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opposition d'être causée par un attache-
ment condamnable du vieux monarque
pour sa future belle-fille. Quelques-uns
y ont donné un motif politique, celui
de mortifier et de contenir Eléonore,
en laissant entrevoir qu'il pourroit bien
la répudier pour épouser Alix. Quoi
qu'il en soit, l'année même
l'année même que mourut
ce prince, et Alix ayant alors vingt-
trois ans, Richard, stimulé par Phi-
lippe, ayant rompu avec son père pour
ce sujet, l'avoit contraint, à l'aide des
secours du roi de France, à recevoir
la loi, à se dessaisir de la princesse et à
la remettre entre des mains tierces. Ce
fut l'une des conditions du traité d'Azai
ou de Coulommiers, conclu en 1189.
Mais cette violence faite au vieux roi
les revers qui l'avoient forcé d'y con-
descendre, et sur-tout le nom de Jean,
son fils, qu'il affectionnoit par dessus
tous les autres et qu'il trouva sur la liste
de ses ennemis, furent autant de coups
de poignard qui procurèrent sa mort et
qui l'accélérèrent. Elle eut lieu deux
jours seulement après la ratification du
traité.

Rien n'empêchoit désormais Richard de remplir des engagemens dont il avoit poursuivi l'exécution avec tant de chaleur, alors qu'il ne dépendoit pas de Tom. III.

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lui de les remplir. Sa conduite subséquente, et l'oublioù il laissa la princesse, prouva qu'un zèle factieux l'avoit seul dirigé dans ses démarches. Il étoit circonvenu d'ailleurs par Eléonore sa mère, pour laquelle il eut toujours beaucoup d'attachement et de déférence. Naturellement indisposée par l'effet de sa jalousie, contre une princesse qui avoit passé pour sa rivale, elle appuyoit de tout son crédit les bruits déshonorans qui s'étoient répandus sur Alix. Elle fit plus profitant ou abusant de la confiance que lui témoignoit son fils, elle se rend en Navarre pour lui chercher une femme et lui fait savoir qu'elle l'amène avec elle.

A cette nouvelle, Richard déclare à Philippe qu'il ne veut plus de sa sœur, qu'il attend un autre épouse, et que si le roi s'oppose a son mariage, il renoncera à la croisade et retournera en An→ gleterre. Philippe, choqué, et de l'affront préparé à sa sœur, et de la menace de le réaliser sous ses yeux, con→ sidère cependant que s'il laisse retourner l'Anglais dans ses états, celui-ci pourra profiter de son absence pour exciter des troubles dans les siens. En conséquence, il se détermine, avec grand regret néanmoins, à faire le sacrifice

de sa sœur et à la reprendre, à condition que Richard, de son côté, rendra l'argent et les villes du Vexin qui avoient été donnés pour sa dot. Mais pénétré de sa propre importance, et mettant d'ailleurs sa gloriole à afficher les prétentions les plus outrées, ou à faire prévaloir ses caprices les plus irréfléchis, Richard, toujours entier, fier et tranchant, refusa nettement de les rendre; et Philippe. par les mêmes considérations qui l'avoient déjà forcé à dissimuler, se vit encore obligé cette fois d'en passer par la volonté de son impérieux allié et de se contenter, pour sauver au moins son honneur, d'une apparence de dédomagement en argent et de la remise d'Issoudun et de Grassay, et de quelques autres domaines qu'il réclamoit en Auvergne. Quand cet arrangement fut conclu, l'Anglais, soit caprice, soit amour du repos, ne voulut plus partir de Sicile. Il fallut que ses propres troupes, qui désiroient achever leur pélerinage l'y forçassent. Il mit enfin à la voile pour la Palestine: mais une tempête le porta sur l'île de Chypre. La première division de sa flotte échoua sur les côtes. Un Isaac Comnène régnoit dans l'île. Par ses ordres les malheureux naufragés sont renfermés dans des cachots. Ri

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Leur con duite en Palestine.

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chard, abordant avec la seconde di-
vision, apprend ce procédé barbare. Il
se jette aussitôt dans ses chaloupes,
saute le premier à terre, taille en pièces
les troupes que le tyran lui oppose, le
fait prisonnier lui-même et le dépouille
de toutes ses possessions. Richard, pen-
dant son séjour en Palestine, vendit
ou donna ce royaume à Guy de Lu-
signan, pour le dédommager de la
perte qu'il faisoit de celui de Jérusalem
et sa famille le posséda environ trois cents
ans. Au bout de ce temps il passa aux
Vénitiens, et de ceux-ci aux Turcs qui
s'en rendirent maîtres en 1571.Richard
s'y pourvut abondamment de vivres
en tira de fortes contributions, et ar-
riva en Palestine dans un état brillant,
à la tête de troupes fraîches et bien re-
posées, pendant que les Français abor-
dés en Palestine, avoient déjà ressenti
l'influence de ce climat brûlant et étoient
attaqués de maladies qui en enlevoient
un grand nombre.

Aux deux rois réunis se joignirent les chrétiens du pays avec leurs inimitiés et leurs ambitions. Un marquis de Montferrat s'étoit fait déclarer roi de Jérusalem. Lusignan revendiquoit ce vain titre. Richard l'appuyoit; Philippe étoit pour le marquis. A la vérité, les

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animosités disparoissoient quand il étoit question de combattre; mais elles se remontroient dans les délibérations, et empêchoient souvent qu'on ne prît, pour les opérations militaires le parti le plus avantageux. La mésintelligence ou la rivalité entre les deux rois étoit s' marquée, que l'ami de l'un devenoi l'ennemi de l'autre. Léopold, marquis d'Autriche, s'étoit joint avec les Allemands au roi de France; ce fut assez pour que celui d'Angleterre cherchât à le molester. Les fourriers de l'armée avoient marqué un logement pour le marquis, et selon la coutume, ses gens y avoient attaché les enseignes de leur maître. Richard les fit arracher et traîner dans la boue, action dont il eut Retour de tout lieu de se repentir dans la suite. Philippe en Cette conduite impérieuse et hautaine, France. Richard se la permettoit à l'égard de tout le monde, sans distinction. Philippe eut souvent occasion de s'en plaindre las de ces contrariétés, dégoûté par le peu d'avantages que procuroient à la cause commune quelques succès partiels, n'en espérant pas beaucoup plus par la suite, vu la mésintelligence qui ne faisoit qu'augmenter entre tous les chefs croisés, affoibli d'ailleurs par une maladie qui lui fit perdre les cheveux

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