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iles de l'Archipel, leurs populations reflueraient vers cette partie volcanisée du continent, et leurs désastres tourneraient au profit de l'insurrection qu'il faut étouffer dans le sang de ses fauteurs.

Du sang, toujours du sang! ce cri parti de Smyrne et le ton menaçant, quoique amphibologique, de la prétendue déclaration du congrès de Vérone, annonçaient aux Grecs qu'il n'y avait de salut pour eux que dans la victoire. Déja leurs croisières éparses se rapprochaient de l'Archipel, comme ces corps d'éclaireurs qu'un général rappelle au moment d'une grande bataille. Les navarques chrétiens savaient qu'en y comprenant les escadres barbaresques, la flotte du capitan-pacha se composerait, dans le courant du mois de mai, de cent vingt voiles de guerre.

D'après les dispositions du gouvernement hellénique, on s'était mis en mesure d'opposer à ces forces, non des bâtiments de l'échantillon de ceux des Turcs, puisqu'on n'en avait pas, mais ces navires agiles, convenables à une mer entrecoupée d'îles, qui avaient immortalisé jusqu'alors l'étendard de la Croix. Les Hydriotes avaient en conséquence armé quarante bricks de premier rang, portant huit cents canons, montés par quatre mille huit cents marins, auxquels ils avaient joint douze brûlots (1). Psara équipait vingt-quatre navires de même rang, équipés de quatre cent quatre-vingts

(1) Tous les bâtiments grecs sont maintenant armés de manière à devenir à volonté des brûlots.

canons et de deux mille huit cent quatre-vingts hommes, l'élite de leur marine, avec six brûlots. Spetzia fournissait le même nombre de bâtiments, d'équipages, d'artillerie et de brûlots, de sorte que, sans compter les armements particuliers des autres îles de l'Archipel, l'escadre grecque devait être composée de quatre-vingt-huit voiles de guerre, armées de dix-sept cent soixante canons et de dix mille cinq cent soixante matelots.

Malgré ces moyens de défense, comme on n'était pas en mesure de se présenter en ligne devant l'ennemi à cause de la supériorité de ses frégates, les Psariens, qui croyaient leur île menacée, redoublaient d'activité pour se mettre en état de résister aux forces de terre et de mer de l'empire ottoman (1). Hommes, femmes, enfants étaient sans relâche occupés aux travaux des fortifications, en s'animant tour-à-tour par des chants religieux ou guerriers, qui enflammaient les esprits de la multitude du plus véhément enthousiasme, quand un de leurs bâtiments vint annoncer que la flotte des barbares était arrivée aux Dardanelles. Il avait échappé miraculeusement à l'escadre algérienne au milieu de laquelle il était tombé. On avait aperçu sa manoeuvre

:

(1) Convaincus qu'ils ne pouvaient résister à une attaque sérieuse, les Psariens avaient songé à évacuer l'île qu'ils habitaient ils devaient venir coloniser dans l'Eubée; mais il fallait en chasser les Turcs, et c'est ce dont on ne put venir à bout pendant la campagne de 1823. Nous n'avions pas jugé convenable de faire connaître jusqu'à présent cette particularité, qu'il n'y a plus d'inconvénient à rendre publique.

des hauteurs de Psara, lorsque, canonné et poursuivi, il s'était subitement entouré d'une fumée épaisse, au moyen d'une grande quantité d'algue marine étalée sur ses gaillards, à laquelle il avait mis le feu. On le reçut au milieu des acclamations, et on ne douta plus que la Providence ne veillât au salut de Psara, dont on compléta le système de défense, en établissant deux télégraphes qui ser. vaient à communiquer et à recevoir les avis de l'intérieur et de l'extérieur de la place.

