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royaume par les monarques entre leurs enfans. La Capétienne n'a pas eu le même germe de destruction. Ses princes ont été assez sages pour ne point diviser le royaume entre les frères ; mais ils ont eu aussi l'imprudence d'en donner souvent des parties considérables aux cadets, ce qui les a rendus quelquefois redoutables aux aînés, et a beaucoup retardé la réunion des membres au corps.

L'histoire va apprendre comment ces princes de la troisième race ont obvié au démembrement qui menaçoit le royaume; par quels moyens ils ont rattaché à leur couronne les beaux fleurons qui en avoient été arrachés, et ont donné à la monarchie une consistance, un éclat, une force qui auroit ́dû la rendre indestructible; mais lorsque tout plioit sous l'autorité de nos monarques, et après des siècles de la puissance la plus absolue de leur part ; du sein même de l'obéissance la plus soumise des peuples, s'est développé tout-à-coup un germe de faction et d'indépendance, que depuis longtemps y déposoient sourdement des esprits jaloux, vains et irréfléchis comme un vent impétueux, il a soufflé sur toutes les grandeurs, les a renversécs,

dispersées, anéanties, et a enveloppé dans la même destruction clergé, noblesse et royauté.

Sous Hugues Capet la France contenoit l'espace entre la mer de Gascogne, la Manche, le Rhin, la Suisse, les Alpes et la Méditerranée, mais dans cette étendue, combien de seigneurs, qu'on appeloit grands vassaux, vrais souve.. rains, lesquels ne reconnoissoient dans la royauté qu'un titre avoué par un simple hommage qui gênoit peu leur indépendance!

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Etat de la

France.

Aunord,les comtes ou ducs de Flandres Grands fiefs. avoient, à-peu-près, sous leur domination, ce qui a composé ensuite les PaysBas et la Hollande. Dans la même partie, les comtes de Vermandois étoient maîtres de la Picardie et de la Champagne. Au levant, étoient les ducs de Bourgogne, et de ceux Lorraine, qui s'étendoient en Alsace le long du Rhin; au midi, les ducs de Gascogne et d'Aquitaine dominant dans l'Auvergne, la Guyenne, le Poitou, la Saintonge et au couchant enfin les ducs de Bretagne et de Normandie, tous s'avançant plus ou moins dans l'intérieur vers le centre; de sorte qu'il ne restoit proprement à Hugues Capet, en montant sur le trône, en pleine et entière souveraineté, que le

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987. duché de France, dont Paris étoit la capitale, l'Orléanois, des domaines assez étendus en Champagne et en Picardie et quelques forteresses dans d'autres provinces où les rois tâchoient toujours de prendre des positions, et d'où leurs grands vassaux les repoussoient sans cesse. Sa puissance à la vérité se rehaussoit de sa suzeraineté sur les nombreux bommagés de la couronne; mais ce droit étoit plus ou moins reconnu, plus ou moins contesté, suivant les circonstances, et c'étoit au talent de faire valoir cette dernière ressource laissée à l'autorité royale, que tenoit son rétablissement en France, ou la consommation de son anéantissement. Noblesse. Les grands vassaux devoient au monarque le service militaire, c'est-à-dire, des troupes quand ils en étoient requis; ils les entretenoient et menoient à l'armée eux-mêmes. Feudataires de la couronne, ils avoient aussi des feudataires ou vassaux, tenus, à leur égard, aux mêmes obligations qu'ils contractoient par serment avec le monarque: c'est-àdire, fidélité, aide et secours; ne pas souffrir qu'il fût fait tort à leur seigneur dans ses biens et sa personne, le défendre, payer sa rançon s'il étoit fait prisonnier; contribuer par des rétribu

tions, redevances et présens à l'éclat de sa cour et à l'établissement de ses enfans. Ces feudataires sont, à ce qu'il paroît, l'origine de la noblesse. Elle formoit autour du suzerain comme une famille; mais elle n'a pu former un corps dans le royaume, parce qu'à mesure que les grands vassaux se sont détruits, ceux d'une province n'ont pas pu se joindre à ceux d'une autre, avec lesquels ils n'avoient pas de lien

commun.

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Il en étoit autrement du clergé. Il y Clergé, avoit entre les clercs des possesseurs de grands fiefs, et comme chez les laïcs des sous-inféodations; mais ce n'étoit pas le noeud féodal qui les unissoit. Une hiérarchie bien graduée, une communauté de devoirs, de fonctions, de lois, de priviléges, d'intérêts, jus qu'à l'habillement qui les distinguoit des laïcs, tout concouroit à faire du clergé un corps très-puissant dans l'état. Aussi l'étoit-il dans les Gaules mêmes avant Clovis, sous les Romains. Mais dans le temps présent son autorité venoit principalement du respect pour la religion, dont ses membres étoient les ministres. Grands et petits, tous à l'envi les comblèrent de biens. Leur crédit sur le peuple se composa alors de ces

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richesses et de l'influence que les lois de mœurs, publiées dans les assemblées générales et sanctionnées par les rois, donnoient aux clercs sur toutes les actions de la vie, même les plus secrètes. Les monarques eux-mêmes fléchirent quelquefois sous ces lois : soit crainte réelle des foudres qui les menaçoient; soit politique, et afin d'engager les peuples par leur exemple à redouter les peines éternelles s'ils s'abandonnoient dans cette vie à des passions injustes, licentieuses ou féroces. Ainsi les rois de la troisième race, qui tenoient leur sceptre de l'élection, moyen qui pouvoit le faire passer dans les mains des grands vassaux, secondés du peuple, avoient intérêt de s'attacher le clergé, qu'on pouvoit regarder comme le régulateur de la volonté générale.

Démarches Hugues Capet sentit ce besoin et de Charles de l'utilité d'avoir pour lui le clergé, lors

Lorraine.

que Charles se mit en devoir de réclamer la couronne qui lui avoit été enlevée. Le Lorrain s'adressa à Adalbéron, archevêque de Reims, et lui demanda conseil sur les mesures qu'il devoit prendre pour s'assurer la succession de son neveu. Peut-être vouloit-il engager le prélat à le sacrer; cérémonié qui mettoit alors un grand poids dans

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