Il était ici de leur avantage de mettre en pratique le principe que Virgile a dit être celui de leur politique : << Parcere subjectis et debellare superbos. »> César ne chercha qu'à calmer et se concilier les esprits, à rendre le joug le plus tolérable qu'il était possible, et la petite colonie biturige put bientôt s'accroître et prospérer sous la protection des vainqueurs. Preuves de cette origine. II Cette colonisation celtique dont nous avons, au chapitre précédent, raconté l'établissement sur les bords de la Garonne, reçut le nom de Burdegala ou Burdigala, dont on a fait celui de Bordeaux. Bien que plus modernes que quelques autres villes de l'Aquitaine, les origines de Bordeaux n'ont pas laissé que d'embarrasser la plupart des auteurs qui ont écrit sur son histoire. Quelques-uns ont cherché à faire remonter sa fondation à une époque bien antérieure à celle que nous lui avons assignée; mais, cette opinion, qui n'est pas même dis cutable, ne peut s'appuyer que sur des conjectures qui n'ont pas une apparence de fondement. - Dom Devienne, dont le sentiment se rapproche beaucoup du nôtre, quant à la provenance étrangère des premiers fondateurs de Bordeaux, dit pourtant que leur arrivée dans le pays des Boïens peut être l'objet de bien des conjectures. Ayant minutieusement porté notre attention sur toutes les circonstances des guerres et de l'invasion des Gaules. par les Romains, nous avons assurément fixé la date précise et indiqué les causes et les auteurs de la fondation de Bordeaux. Nous allons maintenant corroborer notre opinion par le témoignage des écrivains et par celui plus irrécusable encore des monuments de cette ville. Strabon est le plus ancien auteur qui ait parlé de Bordeaux. Mais, un fait à constater, préalablement, c'est que, immédiatement après la pacification des Gaules, on désigna les habitants du Bordelais par le nom de Bituriges vivisci, et ceux du Berri par celui de Bituriges cubes. L'étymologie de ces deux mots suffirait seule à indiquer combien est fondée notre opinion, vivisci venant de vivisco, je vis, — et s'appliquant parfaitement à un peuple vivant au milieu d'une population étrangère, - par opposition au mot cubii qui implique une position plus adéquate, l'idée d'une plus proche adhérence au sol. Voici maintenant le passage de Strabon « Garumna, tribus auctus fluminibus, effluit inter Bi>> turiges-Joscos et Santones, gentes gallicas. - Sola enim >> Biturigum istorum ea gens in Aquitanis peregrina degit, » neque de eorum est corpore. Et habet emporium Burdi >> galam, impositum paludi marinæ, quam Garumnæ os>> tium efficit. >> (Strabonis geographia. Lib. iv). » Saint Isidore, Vinet et Auteserre ont émis cette opinion, qui est la nôtre, que les Bituriges Vivisques étaient une colonie de Bituriges Cubes. Nous trouvons dans Auteserre le passage suivant : « Scimus Bituriges Viviscos a Biturigibus Cubis, gallica gente, profectos. - (Alteser. » rerum antiquit. L. 1, c. II.) » De plus, un écrivain célèbre du ive siècle, dont nous parlerons plus loin, Ausone, dans son poëme de la Moselle, se complaît à revendiquer son origine comme Bordelais, descendant ainsi des Vivisques Bituriges: « Hæc ego Vivisca ducens ab origine gentem! » - Enfin, et cette dernière preuve ne saurait plus admettre de contestation, lors de la démolition des Piliers de Tutèle, qui eut lieu en 1677,-on découvrit une plaque de marbre qui, · placée sur une espèce d'autel,—portait l'inscription suivante, laquelle n'était autre chose que la dédicace de cet antique monument : « Augusto sacrum et genio civitatis Bituricum Vivis» corum. — Dédié à Auguste et au génie protecteur de la » ville des Bituriges Vivisques! >> Donc, si Strabon, comme on le voit dans la citation qui précède, a nommé Bituriges Josques les habitants de Bordeaux, ce ne peut être que par erreur. Du reste, comme, dans ce passage, cet auteur parle de la Garonne, après que ce fleuve a reçu dans son sein le tribut de trois autres -- rivières, probablement le Tarn, le Lot et la Dordogne, — il peut y avoir confusion des Bordelais, Bituriges Vivisques, avec quelque autre petit peuple que Strabon nomme Josques, et qui, faisant partie des Meduli, Médocains, — habitaient la rive gauche de la Garonne au-dessous de Bordeaux, et après que ce fleuve s'est effectivement accru d'une troisième rivière, la Dordogne. elle a été Quant à l'origine du nom de Burdigala, l'objet aussi de bien des commentaires que nous omettrons. Nous nous bornerons à dire que l'étymologie que Marca a assignée à ce mot, dans son histoire de Béarn, nous paraît la plus rationnelle; - elle nous est une preuve de plus de la provenance déjà indiquée des premiers fondateurs et habitants de cette ville: - Burdigala viendrait de Burgo Galatico, bourg ou ville gaulois. Le mot burg, dérivé du grec, était en effet usité dans les Gaules; et, les Bituriges, fondateurs de Bordeaux, étaient bien évidemment des peuples venus de la Gaule celtique, - de Bourges. |