Images de page
PDF
ePub

ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

SCANARELLE, LISETTE.

Q

LISETT E.

UE voulez-vous donc faire, Monfieur, de qua→ tre médecins ? N'eft-ce pas affez d'un pour tuer une perfonne?

SGANARELLE.

Taifez-vous. Quatre confeils valent mieux qu'un. LISETTE.

Eft-ce que votre fille ne peut pas bien mourir fans le fecours de ces Meffieurs-là?

SGANARELLE. Eft-ce que les médecins font mourir ?

LISETTE.

Sans doute ; & j'ai connu un homme qui prouvoit par bonnes raifons, qu'il ne faut jamais dire, une telle perfonne eft morte d'une fiévre & d'une fluxion fur la poitrine, mais elle eft morte de quatre médecins, & de deux apoticaires.

SGANARELLE. Chut. N'offenfez pas ces Meffieurs-là.

LISETTE.

Ma foi, Monfieur, notre chat eft réchappé depuis peu d'un faut qu'il fit du haut de la maison dans la rue, & il fut trois jours fans manger, & fans pouvoir remuer ni piéd, ni patte; mais il eft bienheureux de ce qu'il n'y a point de chats médecins, car fes affaires

'étoient faites, & ils n'auroient pas manqué de le purger & de le faigner.

SGANARELLE.

Voulez-vous vous taire, vous dis-je ? Mais voyez quelle impertinence! Les voici.

LISETTE.

Prenez garde, vous allez être bien édifié. Ils vous diront en Latin que votre fille eft malade.

SCENE II.

Mrs TOMES, DES FON ANDRES, MACROTON,BAHYS, SGANARELLE,

LISETTE.

H

SGANARELLE.

E' bien, Meffieurs?

M. TOME S.

Nous avons vû fuffisamment la malade, & fans doute qu'il y a beaucoup d'impuretés en elle. SGANARELLE.

Ma fille eft impure?

M. TOME S.

Je veux dire qu'il y a beaucoup d'impureté dans fon corps, quantité d'humeurs corrompues.

SGANARELLE.

'Ah! Je vous entens.

M. TOME S.

Mais.... Nous allons confulter ensemble

SGANARELLE.

'Allons, faites donner des fiéges.

LISETTE à Monfieur Tomes.

'Ah! Monfieur, vous en étes?

SGANARELLE à Lifette.

De quoi donc connoiffez-vous, Monfieur ?

LISETT E.

De l'avoir vû l'autre jour chez la bonne amie de Ma dame votre niéce.

[blocks in formation]

Je ne fais pas fi cela fe peut ; mais je fais bien que cela eft.

M. TOME S.

Il ne peut pas être mort, vous dis-je.

LISETT E.

Et moi, je vous dis qu'il eft mort & enterré.

M. TOME S.

Vous vous trompez.

Je l'ai vû.

LISETTE.

M. TOME S.

Cela eft impoffible. Hippocrate dit que ces fortes de maladies ne fe terminent qu'au quatorze, ou au vingt-un ; & il n'y a que fix jours qu'il eft tombé ma❤ lade.

LISETTE.

Hippocrate dira ce qu'il lui plaira; mais le coche eft mort.

SGANARELLE.

Paix, difcoureufe. Allons, fortons d'ici. Meffieurs,

je vous fupplie de confulter de la bonne maniére. Quoique ce ne foit pas la coûtume de payer aupara→ vant, toutefois, de peur que je ne l'oublie, & afin que ce foit une affaire faite, voici...

(Il leur donne de l'argent, & chacun, en le recevant, fait un gefte différent.)

SCENE III.

MESSIEURS DES FONANDRES, TOMES, MACROTON, BAHYS.

(Ils s'affeyent & toussent.)

M. DES FONANDRES.
Aris eft étrangement grand, & il faut faire de
longs trajets, quand la pratique donne un peu.
M. TOME S.

Il faut avouer que j'ai une mule admirable pour cela, & qu'on a peine à croire le chemin que je lui fais faire tous les jours.

M. DES FONANDRES. J'ai un cheval merveilleux, & c'eft un animal infatigable.

M. TOME S.

Savez-vous le chemin que ma mule a fait aujourd'hui ? J'ai été premiérement tout contre l'arfenal, de l'arsenal au bout du fauxbourg faint Germain, du fauxbourg faint Germain au fond du marais, du fond du marais à la porte faint Honoré, de la porte faint Honoré au fauxbourg faint Jacques, du fauxbourg faint Jacques à la porte de Richelieu, de la porte de Richelieu ici, d'ici je dois aller encore à la place royale.

M. DES FONANDRE S.

Mon cheval a fait tout cela aujourd'hui ; &, de plus, j'ai été à Ruel voir un malade.

M. TOME S.

Mais à propos, quel parti prenez-vous dans la que-
relle des deux médecins, Théophrafte & Artémius?
Car c'eft une affaire qui partage tout notre corps.
M. DES FONANDRES.

Moi, je fuis pour Artémius.

M. TOME S.

comme on

Et moi auffi. Ce n'eft pas que fon avis a vú, n'ait tué le malade, & que celui de Théophrafte ne fût beaucoup meilleur affurément ; mais enfin, il a tort dans les circonftances, & il ne devoit pas être d'un autre avis que fon ancien. Qu'en ditesyous?

M. DES FONANDRES. Sans doute. Il faut toujours garder les formalités quoiqu'il puiffe arriver.

M. TOME S.

Pour moi, j'y fuis févére en diable, à moins que ce ne foit entre amis; & l'on nous affembla, un jour, trois de nous autres, avec un médecin de dehors pour une confultation où j'arrêtai toute l'affaire, & ne voulus point endurer qu'on opinât, fi les chofes n'alloient dans l'ordre. Les gens de la maison faifoient ce qu'ils pouvoient, & la maladie preffoit; mais je n'en voulus point démordre, & la malade mourut bravement pendant cette contestation.

M. DES FONANDRE S. C'eft fort bien fait d'apprendre aux gens à vivre, & de leur montrer leur béjaune.

Un homme mort

M. TOME S.

[ocr errors]

n'eft qu'un homme mort & ne fait point de conféquence; mais une formalité négligée porte un notable préjudice à tout le corps des médecins.

« PrécédentContinuer »