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pavillon partout favorable aux Grecs, M. de Bonald reprenait : «La France a fait ce qu'elle devait faire. « Le drapeau blanc, secourable au malheur, l'a cherché, et a offert un asyle à toutes les victimes « des déplorables évènements. Je m'honore, pour « la chambre, que ce soit un de ses membres qui « ait été chargé, dans le Levant, de cette honora« ble mission, qu'il a remplie avec autant de cou« rage que de zèle et d'humanité. Et si nos usages « l'eussent permis, j'aurais demandé, pour notre « honorable collègue, le contre-amiral Halgan, des « remercîments qui auraient été accueillis à l'una<< nimité (1). »

Envisageant la question sous un point de vue plus étendu, M. Lainé de Ville - Lévêque avait traité quelque temps auparavant (2) la question, en disant : « L'antique patrie des arts et du génie, « la Grèce a relevé son front belliqueux en invo«< quant le Dieu vengeur des peuples opprimés. Le «sang de ses pontifes et de ses vierges immolées << par les Turcs demandait vengeance. Des mains << long-temps meurtries par les fers ignominieux <«< de la plus cruelle servitude ont saisi avec trans« port un glaive glaive religieux. C'est sous l'étendard << auguste de la Croix que les Hellènes volent aux «< combats. La noble poussière des héros de la « Grèce s'est ranimée! elle a enfanté des légions de << braves! La victoire a déja plus d'une fois cou

(1) Id., id., dans le Moniteur de cette date. (2) Séance du 19 mars 1822.

<< ronné leurs efforts; et l'Europe, tristement livrée « à de frivoles intrigues, parle de la vaine légiti<«< mité d'un sultan, ennemi de l'Évangile, qui ne << se repaît que de larmes et de sang. »

Hélas! au moment où ces discours, ces voeux, ces hommages publics retentissaient au milieu du parlement français, la Grèce, qui avait inutilement imploré la pitié de l'Europe dans la langue de Socrate, ralliée sous le signe de notre rédemption, semblait toucher à son heure suprême. Personne n'avait succédé au général Halgan pour la bienfaisance, et les Hellènes, entourés d'ennemis altérés de leur sang, n'avaient plus de ressources que celles du désespoir. Khourchid pacha, la chose n'était que trop véritable, se trouvait à la tête d'une armée de plus de cinquante mille hommes prêts à fondre sur le Péloponèse. La flotte turque, dispersée après l'incendie du capitan pacha, s'était réunie à Ténédos, d'où elle se préparait à mettre bientôt à la voile pour entrer dans la mer Égée, lorsque l'acropole d'Athènes se rendit, le 23 juin 1822, par capitulation (1), aux Grecs, qui l'assié

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Le ministre de la guerre annonce aux Hellènes la nouvelle que les Turcs d'Athènes, voyant leur impuissance, et ne pouvant plus résister à nos armes, se sont rendus aux conditions suivantes.

Article 1er.

Ils remettront au pouvoir du gouvernement grec l'acropole, avec tous les canons, armes, etc., appartenant à la place.

geaient depuis plus de sept mois. Les mahométans qui manquaient d'eau s'étaient soumis aux conditions qui leur avaient été imposées par les commissaires du gouvernement Alexandre Axiotis et André Calamogdartis.

Les Turcs qu'on devait, aux termes de la capitulation, transporter en Asie, furent aussi bien accueillis qu'ils pouvaient l'être dans l'état d'exaltation où se trouvaient des hommes exaspérés par le récit des massacres de leurs frères de Chios. Les soldats grecs transportaient les vieillards, les femmes, les enfants, les malades sur leurs épaules dans le palais du Vaivode. On oubliait les maux d'un

II.

Ils remettront pareillement leurs armes, sans réserver même

un couteau.

III.

Tous les effets quelconques appartenant aux vaincus seront divisés en deux parts. L'une restera aux Turcs, et l'autre au pouvoir du gouvernement grec, qui disposera généralement de tous les immeubles, sans indemnité.

IV.

Tous les Turcs qui voudront se retirer en Asie y seront transportés aux frais du gouvernement hellénique.

La consignation de l'acropole a été faite le 10 juin ( vieux style) 1822.

Argos, 13 juin (v. st.) 1822.

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Signé, le ministre de la guerre, J. COLETTI; en l'absence du premier secrétaire, Démét. SARDELLIS.

Pour copie conforme :

Le secrétaire garde du sceau, Nicolo LURIOTTY,

long siége; ét le peuple cria au miracle, en voyant un ciel devenu d'airain depuis plus de deux mois se couvrir de nuages et répandre des torrents de pluie sur l'Attique. Vingt-quatre heures plus tôt la pluie remplissait les citernes de l'Acropole, et Athènes serait peut-être encore au pouvoir des Turcs. Les débris infortunés de la population de Chios abordaient en ce moment dans tous les ports de la Grèce, où les vents propices poussaient les barques qui les avaient arrachés à la mort. Trois cents femmes, toutes veuves ou orphelines, sans être accompagnées par un seul vieillard (car aucun n'était échappé au glaive des barbares), avaient pris terre à Cenchrée, et étaient entrées le même jour à Corinthe, couvertes de blessures. Les unes avaient la tête, le visage ou le sein balafrés de larges coups de sabre; d'autres portaient en écharpe leurs bras fracassés par des coups d'armes à feu; et toutes, avec la pâleur de la mort répandue sur leurs traits inanimés, ressemblaient à des spectres échappés du tombeau. La frayeur les glaçait encore; et elles avaient tant pleuré, que la source des larmes paraissait tarie dans leurs yeux à demi éteints au fond de leurs orbites. Elles n'avaient ni le courage, ni la force de rien demander. Satisfaites de camper sous quelques toiles qu'on tendit pour les préserver du serein, on les vit, en se retrouvant au milieu des Hellènes et en apercevant le labarum flottant dans les airs, lever les mains jointes au ciel, s'agenouiller et renaître par la douleur à la vie, en remerciant Dieu de les avoir soustraites au fer des bourreaux de leurs familles.

Il en débarquait également au Pirée, le jour de la capitulation de l'Acropole de Cécrops. Transférées à Athènes, le premier spectacle et les premières voix qui frappèrent leurs yeux et leurs oreilles, furent de voir des Turcs esclaves et d'entendre les chants de victoire à la Croix, répétés par l'écho de la caverne de Pán, auquel l'écho du Pnyx et de la tribune aux harangues répondait par les acclamations de patrie et de liberté. Le clergé, précédé de l'étendard sacré de notre rédemption, chantant des hymnes saints, s'acheminait entouré et suivi des fidèles vers les propylées en rendant graces au dieu des armées. Parvenus dans la citadelle, le Parthenon fut purifié par l'archevêque, et consacré à la vierge mère de Jésus-Christ; ainsi, le dieu inconnu fut de nouveau glorifié sous les portiques du temple de Minerve, après tant de siècles de blasphèmes, qui avaient changé son temple en mosquée.

Les édifices n'avaient pas été endommagés, à l'exception de la Cella, partiellement démolie par les Turcs qui en avaient arraché le plomb employé à sceller les marbres, pour en faire des balles. Les monuments de Pandrose et d'Erechtée n'avaient, depuis les dévastations du lord Elgin, éprouvé aucun nouveau dommage par l'effet du bombardement qui s'était réduit à un bruit insignifiant (1).

(1) On n'en serait pas même venu à cette extrémité, sans les intrigues du corse Origoné, consul de Hollande. Chaque jour, à la faveur d'un pavillon qu'il déshonorait, il faisait des signaux aux assiégés pour les tenir au courant des travaux des assié

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