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l'aventure, tombaient en accusant de mauvais génies de les obséder, tandis que des brigands, attentifs à profiter des dépouilles des morts et des mourants, entassaient des monceaux d'armes, de pelisses, de turbans et de ceintures sur lesquels ils expiraient, furieux de se voir ravir par d'autres le prix de leurs crimes. Ailleurs des soldats mettant les magasins au pillage s'enivraient et se disputaient des vivres devenus plus précieux que l'or et les objets de la cupidité ordinaire des hommes.

La peste exerçait ses ravages depuis dix-huit jours, quand Moustaï pacha et les chefs de l'armée ottomane résolurent de lever les siéges de Missolonghi et d'Anatolico qu'ils battaient inutilement depuis un mois. Voulant faire des adieux dignes de leur barbarie aux Étoliens, ils ordonnèrent de couper les oliviers qui couvrent les flancs du mont Aracynthe. Six mille pieds de ces arbres tombèrent sous la hache de leurs soldats, et ayant mis le feu aux barques ainsi qu'aux radeaux qui se trouvaient à Tzambaraki, ils partirent le 17 novembre (v. s.), en se dirigeant sur Vrachori.

Arrivés à ce campement, les visirs Moustaï et Omer Briones firent évacuer le dépôt général. qui se trouvait à Catochi, qu'on embarqua à la destination de Prévésa et de Salagora, échelles principales du golfe Ambracique. Abandonnant ensuite canons, mortiers, projectiles, et tout ce qui n'était pas susceptible d'être transporté, l'armée mahométane, réduite au tiers, passa l'Achéloüs au gué de Stratos. Arrivée à Olpé, Omer Brionès s'embarqua pour

Prévésa, après avoir révélé à son collègue Moustaï pacha que la Porte Ottomane avait le dessein formel de le faire décapiter, et de se tenir sur ses gardes. Pour moi, dit-il, on verra à quel prix je livrerai ma téte, qui est proscrite comme la tienne par les intrigues de Méhémet Ali d'Égypte.

Tels furent, dans la Grèce occidentale, le résultat de la campagne de l'année 1823 et la dernière entrevue des deux satrapes réunis pour éteindre la sainte rébellion de la Croix dans le sang de ses glorieux défenseurs.

Moustaï pacha, poursuivant sa retraite après cet entretien, s'arrêta à l'Arta, où il introduisit la peste. Il se mit quelques jours après en route pour regagner l'Illyrie; mais à peine arrivé à Coumchadèz, ses soldats, qui s'étaient écartés pour piller les villages, furent chargés avec une telle vigueur par les Épirotes, qu'un grand nombre ne reparurent plus sous ses drapeaux. Attaqué bientôt après à Mougliana par les montagnards de Lacca, qui s'étaient cantonnés dans les forêts voisines de la Selléide, il perdit une grande partie de ses bagages. Enfin assailli par Ismaël Podèz, ancien sélictar d'Ali pacha, qui venait de se révolter, ce ne fut qu'en faisant le coup de fusil qu'il parvint à entrer, au bout de six jours de marche, à Janina, tant son armée était accablée de maux. Il y apporta la contagion qu'il répandit dans la vallée de l'Aous, au sein des villages du Musaché, sur les rives du Drin et à Scodra, où il n'était pas encore arrivé que le canon

de la victoire annonçait l'apparition d'une escadre grecque sur les rivages de l'Étolie.

