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On s'occupa ensuite à mettre la citadelle en état de défense. Les citernes furent nettoyées, le puits existant dans le théâtre d'Hérode Atticus fut réparé, et on joignit au système des fortifications de l'enceinte, par une batterie pratiquée à l'angle de la caverne de Pan, la source mentionnée par Pausanias, qu'on retrouva au moyen des indications de cet historien. Ainsi, ce fut au guide le plus sûr des voyageurs qui étudient la Grèce, qu'on fut redevable de découvrir ce puits contesté, dont les eaux suffiront désormais à la garnison d'une place qu'on peut regarder maintenant comme le boulevard de l'Attique.

La réduction de l'Acropole ne pouvait arriver plus à propos: car, indépendamment des pluies d'orage qui auraient rempli ses citernes, de funestes divisions étaient au moment d'éclater entre les chefs des Hellenes chargés de défendre le pas des Thermopyles.

D. Hypsilantis, que des vues étrangères à l'intérêt de la patrie avaient entièrement dépopularisé (1), avait été, comme on l'a dit, envoyé de nouveau à l'armée de la Grèce orientale. Arrivé dans la Béotie avec le brave Nicétas, à la tête de quelques

geants, soit que ceux-ci travaillassent aux mines, ou préparassent des attaques qui, en hâtant la capitulation, auraient épargné bien des maux à ceux qu'il servait avec tant de zèle.

(1) Il ne parlait depuis quelque temps que du gouvernement russe, en donnant définitivement à entendre qu'il était son délégué, et il n'en fallut pas davantage pour le décréditer.

milliers de Péloponésiens, les stratarques se concertèrent pour débusquer les Turcs des positions qu'ils occupaient sur la frontière. On venait d'apprendre l'arrivée de Khourchid pacha à Larisse, et la question de la lutte entre les opprimés et les oppresseurs n'avait jamais été aussi compliquée qu'elle se présentait au commencement du mois de juillet 1822. A la vérité on avait brûlé le vaisseau du capitan pacha, obtenu de grands avantages maritimes, pris l'Acrocorinthe et Athènes, battu Dramali aux environs du Sperchius; mais Khourchid comptait sous ses drapeaux trente - cinq mille hommes de cavalerie et plus de douze mille fantassins. La flotte turque, qui s'était ralliée à Ténédos, devait reparaître plus formidable qu'auparavant dans la mer Égée. On l'attendait sur les côtes occidentales du Péloponèse afin de lier ses opérations avec celles d'Omer Briones, à moins que Mavrocordatos n'obtînt des succès assez marquants pour tenir ce vaillant pacha isolé dans l'Épire. Il y avait urgence pour prendre un parti décisif.

Odyssée, bon juge du terrain qu'il était chargé de défendre, ayant prouvé la nécessité de prévenir les desseins du serasker Khourchid, en démontrant qu'il fallait à tout prix l'empêcher de franchir les montagnes, proposa de prendre l'offensive. Ce genre de guerre convient au caractère bouillant des Grecs. Il fut convenu qu'il attaquerait la position importante de Fourca, située à quelques milles de Zeitoun, que les Turcs avaient retranchée et fortifiée. D'après ce plan, D. Hypsilantis

devait se porter sur les derrières des Turcs, et l'ennemi pris entre deux feux ne pouvait manquer d'être délogé de son camp. Il était probable qu'à ce signal l'armée ottomane de Larisse entrerait en campagne; mais au lieu de pénétrer dans le Péloponèse, elle allait se trouver engagée dans une guerre de montagnes. La nombreuse cavalerie qui faisait sa principale force, lui devenant alors inutile, on viendrait facilement à bout de son infanterie, et les barbares, sans cesse harcelés, seraient bientôt forcés de se replier sur la Thessalie.

D'après ces considérations Fourca fut attaqué par Odyssée et Gouras. Odyssée s'y porta avec sa valeur accoutumée; mais, ne s'étant pas trouvé secondé par D. Hypsilantis, sans qu'on sache encore pourquoi, il ne parvint à en chasser les Turcs qu'en perdant un grand nombre de ses palicares et un de ses cousins qu'il chérissait.

