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1187-89.

Dîme sala

dine.

Pendant ces désastres, les princes européens voyoient journellement arriver à leurs cours des ambassadeurs supplians, chargés de longues requêtes, qui contenoient des peintures énergiques des barbaries exercées par les infidèles, et des récits douloureux des souffrances des chrétiens.

Touchés ou fatigués de ces lamentations, les rois de France et d'Angleterre s'abouchèrent et convinrent d'une croisade, qu'ils commanderoient en personne. Sitôt que ce projet fut connu, seigneurs, bourgeois, paysans; gens enfin de tout état, s'empressèrent de prendre la croix. Philippe profita habilement de cet élan de ferveur pour établir un impôt, qui, tout pesant qu'il étoit, n'excita, à cause du motif, ni plaintes, ni murmures; on l'apela la dime saladine. Tous ceux qui ne s'enrôloient pas, ecclésiastiques ou séculiers, roturiers ou nobles, excepté quelques religieux et les hôpitaux, devoient payer, tant que dureroit l'expédition, la dixième partie de leurs revenus. Ceux qui se destinoient à partir étoient autorisés à engager pour trois ans les produits de leurs patrimoines ou de leurs bénéfices, et la loi mettoit les prêteurs à l'abri de toute opposition ou répétition.

1190.

Les moyens établis en France, pour favoriser la croisade, furent aussi prati- Mauvaise foi qués par Richard, surnommé Coeur du roi d'Ande Lion, devenu roi d'Angleterre en gleterre. les employant avec ardeur dans laGuienne et les autres états qu'il possédoit en France, il se vit bientôt à la tête d'une bonne armée. Un rassemblement si puissant sous ses ordres le tenta. Il y avoit toujours, entre les deux rois, des sujets de querelles pour les frontières : il en existoit entr'autres une ancienne à l'occasion du comté de Toulouse. Sans plainte préalable, Richard mène ses croisés contre les troupes que le roi de France entretenoit sur ses limites pour les défendre. Philippe, quoique surpris, soutint si bien l'attaque, qu'après quelques revers, il devint agresseur et vainqueur; ces alternatives amenèrent des négociations, puis la paix et des mesures communes entre les deux princes pour la croisade. Cette résolution fut prise à l'instigation d'un saint prêtre, nommé Foulques, curé de Neuilli, qui, dans cette croisade, remplit à peu près le même rôle que Pierre l'Hermite dans la première.

Lois pour

Ce qui venoit d'arriver fit d'abord prendre aux deux rois l'engagement de la croisade. ne point attaquer, sous quelque prétexte

1190.

Départ.

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que ce fût, les états l'un de l'autre, tant que l'expédition dureroit. Ils firent ensuite ensemble des lois de police qui devoient être observées dans les deux armées. Défense de mener des femmes, excepté les lavandières. Quiconque tuera sera, selon le lieu du délit ou jeté dans la mer, ou enterré vivant, lié avec le cadavre du mort. Celui qui blessera aura le poing coupé ; qui frappera, sera plongé trois fois dans la mer; au coupable de larcin on enduira la tête de poix chaude, il sera poudré de plumes et abandonné sur le premier rivage.

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Ri

Les deux rois s'embarquèrent vers le milieu de l'été ; Philippe à Gênes, chard à Marseille, avec promesse de bien vivre ensemble; bien vivre comme peuvent faire des rivaux, qui se sont déjà mesurés, et auxquels, malgré l'estime réciproque, il reste plus de jalousie que de bienveillance. Philippe avoit fait son testament: il contenoit des dispositions sages à observer pendant son absence, et en cas de mort ou de prison. Il laissoit à la vérité son royaume tranquille, sous la régence d'Alix de Champagne, sa mère, et de Guillaume, archevêque de Reims, son oncle; mais sans autre ressource, en cas d'événemens fâcheux, qu'un seul

prince, presqu'encore au berceau. Il l'avoit eu d'Isabelle, fille de Baudoin, comte de Flandres, jeune princesse ? douée de grâces et de vertus, qui mourut à vingt-un ans. Elle avoit éprouvé quelques désagrémens à l'occasion de Philippe, l'ancien régent, son oncle, dont elle prit trop vivement le parti. Sa disgrace dura peu, et quand la mort l'enleva, elle étoit parfaitement réconciliée avec son époux, dont elle emporta les regrets et ceux de tout le royaume. Des vents orageux poussèrent les deux rois en Sicile et les y repoussèrent quand ils voulurent en sortir, de sorte qu'ils y passèrent le reste de l'été et tout l'hiver. Leurs troupes s'y trouvèrent désœuvrées et réduites, à cause de leur grand nombre, à une modique subsistance; double motif pour rendre redoutable aux Siciliens le séjour de pareils hôtes. Il y eut querelle entre les Anglais et les habitans de Messine. Les premiers soupçonnant beaucoup de vivres dans la ville en demandèrent trop, au jugement des Messinois, lesquels, craignant la famine, refusèrent d'en donner la quantité exigée. Les Anglais assiégèrent la ville, la prirent d'assaut et la pillèrent; ce fut la première cause de brouillerie entre les rois de France et d'Angleterre.

1199.

Séjour en

Sicile.

Brouilleries

entre les deux rois

1191.

1191.

1191-92.

Richard fit arborer ses étendards sur
les murs de sa conquête. Philippe trouva
mauvais que son vassal se donnât une
pareille liberté en présence de son su-
zerain. L'affaire s'accommoda en parta-
geant les honneurs, quoique les Français,
indifférens sur la querelle, n'en eussent
point partagé les périls. Des soupçons,
survenus au roi de France, augmentèrent
la froideur entre les deux monarques. Ce-
lui d'Angleterre, brouillé d'abord ouver-
tement avec Tancrède, qui régnoit en
Sicile, et qui étoit personnellement pi-
qué de ses manières hautaines et impé-
rieuses, se réconcilia tout-à-coup avec
lui. La plus parfaite intelligence s'établit
entre eux. Ils tenoient des conférences
fréquentes dont ils ne faisoient aucune
part à Philippe. Celui-ci ne pouvoit
être sans défiance et sans crainte
tre deux princes qui se montroient assez
mal intentionnés, et dont les forces réu-
nies, tombant sur lui, sous quelque
mauvais prétexte, étoient en état de lui
faire courir les plus grands dangers.

en

Cependant on conservoit réciproquement les égards de bienveillance; mais enfin Richard éclata. Nous avons vu Henrine cesser d'apporter des obstacles à la conclusion du mariage de son fils avec Alix. On soupçonna cette constante

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