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la marche des évènements, quand il donna l'ordre de rétrograder vers Placa. L'Épire mahométane s'était levée en masse à son approche; les Schypetars qui avaient déserté les drapeaux de Khourchid, ralliés au cri du danger, s'avançaient, conduits par Achmet Briones, neveu d'Omer, et par Hago Bessiaris.

Le jour des SS. Apôtres, 30 juin, correspondant au 12 juillet, ainsi que le porte une lettre de Marc Botzaris, les Grecs furent attaqués au point du jour par un ennemi qui leur était dix fois supérieur. Les plus vaillants soldats, choisis entre les Guègues et les Toxides, marchaient à l'avant-garde, sans bruit, sans vociférations, mais au milieu d'un feu nourri, qui ne montrait que trop qu'on n'avait pas affaire à des osmanlis. Cependant, après une lutte opiniâtre, qui avait duré pendant quatre heures, la victoire penchait en faveur des chrétiens, quand les mahométans ayant été renforcés de troupes fraîches, Achmet Brionès rétablit le combat.

Pénétrant au milieu des insurgés, qui combattaient par groupes, il parvint à isoler et à attaquer les embuscades de Botzaris, d'Alexis Nacopoulos, de Démétrius Contébédia, de Déizygotis, et de Boucovallas, petit-fils du célèbre armatolis de ce nom, qui venait de descendre du Pinde; dé façon que, se trouvant placés entre deux feux, ils durent songer à la retraite. Comme ils étaient maîtres des hauteurs, ils réussirent à retirer de la mêlée les corps du capitaine Douraxis et de plu

sieurs chefs, qui avaient été tués. Le taxiarque Tassos remporta également ses morts ainsi que ses blessés, à la vue des Turcs, qui perdirent dans cette affaire Hassan Tomoritza, dervendgi d'Artą, et plusieurs officiers de marque. Les Grecs ayant ensuite donné le signal de dispersion, Marc Botzaris, avec trente-deux des siens, reprit la route d'Arta, tandis que les autres capitaines regagnaient les montagnes de l'Athamanie.

Les Grecs, qui avaient si vaillamment combattu, s'étant enfuis avec la rapidité des chevreuils, car, ainsi qu'au siècle de Thésée, les montagnards de la Hellade surpassent encore les autres hommes en force de bras et en légèreté de pieds (1), leur défaite ne tarda pas à être connue de Routchid Achmet et d'Ismaël Pliassa, pachas qui commandaient à l'Arta.

Omer Briones, qui leur transmettait cet avis, leur ordonnait d'attaquer Mavrocordatos, en les assurant que, réduit aux forces qu'il avait amenées du Péloponèse, il ne serait plus secouru par aucun des capitaines chrétiens de l'Épire. Déja les insurgés de Godistas, informés de la catastrophe d'Alexis Noutzas, leur ancien primat, dont on attribuait la mort à Odyssée, étaient rentrés dans leurs montagnes, en déclarant qu'ils se séparaient de la cause des insurgés. On comptait sur la neutralité de Stournaris, qui commandait dans les vallées de l'Achélous. On était en traité avec Gogos,

(1) Plut. in vitâ Thes., c. VI.

auquel on promettait le commandement de l'Athamanie entière; et on pouvait espérer de le corrompre, de sorte qu'il ne s'agissait plus que d'exterminer les étrangers pour reconquérir l'Épire. Quant aux Souliotes, Omer avait à peu près la certitude de les réduire de gré ou de force.

