-temps signe encore en tendant les bras. Le vaste sein des mers ravit la nef rapide à ses regards.

Le même jour, le clergé célébrait les obsèques du stratarque Cyriaque, dont les soldats avaient débarqué la dépouille mortelle au fort de Vasiladès. On l'avait ainsi transporté dans la ville, où il semblait s'établir comme les ombres généreuses des héros indigènes toujours propices à la patrie, pour inspirer de nobles sentiments aux Hellènes. Le 6 les barbares arrivèrent à la tête de la chaussée qui commence au-dessous de Plevrone; et Jousouf pacha ayant fait sortir de Lépante deux bricks de guerre, Missolonghi fut investie le 7 novembre, par terre et par mer.

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