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Les Grecs en disaient autant avec orgueil du rocher de Kasos, relativement au grand cabotage entre les îles de Crète, de Cos, de Rhodes et de l'Égypte avec la capitale de l'empire ottoman, parce que ses navigateurs, cachés au milieu des écueils de la mer Carpathienne, peuvent à volonté intercepter les communications, sans craindre d'être forcés dans leur repaire. Cymé présentait également un point de départ et de retraite non moins favorable pour les croisières; et Samos, placée comme une tête de pont aux attérages de l'AsieMineure, ne permettait déja plus aux Mahometans d'habiter à poste fixe sur les côtes de la Lycie et de

la Carie.

Enfin on pouvait se convaincre de la réalité dú blocus maritime de Constantinople en jetant les yeux en arrière de ces postes avancés, où l'on remarque une foule d'îles que les barbares ne peuvent se permettre d'attaquer sans encourir le danger des brûlots grecs, que leur inexpérience ne saurait guère éviter dans une mer entrecoupée de canaux. Les Cyclades, à la vérité, devaient être sous la protection des voiles de la marine grecque, en attendant qu'on pût s'emparer de Syra et fortifier cette île, qui doit tôt ou tard faire partie de la confédération hellénique. On devait partir de là pour conquérir Lemnos ainsi que Ténédos, qui devront être encore pendant long-temps possédées par les Turcs, si la sagesse préside aux conseils des Hellènes.

Ces avis leur prescrivent de marcher comme ces

marins prudents qui naviguent la sonde en main, à la vue d'une terre ennemie; car les destins ainsi que les flots sont inconstants et la Fortune, fille de l'Océan, redoute les naufrages. Avec Hydra, maintenant hérissée de batteries, les Grecs ne doivent s'étendre que progressivement, et en songeant aux moyens de conserver ce qu'ils auront conquis; car il ne faut jamais reculer devant les barbares. L'exemple de Chios était trop récent pour ne pas servir à cet égard de règle de conduite. En suivant cette marche qui est la pensée des marins de la mer Égée, ils savent qu'indépendamment des avantages qu'ils en retireront, ils obtiendront tôt ou tard l'assentiment des puissances maritimes, et cela par des raisons que tout homme d'état peut concevoir, sans qu'il soit nécessaire de les indiquer.

Ces vues, soit qu'elles fussent ou non appréciées par le divan, lui causaient assez d'inquiétudes pour l'arracher à sa léthargie habituelle, en le forçant d'aviser aux moyens d'entreprendre une troisième campagne; mais la diplomatie européenne ne pouvait faire entendre raison au Sultan. Il s'en tenait à ce qu'il avait dit depuis le commencement des troubles : « Que la Russie fasse le premier pas en << envoyant un négociateur à Constantinople, et on << s'expliquera relativement à ses prétentions. Quant « aux Grecs, ma souveraine volonté ne consentira jamais à leur accorder qu'une amnistie sans ga<< rantie». Comme l'une de ces prétentions était plus facile à satisfaire que l'autre, il fallait donc,

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en facilitant les moyens d'un rapprochement entre la Russie et la Porte, procurer à celle-ci la faculté de déployer toutes ses forces contre les rebelles de la Croix.

Pour parvenir à ce but, il s'agissait de réconcilier le Cha de Perse avec les Turcs, qui avaient été battus à plate couture aux environs de Mendouli par les soldats de Feth Ali. Le commerce de Smyrne réclamait des Anglais, qui tenaient une flottille d'armements légers dans le golfe Persique, où ils occupaient l'île de Chismé, de faire cesser une guerre dont le contre-coup s'était fait sentir en dernier lieu jusqu'à Damas. La caravane avait été pillée par un Bédouin nommé Abdallah, chef des Anazis, chassés dans ces derniers temps de la Mésopotamie, et la légation britannique de Constantinople redoubla de zèle pour rétablir la paix entre la Perse et la Turquie.

En attendant le résultat des négociations que l'Angleterre entamait en faveur des Turcs, Sa Hautesse renouvelait son ministère en exilant et en faisant bientôt après étrangler son grand-visir Abdalla (1), ainsi que le janissaire Aga, qui s'étaient

(1) Kiat-y-chérif de Mahmout II, au grand-visir Ali pacha.