Cet avantage, chèrement acheté par Odyssée, qui n'avait pas encore éprouvé de pertes aussi considérables, l'irrita au point d'éclater en injures contre Hypsilantis, dès qu'il le revit au milieu des stratarques, où il l'apostropha, dit-on, à la manière des héros d'Homère. Non content de lui reprocher de n'être venu, ainsi que ses pareils, dans la Grèce que pour l'exploiter dans des vues particulières à quelques familles soi-disant princières, imbues de l'idée de gouverner sous la suzeraine protection d'une puissance funeste aux Grecs, il ne ménagea ni les menaces, ni les expressions du mépris qu'il professait pour les Grecs du Phanal.

« Tu dédaignais, dit-il à Hypsilantis, naguère jusqu'au titre de président dont nos compatriotes t'avaient honoré, en évitant de l'accoler au pro<<< tocole de tes vaines proclamations. Tu as persisté << trop - long temps pour n'être pas démasqué, à <<< te dire le commissaire, l'agent de ton frère Ale<< xandre, qui se qualifiait de représentant, de régent << et de lieutenant-général de la Grèce. Qui lui avait « conféré ces titres? en vertu de quel mandat agis<«< sait-il? que signifiait cette Hétérie, ces couleurs << et ces serments mystérieux qu'il a sí mal tenus? « Le malheureux! entouré comme toi de saltimban«ques et d'orateurs, il n'a su ni vaincre ni mourir! << Pour cacher ton dépit, tu prends maintenant le << nom de patriote : patriote ! tu ne l'es pas plus que << Grec; et tout barbares que sont nos palicares, <«< aucun de nous n'est un parvenu en fait de gloire.

« Phanariote, né pour servir et pour opprimer, « écoute la Croix, voilà notre maître. Cette terre « arrosée de notre sang, cette terre nourricière de « nos aïeux, cette terre qui possède leurs tombeaux, « voilà notre patrie..... Elle te désavoue ainsi que << nos palicares morts par ta faute, qui t'accusent << peut-être dans ce moment devant le tribunal de << Dieu. >>

Au lieu de répondre en soldat à cette diatribe virulente, D. Hypsilantis, quoique personnellement brave, mais toujours de cette caste Phanariote accoutumée à attaquer son ennemi par des souterrains, se hâta d'adresser au sénat de Corinthe un rapport de ce qui s'était passé entre lui et Odys

sée. Il s'y plaignait avec une amertume mêlée d'aigreur de son antagoniste, qu'il qualifiait de barbare, qui n'avait pour mérite qu'une valeur brutale; d'homme violent, sans frein, sans réserve, et sans aucun sentiment de soumission aux lois.

On connaissait assez généralement Odyssée sous quelques-unes de ces désignations; et le récit d'Hypsilantis n'ayant pas manqué d'être envenimé par l'archigrammatiste Théodore Négris, il lui fut facile de faire prendre une détermination humiliante contre le bouillant stratarque épirote.

On lui intima l'ordre de se rendre à Corinthe pour répondre à plusieurs chefs d'accusation portés contre sa conduite. N'ayant pas obéi à cet appel, on lui retira le commandement de l'armée (1), et on nomma à sa place le chiliarque Christos Palascas, qui partit accompagné du trop fameux Zagorite Alexis Noutzas pour se rendre en Livadie.

Quoiqu'on accordât du mérite à Palascas, qui avait obtenu le grade de major d'artillerie au service de Russie, il avait le malheur d'être fils de celui qui trahit autrefois les Souliotes en livrant leur patrie. Comme il est rare que les fautes qui devraient être personnelles ne rejaillissent pas sur le fils d'un traître, surtout dans un pays où les ressentiments sont aussi ardents que le climat, le sénat de Co

(1) On assure que ces commissaires étaient porteurs d'une espèce de firman de mort contre Odyssée, et des renseignements qui nous sont parvenus permettent de donner croyance à cet acte irrégulier.

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