Dans cet état de choses, le corps d'armée de Mavrocordatos, n'aspirant plus qu'à se maintenir dans la position qu'il occupait, et bornant son entreprise à la possession d'Arta, on pensa à mettre tout en œuvre pour obtenir ce dernier résultat. Déja on ne se procurait plus de vivres qu'avec peine, lorsqu'on se décida profiter du secours d'un aventurier nommé Passano, qui commandait deux chaloupes canonnières sur le golfe Ambracique, afin de transporter l'artillerie, dont on manquait. On expédia ensuite le lieutenant Raybaud (1) dans l'Étolie, pour amener d'autres canons qu'il devait faire traîner jusqu'au port d'Olpé, d'où Passano les aurait apportés par mer à Copréna, échelle de Comboti. Mais il en fut de ce projet comme de ceux dont on s'était imprudemment flatté. L'artillerie resta au lieu où elle se trouve encore. Les chaloupes canonnières furent captu

(1) Il n'a jamais eu que ce rang dans un régiment d'infanterie française; quant aux titres de colonels et autres grades, que s'arrogent les Philhellènes, ils proviennent de brevets que les Grecs accordaient à peu près à tout venant, sans y attacher aucune importance. Aucun étranger n'a jamais commandé en titre, mais auxiliairement; car ne sachant pas la langue, comment aurait il pu se faire comprendre et être obéi?

rées par les armements du capitana-bey, qui se contenta de faire mettre aux fers Passano, carbonaro armé précédemment dans l'intérêt d'Ali pacha, sujet indigne de mêler son nom à ceux des illustres soldats de la Croix.

On n'avait pas connaissance de ces faits, lorsque le 15 juillet Mavrocordatos, qui se trouvait à Langada, informé des desseins des Turcs, assembla un conseil de guerre, pour aviser aux moyens de défendre le village de Péta. Les revers de Marc Botzaris démontraient qu'il fallait s'attendre à être attaqué. Il était évident qu'on ne serait plus en mesure de reprendre l'offensive, à moins qu'une victoire signalée, en relevant le courage des Grecs, ne ramenât sous les drapeaux de la Croix les capitaines épirotes qui étaient dispersés dans les montagnes de l'Athamanie. Ceux de l'Acarnanie n'arrivaient pas; et comme on ne pouvait ni avancer ni reculer sans combattre, on prit les dispositions convenables pour tirer le meilleur parti possible de la fausse position dans laquelle on s'était engagé.

Il fut ainsi résolu que le taxiarque Gôgos occuperait une hauteur qui commandait la position de Pèta. Dîmo Alios et quelques autres furent jetés en éclaireurs sur les hauteurs. On plaça ensuite à l'aile droite le colonel Rameau, avec le premier bataillon des troupes régulières, qui était fort de trois cents hommes. Le centre fut composé du corps des Philhellenes, à la tête desquels se trouvait le colonel Tarella, Piémontais d'origine, avec le chef d'es

cadron Dania, natif de Gènes, qu'on fit flanquer par la brave compagnie des Céphaloniens, race d'hommes intrépides, qui servaient depuis près d'un an, sous les ordres de leur compatriote Spiro Panos. On dispersa deux compagnies grecques en tirailleurs, aux environs d'une réserve établie sur une éminence en arrière de Pèta; et le front de bataille fut couvert par deux pièces de canon de campagne, qui composaient toute l'artillerie des insurgés. La retraite, à laquelle des officiers aussi expérimentés que ceux qui se trouvaient parmi les Philhellènes ne pouvaient manquer de penser, fut ménagée, au moyen d'un poste par lequel on fit garder le défilé qui conduit à Langada. Telles furent sommairement les dispositions des Hellènes et des étrangers présents à Pèta, au nombre de deux mille environ, non compris la bande de Gôgos, et la réserve, qu'on avait laissée à Langada, où se trouvaient Mavrocordatos et plusieurs officiers.

Les pachas Routchid Achmet et Ismaël Pliassa, qui avaient hésité à attaquer le corps campé au voisinage d'Arta, qu'ils croyaient composé de forces considérables, étant mieux informés, et encouragés par ce que leur mandait Omer Brionès, se portèrent le 16 juillet contre Pèta, qu'il attaquèrent au point du jour. Une division considérable commença le combat contre le premier bataillon de troupes régulières, qui reçut les barbares avec ce calme qu'inspire la discipline aux soldats tacticiens. Cependant ils n'ébranlèrent pas l'ennemi, qui s'obstinait à s'emparer d'une petite église, si

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