Moi, qui par l'excellence des faveurs infinies du Très-Haut, et par les miracles remplis des bénédictions du chef des prophètes, suis le sultan des glorieux sultans, l'empereur des puissants empereurs, le distributeur des couronnes aux Cosroës qui sont assis sur les trônes, l'ombre de Dieu sur la terre, le soleil de justice, le maître de la surface du globe, le défenseur des faibles et des malheureux, l'exterminateur des infidèles et des po

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ligués, quelques mois auparavant, pour perdre Khalet effendi. On les remplaça, suivant l'usage par des prédestinés au cordon; car tout prétendant aux hautes fonctions de l'état n'a que ce sort en perspective; et on se rappela à ce sujet de Khous

lythéistes, le second Alexandre qui règne sur l'Orient et l'Occident, le soutien de l'islamisme, le porte-étendard de la loi divine, le maître de la vie des nations, le motif de la paix et de la sûreté des mortels, la cause de la tranquillité d'esprit des humains, le roi des rois, le centre de la victoire, sultan, fils de sultan, Mahmout II, etc.

A toi, mon visir Azem et gouverneur suprême, Ali pacha, après t'avoir honoré de mon salut impérial, apprends ce qui

suit:

Ton prédécesseur, Abdallah pacha, n'avait fait, à la vérité, jusqu'à présent aucun acte directement contraire à mon bon plaisir impérial; mais comme c'est un homme de mœurs simples, et surtout d'un cœur sans énergie, il a négligé les affaires du visiriat et l'administration est tombée en décadence. Il est évident que le moment est arrivé où tous les visirs, oulémas, et autres employés dans ma servitude, doivent travailler au soutien de mon inébranlable empire, et par conséquent il est nécessaire de le congédier.

Comme ta probité et ton intégrité me sont connues, je t'ai choisi pour remplir les hautes fonctions de visir absolu; je ť’ai envoyé avec ce noble écrit impérial, par l'intermédiaire de mon second écuyer, un cheval de selle richement caparaçonné de ceux qui sont destinés à mon usage particulier. Montre-toi, afin que je te voie; agis de concert, selon ta probité et ton intégrité, avec mes visirs, mes oulémas, mes seraskers et mes esclaves; n'ayez qu'un cœur et qu'une main.

Pense jour et nuit à diriger les affaires pressantes de Morée et de Perse, d'une manière qui convienne à la dignité de la foi et de la religion; emploie toutes tes forces, et que tout s'ac

rouf ou Khoreb pacha, qui avait été vice-roi d'Égypte et visir de Bosnie, pour en faire un amiral. Ces choix, applaudis comme ceux des hommes promus aux dignités le sont par les gens qui cherchent à exploiter leurs faveurs, furent suivis de mouvements extraordinaires dans l'arsenal, afin d'équiper une flotte destinée à appareiller aux premiers jours du printemps. Elle pouvait, d'après les conseils des turcophiles, qui avaient tracé jusqu'alors au divan des plans de campagne, avoir les plus heureux résultats. La flotte devait ne se composer que de frégates, de corvettes et de bricks de guerre; c'était le moyen infaillible de saisir bord à bord les armements grecs; et cette campagne fut proclamée comme le terme des prospérités de ces esclaves présomptueux qui osaient aspirer à l'indépendance.

Ces choses se passaient au mois de février, temps où les Hellènes de retour de l'Étolie, ainsi que ceux qui avaient vaincu les barbares aux Thermopyles, à l'isthme, aux plaines d'Argos et sur les frontières de l'Achaïe, célébraient par des mariages le retour du printemps. Les familles des braves formaient des liens nouveaux, lorsque la discorde,

corde avec la noble loi; mets tout ton zèle à garantir le repos et la sécurité de ma haute résidence, ainsi que de toutes mes hautes possessions.

Que Dieu te garde avec sa providence divine et éternelle, ainsi que tous ceux qui servent avec zèle et probité dans les affaires de mon immense empire.

1er jour de la Lune de Redgeb 1238.

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