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MEDECIN,

COMÉDIE-BALLET. 15 Sept: 1665

PROLOGUE.

LA COMEDIE, LA MUSIQUE, LE BALLET.

Q

LA COMEDIE.

Uittons, quittons notre vaine querelle,

Ne nous difputons point nos talens tour à tour;
Et, d'une gloire plus belle,
Piquons-nous en ce jour.

Uniffons-nous, tous trois, d'une ardeur fans feconde,
Pour donner du plaifir au plus grand Roi du monde.
TOUS TROIS ENSEMBLE.

Uniffons-nous, tous trois, d'une ardeur fans feconde, Pour donner du plaifir au plus grand Roi du monde. LA MUSIQUE.

De fes travaux, plus grands qu'on ne peut croire, Il fe vient quelquefois délaffer parmi nous.

LE BALLET.

Eft-il de plus grande gloire?
Eft-il de bonheur plus doux?

Uniffons-nous, tout trois, d'une ardeur fans feconde, Pour donner du plaifir au plus grand Roi du monde.

Fin du prologue.

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L'AMOUR

MÉDECIN,

COMÉDIE-BALLET.

ACTE PREMIER.
SCENE PREMIERE.

SGANARELLE, AMINTE, LUCRECE,'
M. GUILLAUME, M. JOSSE.

SGANARELLE.

H! L'étrange chofe que la vie, & que je
puis bien dire, avec ce grand philofophe
de l'antiquité, que qui terre a,guerre a, &
qu'un malheur ne vient jamais fans l'autre !
Je n'avois qu'une femme qui eft morte.
M. GUILLAUME.

Et combien donc en vouliez-vous avoir ?
SGANARELLE.

Elle eft morte,

Monfieur Guillaume mon ami. Cette perte m'est très-fenfible, & je ne puis m'en reffouvenir

fans pleurer. Je n'étois pas fort fatisfait de fa conduite, & nous avions le plus fouvent difpute ensemble; mais enfin, la mort rajufte toutes chofes. Elle eft morte; je la pleure. Si elle étoit en vie, nous nous querellerions. De tous les enfans que le ciel m'a donnés, il ne m'a laiffé qu'une fille, & cette fille eft toute ma peine. Car enfin, je la vois dans une mélancolie la plus fombre du monde,dans une trifteffe épouvantable dont il n'y a pas moyen de la retirer, & dont je ne faurois même apprendre la caufe. Pour moi, j'en perds l'efprit, & j'auTois befoin d'un bon confeil fur cette matiére. ( à Lucréce.) Vous étes maniéce; (à Aminte.) vous, ma voifine; (à M. Guillaume & à M. Jaffe. ) & vous,mes comperes & mes amis; je vous prie de me confeiller tout ce que je dois faire.

M. JOSSE.

Pour moi, je tiens que la braverie, que l'ajustement eft la chofe qui réjouit le plus les filles ; &, fi j'étois que de vous, je lui acheterois dès aujourd'hui une belle garniture de diamans, ou de rubis, ou d'émeraudes.

M. GUILLAUME.

Et moi, fi j'étois en votre place, j'acheterois une belle tenture de tapiferie de verdure, ou à perfonnages, que je ferois mettre dans fa chambre pour lui réjouïr l'efprit & la vûe.

AMINT E.

Pour moi, je ne ferois pas tant de façon. Je la marie rois fort bien, & le pluftôt que je pourrois, avec cette perfonne qui vous la fit, dit-on, demander, il y a quelque temps.

LUCRECE.

Et moi, je tiens que votre fille n'eft point du tout propre pour le mariage. Elle eft d'une compléxion trop délicate & trop peu faine; & c'eft la vouloir envoyer bien-tôt en l'autre monde, que de l'expofer, comme

elle eft, à faire des enfans. Le monde n'est point du tout fon fait ; & je vous confeille de la mettre dans un couvent, où elle trouvera des divertiffemens qui feront mieux de fon humeur.

SGANARELLE.

Tous ces conseils font admirables affurément; mais je les trouve un peu intéreffés, & trouve que vous me confeillez fort bien pour vous. Vous étes orfévre, Monfieur Joffe, & votre confeil fent fon homme qui a envie de fe défaire de fa marchandise. Vous vendez des tapifferies, Monfieur Guillaume, & vous avez la mine d'avoir quelque tenture qui vous incommode. Celui que vous aimez, ma voifine, a, dit-on, quelque inclination pour ma fille, & vous ne feriez pas fâchée de la voir femme d'un autre. Et quant à ma chere niéce, ce n'est pas mon dessein, comme on fait, de marier ma fille avec qui que ce foit, & j'ai mes raifons pour cela; mais le confeil que vous me donnez de la faire religieufe, eft d'une femme qui pourroit bien fouhaiter charitablement d'être mon héritière univerfelle. Ainfi Meffieurs & Mefdames, quoique tous vos confeils foient les meilleurs du monde, vous trouverez bon, s'il vous plaît, que je n'en fuive aucun. (feul.) Voilà de mes donneurs de confeils à la mode.

vous,

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