Mavrocordatos, nommé commandant de la Hellade occidentale, abordait à Missolonghi où il apportait l'abondance et le règne des lois. Colocotroni, à la tête de huit mille hommes, sortait de l'Élide pour attaquer Patras. Un brick Spetziote, commandé par le navarque Colombotes, foudroyait une corvette algérienne aux attérages d'Ithaque. Les Étoliens et les Acarnaniens sortis des îles Téléboënnes, des forêts, du sein des lacs, ou descendus des montagnes qui leur avaient servi d'asyle, rentraient dans les campagnes. Les dissensions publiques avaient cessé dans le Péloponèse. Le sénat hellénique rassemblé à Astros discutait les moyens de régulariser un emprunt que des commissaires devaient être chargés d'aller négocier en Angleterre. L'attention publique, tournée vers l'île d'Eubée, suivait les pas d'Odyssée. On avait éprouvé des revers en Crète, mais ils étaient réparables. La mer Égée était libre, et la campagne prête à finir ne pouvait plus offrir que des résultats prospères, lorsqu'on apprit que l'amiral Miaoulis Vocos venait d'obtenir un grand succès dans les parages orageux du golfe Pagasétique.

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CHAPITRE VII.

Bruits avant-coureurs d'une victoire navale remportée par les Grecs. Capitulation de Trikéri. Sommation du capitanpacha adressée aux Grecs de Skiatos.

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Attaque infructueuse contre cette île.

Refus qu'il éprouve.

Cause de la dé

fection d'Ismaël Podèz. Arrivée de la flotte ottomane dans le golfe Pagasétique. Cérémonie funèbre en l'honneur du

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souverain pontife Pie VII, célébrée par les Grecs. L'amiral Miaoulis Vôcos s'empare d'un convoi turc; attaque la flotte ottomane, — la bat et la disperse. Rentrée du capitan-pacha aux Dardanelles. -Excursions des marins de l'Archipel. Captures et esclaves qu'ils font. - Odyssée rentre en campagne. Retraite de Bercofezli Jousouf pacha sur Larisse.Débarquement d'Odyssée dans l'île d'Eubée. - Turcs surpris et battus. Siége de Carystos et d'Érythrée. Désastres, revers et succès des Crétois. Proclamation de Thomas Maïtland. Sa mort. Allégresse des Grecs. - Disgrace d'Aboulouboud. Révolution de sérail. Ministres étranglés. Remarques de Georges Tourtouris sur les affaires des Grecs. - Secours qu'ils reçoivent. Arrivée de lord Byron

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à Missolonghi. Décret relatif à la publication d'un journal périodique. Envoi de troupes à Psara et en Crète. Considérations générales.

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u moment où les Grecs voyaient s'éloigner les barbares, le bruit se répandit parmi les soldats qui composaient la garnison de Missolonghi, que l'amiral Miaoulis Vôcos avait battu les Turcs dans les parages de Volo. On citait, à l'appui de cette nouvelle, un fait plus décisif que l'apparition d'un caducée

apporté par les flots (1) sur la plage de Mycale, qui annonça la victoire de Platée aux Grecs, le jour où ils battaient les Perses dans cette partie de l'Asie-Mineure. C'était la disparition de l'escadre barbaresque qui avait quitté subitement les rivages de l'Étolie. On conjecturait, d'après cela, que le capitan-pacha était en fuite, et peu de jours s'étaient écoulés lorsque des barques venant du Péloponèse publièrent le récit des évènements qui s'étaient passés dans la Grèce orientale ainsi que dans la mer Égée.

Lors de l'arrivée de la flotte ottomane qui avait ravitaillé les forteresses de Cara-Baba, d'Érythrée et de Carystos, les Grecs de Trikéri avaient accédé à une espèce de neutralité proposée par le visir de Larisse. Il avait été réglé que leur ville ne recevrait point garnison mahométane, mais qu'elle cesserait de faire cause commune avec les Hellènes, et qu'elle paierait une redevance à titre d'hommage au sultan. En vertu de cette convention les partisans de l'indépendance s'étaient éloignés, et on serait resté tranquille si on n'avait pas appris la nomination d'Aboulouboud pacha au poste de Romili Vali-cy; évènement qui mettait chacun dans la nécessité de se prémunir contre la férocité d'un barbare accoutumé à ne rien respecter.

Les Trikériotes s'occupaient, sans montrer rien d'hostile, à pourvoir à leur sûreté, quand des si

(1) Voy. Hérodote, Calliope, c. 100.

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