Ces mesures étaient relatives à une attaque par mer, car les levées qu'on faisait alors dans l'Anatolie n'étaient importantes qu'aux yeux du Spectateur Oriental, qui annonçait emphatiquement l'arrivée de vingt-six chameaux chargés de munitious de guerre destinées à composer le fond d'une nouvelle expédition contre Samos. Nous ignorons si l'Observateur autrichien signala cette particularité importante; mais ce qu'aucun de ces héroïques avocats de la cause antichrétienne n'osa sans doute publier, c'est que les Samiens ne furent pas plus tôt informés de l'arrivée de ces vingt-six chameaux à Scala-Nova, qu'ils débarquèrent aux douanes de ce port, où ils enlevèrent les munitions qui devaient servir à les foudroyer.

Pendant ce temps, un navire Spetziote coupait les vivres aux Turcs assiégés dans la place de Candie. Il avait aperçu, en relâchant à Standia, deux bricks ottomans occupés à transborder des provisions de bouche sur trois navires anglais, qui devaient les consigner au serasker Hassan pacha. Il

s'en empara (quoique les connaissements fussent au nom de la maison anglaise Briggs d'Alexandrie) il saisit également les transports ennemis, en donnant, pour prix du fret, aux bâtiments étrangers, quelques tonneaux de marchandises, ainsi que les esclaves turcs qu'il leur abandonna.

Le héraut des bazars de Smyrne, en rapportant cette mésaventure, s'en dédommageait en annonçant qu'il venait de partir pour Constantinople dixhuit compagnies de cinquante hommes chacune, pour grossir l'armée destinée à agir contre les Hellènes. C'étaient les contingents d'autant de Dérébeys ou princes des vallées de l'Anatolie, qui s'étaient rachetés à prix d'argent de l'honneur d'aller en personne moissonner des lauriers dans le Péloponèse, qu'on devait reconquérir (1).

Les palmes du mont Ida ne tentaient pas d'avantage les mahométans asiatiques, informés que les Crétois brûlaient tout ce qui était turc, dans la crainte que leurs soldats, en s'emparant des dépouilles des vaincus, ne répandissent la peste dans les campagnes. Depuis ces effroyables mesures sanitaires, les garnisons ottomanes épouvantées, n'osaient sortir des forteresses, où elles s'éteignaient en détail. Chaque jour la mortalité s'accroissait, quand l'insurrection en masse des habitants de Kissamos et de Sélino, auxquels les Péloponésiens

(1) De ces dix-huit bayracks ou compagnies, il n'arriva à Constantinople que 72 hommes portant, à la vérité, les 18 drapeaux; le reste ayant déserté chemin faisant.

avaient envoyé des armes, dès qu'ils se furent emparés de l'arsenal de Nauplie, refoula ce qui restait de barbares, dans les forteresses de la Sude et de Spina-Longa.

Tel était l'état des choses au moment où l'harmoste Emmanuel Tombazis, ayant pris terre dans le golfe de Cydon avec deux mille Péloponésiens, établit son quartier-général à Saint-Théodore. Voulant justifier le titre de conciliateur dont il était revêtu, il s'empressa de proposer une capitulation aux Turcs renfermés au nombre de dix-huit cents à Castelli, fort situé sur le cap Spada, à l'occident de la Canée, et on entra en pourparlers. Comme il ne fut pas difficile de s'entendre, on convint, pour toutes conditions, de la remise immédiate de la place aux Crétois, et de l'échange des familles grecques qui se trouvaient à la Canée ainsi qu'à Rhétymos, contre les Turcs renfermés à Castelli. Emmanuel Tombazis se contentant de quatre otages pour l'exécution de la teneur de cette convention, les assiégés furent aussitôt embarqués à bord de quelques bâtiments anglais et sur un nombre suffisant de bateaux qui les transportèrent à la Ca

née.

Les affaires ne se passaient pas aussi tranquillement du côté de Sélino. Une population mahométane de huit mille ames s'y soutenait depuis la levée en en masse des paysans, quand les Turcs de la Canée, informés de l'état précaire de leurs co-religionnaires, résolurent de faire une trouée pour les délivrer. Ils savaient que Georges Polyanakis,

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