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Et puisqu'en même temps, pour le même fujet,
Nous avons, toutes deux, formé même projet,
Mettons dans ce débat la franchise en ufage,
Ne prenons l'une & l'autre aucun lâche avantage;
Et courons nous ouvrir ensemble à Licarfis
Des tendres fentimens où nous jette son fils.
EROXENE.

J'ai peine à concevoir, tant la furprise eft forte,
Comme un tel fils eft né d'un pere de la forte;
Et fa taille, fon air, fa parole & fes yeux,
Feroient croire qu'il eft iffu du fang des dieux;
Mais enfin, j'y foufcris, courons trouver ce pere,
Allons-lui de nos cœurs découvrir le mystére,
Et confentons qu'après, Mirtil, entre nous deux,
Décide, par fon choix, ce combat de nos vœux.
DAPHNE'.

Soit. Je vois Licarfis avec Mopfe & Nicandre,
Ils pourront le quitter, cachons-nous pour attendre.

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Cela ne fe dit pas comme vous le pensez.

MOPSE.

Que de fottes façons & que de badinage!
Ménalque, pour chanter, n'en fait pas davantage.
LICARSIS.

Parmi les curieux des affaires d'état

Une nouvelle à dire eft d'un puiffant éclat,

Je me veux mettre un peu fur l'homme d'importance, Et jouir quelque temps de votre impatience. NICANDRE.

Veux-tu, par tes délais, nous fatiguer tous deux ? MOPSE.

Prens-tu quelque plaifir à te rendre fâcheux?

NICANDRE.

De grace, parle, & mets ces mines en arriére.
LICARSIS.

Priez-moi donc tous deux de la bonne maniére,
Et me dites chacun quel don vous me ferez,
Pour obtenir de moi ce que vous defirez.
MOPSE.

La pefte foit du fat! Laiffons-le là, Nicandre,
Il brûle de parler, bien plus que nous d'entendre.
Sa nouvelle lui péfe, il veut s'en décharger;
Et, ne l'écouter pas, eft le faire enrager.

LICARSIS.

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Quoi ? Vous ne voulez pas m'entendre?

NICANDRE.

LICARSIS.

Non.

Hé bien,

Je ne dirai donc mot, & vous ne faurez rien.

Soit.

MOPSE.

LICARSIS.

Vous ne faurez pas qu'avec magnificence
Le Roi vient d'honorer Tempé de fa préfence;
Qu'il entra dans Lariffe hier fur le haut du jour;
Qu'à l'aife je l'y vis avec toute fa cour;
Que ces bois vont jouïr aujourd'hui de fa vûe,
Et qu'on raisonne fort touchant cette venue.
NICANDRE.

Nous n'avons pas envie auffi de rien savoir.
LICARSIS.

Je vis cent chofes là, raviffantes à voir.
Ce ne font que Seigneurs, qui, des piéds à la tête,
Sont brillans & parés comme au jour d'une fête,
Ils furprennent la vûe; & nos prés, au printemps,
Avec toutes leurs fleurs, font bien moins éclatans.
Pour le Prince, entre tous fans peine on le remarque,
Et, d'une ftade loin, il fent fon grand Monarque;
Dans toute fa perfonne, il a je ne fais quoi,
Qui d'abord fait juger que c'est un maître Roi.
Il le fait d'une grace à nulle autre feconde,
Et cela, fans mentir, lui fiéd le mieux du monde.
On ne croiroit jamais comme, de toutes parts,
Toute fa cour s'empreffe à chercher fes regards,
Ce font autour de lui confufions plaifantes;
Et l'on diroit d'un tas de mouches reluifantes,
Qui fuivent en tous lieux un doux rayon de miel.
Enfin, l'on ne voit rien de fi beau fous le ciel,
Et la fête de Pan, parmi nous fi chérie,
Auprès de ce fpectacle, eft une gueuferie.
Mais, puifque, fur le fier, vous vous tenez fi bien,
Je garde ma nouvelle, & ne veux dire rien.

MOPSE.

Et nous ne te voulons aucunement entendre.

LICARSIS.

Allez vous promener.

MOPSE.

Va-t-en te faire pendre.

SCENE I V.

EROXENE, DAPHNE', LICARSIS

LICARSIS fe croyant feul.

'Eft de cette façon que l'on punit les gens,

DAPHN

&

E'.

Le ciel tienne, Pasteur, vos brebis toujours faines. EROXEN E.

Cérés tienne de grains vos granges toujours pleines. LICARSIS.

Et le grand Pan vous donne à chacune un époux,
Qui vous aime beaucoup, & foit digne de vous.
DAPHN E'.

Ah! Licarfis, nos vœux à même but afpirent.
EROXEN E.,

C'eft pour le même objet que nos deux cœurs foupirent.
DAPHN E'.

Et l'amour, cet enfant qui caufe nos langueurs,
A pris chez vous le trait dont il bleffe nos cœurs.
EROXEN E.

Et nous venons ici chercher votre alliance,
Et voir qui de nous deux aura la préférence.

Nymphes...

LICARSIS.

DAPHNE'.

Pour ce bien feul, nous pouffons des foupirs.
LICARSIS.

Je fuis...

EROXEN E.

A ce bonheur tendent tous nos defirs.

DAPHNE'.

C'est un peu librement exprimer fa pensée.

Pourquoi ?

Ah! Point.

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LICARSIS.

EROXEN E.

La bienséance y femble un peu bleffée.
LICARSIS.

DAPHNE'.

Mais, quand le cœur brûle d'un noble feu, fans nulle honte, en faire un libre aveu.

LICARSIS.

EROXEN E.'

Cette liberté nous peut être permife, Et du choix de nos cœurs la beauté l'autorife.

LICARSIS.

C'eft bleffer ma pudeur que me flater ainfi.
EROXEN E.

Non, non, n'affectez point de modeftie ici.
DAPHN E'.

Enfin, tout notre bien eft en votre puiffance.
EROXEN E.

C'eft de vous que dépend notre unique espérance.
DAPHNE'.

Trouverons-nous en vous quelques difficultés ?

Ah!

LICARSI S.

EROXENE.

Nos vœux, dites-moi, feront-ils rejettés?

LICARSIS.

Non, j'ai reçû du ciel une ame peu cruelle,

Je tiens de feu ma femme; & je me fens comme elle,

Pour

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