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DE LA RÉGÉNÉRATION

DE LA GRÈCE,

COMPRENANT

LE PRÉCIS DES ÉVÈNEMENTS

DEPUIS 1740 JUSQU'EN 1824.

PAR F.-C.-H.-L. POUQUEVILLE,

ANCIEN CONSUL GÉNÉRAL DE FRANCE AUPRÈS D'ALI PACHA DE JANINA, CORRESPONDANT
DE L'ACADÉMIE ROYALE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE L'INSTITUT DE FRANCE,
ASSOCIÉ DE L'ACADÉMIE ROYALE DE MARSEILLE, DE L'ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE
DE PARIS, DE L'ACADÉMIE IONIENNE DE CORCYRE, DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE
BONN, A BAS-RHIN, CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LÉGION-D'HONNEUR.

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CHEZ FIRMIN DIDOT PÈRE ET FILS,

LIBRAIRES, RUE JACOB, No 24.

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MDCCCXXV.

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DE LA RÉGÉNÉRATION

DE LA GRÈCE.

LIVRE HUITIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

Khourchid tourné ses armes contre Souli. - Prise de Régniassa.

- Douleur des Souliotes. — Punition de deux de leurs capitaines.— Plan de défense des Grecs. - Affaire du 29 mai. Combat du 30.-Anxiétés des chrétiens, —Combat du 31; ils perdent leurs positions. Prise du village de Souli par les Turcs; ils sont repoussés à Samoniva.—Traits particuliers d'audace. Fidélité admirable d'un vieux Osmanli. - Manière de combattre des parties belligérantes. Choc du 1er juin. — Arrivée de Khourchid à l'armée. - Négociations

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- Assaut du 7 juin. - Résolution terrible des Souliotes. Courage de leurs femmes, qui s'organisent militairement. -10 juin, reprise des hostilités.—12 juin, victoire des Grecs; s'emparent du cheval de bataille d'Omer Brionès; -ses regrets. Injures mutuelles des combattants. -Déroute des - Osmanlis prisonniers. Retour de Khourchid à Son entrevue avec l'archevêque Gabriel. Son départ et son arrivée à Larisse.

-Turcs.
Janina.

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Le ciel avait exaucé les voeux des guerriers de la Selleïde. Rassuré par la promesse que le lord haut

commissaire des îles Ioniennes, Thomas Maïtland, lui avait donnée d'empêcher les vaisseaux d'approcher des côtes de l'Épire et de l'Acarnanie, Khourchid s'était décidé à attaquer Souli avant de se porter contre la Morée; et pour régulariser ses opérations, il résolut de s'emparer de Régniassa (1).

C'était le point principal de communication des Souliotes avec les Hydriotes; il n'y avait pour le défendre qu'une tour qui renfermait une garnison de cinquante-trois soldats, commandés par les capitaines Perevos, Costas Timolas et Kitzos, contre lesquels on envoya un corps de quatre mille hommes, sous la conduite d'Achmet Brionès, neveu d'Omer pacha. Il avait ordre d'employer la voie des armes ou de la corruption afin de se rendre maître de Régniassa; et comme les chrétiens n'étaient pas assez nombreux pour venir à sa rencontre, il les attaqua avec deux pièces de campagne qu'il traînait à sa suite. Les assiégés firent bonne contenance; mais après quelques combats dans lesquels il y eut du côté des Turcs douze soldats tués et trente blessés, Achmet Brionès ayant parlé d'argent, les Souliotes, qui n'avaient perdu qu'un seul homme, manquant d'eau à cause du mauvais état des citernes, consentirent à traiter. Ils dictèrent la capitulation. Elle portait qu'ils recevraient quarante mille piastres turques pour solde de leurs services pendant le siége de Janina, et qu'ils rentreraient à Souli avec armes et bagages.

(1) Régniassa. T. II, p. 1, 4, 39, 111; t. III, V, p. 184, 185, de mon Voyage dans la Grèce.

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Ces conditions furent acceptées. Ils partirent. Ils livrèrent un poste qu'ils avaient juré de défendre jusqu'à la mort, sans que les tombeaux de ces femmes généreuses qui s'ensevelirent sous les ruines de la tour de Régniassa en 1802 (1), pour se dérober à l'ignominie de tomber au pouvoir des Turcs, réveillassent en eux aucun sentiment de gloire.

Ω ΜΕΓΑ ΠΕΝΘΟΣ ΣΕΛΛΑΙΩΝ, Ω ΓΗΣ ΑΠΕΙPOTAN! ó douleur des Souliotes! ó terre d'Épire! s'écria le polémarque Nothi Botzaris, en recevant la lettre qui lui donnait avis d'une pareille transaction. Il fait défendre à la garnison de Régniassa, qui se trouvait au pont de l'Achéron, de monter à Sainte-Vénérande. Il envoie en même temps un détachement de palicares pour la désarmer; Costas Timolas et Kitzos sont mis aux fers, leurs maisons sont peintes extérieurement en noir depuis les combles jusqu'aux fondements, en signe de deuil. Les femmes s'arrachent les cheveux en demandant le divorce. Comment, disaient-elles, nous présenter à l'avenir devant nos compagnes? De quel front pourrions-nous soutenir leurs regards? Qui d'entre nous oserait aller aux citernes, où nous ne serions admises qu'avec dédain à puiser de l'eau (2)? Assises aux derniers rangs dans les églises du Seigneur, délaissées comme des lépreuses et des ex

(1) Voy. liv. I, ch. v de cette Histoire.

(2) L'usage voulait que les femmes des Souliotes qui s'étaient déshonorés par quelque acte de lâcheté, ne fussent admises que les dernières à puiser de l'eau aux fontaines publiques, et elles devaient céder partout le pas aux épouses des braves.

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