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Richard.

et les oncles; après la prise d'Acre, conquête assez éclatante pour honorer une retraite, Philippe prend le parti de regagner son royaume et déclare son dessein. Richard se récrie, invoque la promesse qu'ils se sont faite de ne quitter la Palestine qu'après l'expédition consommée. Philippe reste ferme dans sa résolution; il laisse au roi d'Angleterre dix mille de ses meilleurs fantassins. et cinq cents gendarmes, sous le commandement du duc de Bourgogne, qui seconda peu le roi d'Angleterre, et

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Départ de Quelques mois après, Richard suivit son exemple, malgré des succès contre Saladin qu'il défit dans une sanglante bataille et auquel il enleva plusieurs places. Mais la défection du duc de Bourgogne et la retraite du marquis d'Autriche, Léopold, le forcèrent à faire aussi la sienne. Après un traité avec Saladin, dont on n'a pas les clauses mais dont on connoît les effets, et après avoir fait reconnoître pour roi de Jérusalem, Henri, comte de Champagne, gendre du roi Amauri d'Anjou, mort vingt ans auparavant, il se mit pour regagner l'Europe. La tempête l'accueillit à son retour comme à son départ. Elle le porta cette fois à Aquilée,

en mer

au fond du golphe adriatique. Richard
essaya de traverser l'Allemagne déguisé
en templier: mais reconnu sur les terres
du marquis d'Autriche, qu'il avoit offensé
en Palestine, il y fut arrêté et livré
par lui à l'empereur Henri VI, autre
ennemi de Richard,à cause de ses liaisons
avec Tancrède, roi de Sicile, usur-
pateur de ce royaume au préjudice de
Constance, femme de l'empereur. Ri-
chard entre ses mains, expia les délires
de sa vanité, par une détention de
torze mois.

qua

Philippe trouva son royaume en bon état. Il crut l'occasion opportune pour rompre l'injuste traité que lui avoit arraché en Sicile l'impérieux Richard, au sujet de la dot et du douaire de sa sœur, et auquel il ne s'étoit soumis que pour prévenir le retour dont menaçoit ce prince, retour qui sembloit devoir être aussi funeste à l'expédition de la terre sainte, que dangereux pour la France en l'absence de son roi. Philippe entre donc dans le Vexin, se remet en possession des villes qu'il avoit cédées et même de quelques domaines normands, qu'il disoit dépendans des villes reconquises; ce qui donna occasion aux Anglais de l'accuser de violer la parole, qu'on s'étoit donnée réciproquement, de

r192.

Affaires de d'Angle

France et

terre.

1193.

1193.

respecter pendant toute la durée de l'expédition, les propriétés l'un de l'autre. Mais ces petits intérêts s'absorbèrent bientôt dans d'autres plus importans.

Le vieil Henri avoit eu quatre fils. Henri l'aîné, que le père associa au trône, mourut avant lui sans enfans. Richard-Coeur-de-Lion, pourvu de l'Aquitaine du vivant de son père, mais non de la couronne d'Angleterre, en hérita ainsi que de la Normandie, et les joignit à son duché. Henri maria son troisième fils Geoffroi à l'héritière de Bretagne. Ce prince mourut jeune, et ne laissa qu'un fils nommé Artus ou Artur.Quant au quatrième nommé Jean, ni son père, ni sa mère, ne pensèrent à lui donner d'états, d'où il fut appelé Jean-sans-Terre. A son départ pour la terre sainte, il paroît que Richard, faute de confiance en son frère Jean, ne lui laissa aucune autorité ni dans l'Angleterre, ni dans la Normandie. Tout au plus on peut conjecturer qu'il lui abandonna, comme une espèce d'apanage, le comté de Mortain dont ce prince prit le titre.

L'absence de Richard parut à Jean une belle occasion de se tirer de l'état de nullité où il étoit. Il prétendit avoir

droit de faire des changemens dans Radministration que Richard avoit réglée pour ses états, Il cassa des juges. et des gouverneurs, en transféra d'un endroit à l'autre. Les régens laissés par Richard, ne tardèrent pas de s'opposer à ses entreprises, et le forcèrent à quitter l'Angleterre. Il s'appliqua alors à soumettre les seigneurs de Normandie, où il résidoit, et pour cela il eut recours au roi de France, son suzerain. Celui-ci ne refusa pas de lui prêter son assistance, et Philippe et Jean devinrent très-bons amis.

On fut quelque temps sans être bien éclairci sur le sort de Richard; enfin on apprit qu'il étoit prisonnier entre les mains de l'empereur d'Allemagne. Sa mère Eléonore alla trouver Henri VI traiter de la rançon de son pour fils. On prétend que les principales difficultés qu'elle trouva vinrent de la part de Philippe-Auguste, et du comte de Mortain, qui avoient un égal intérêt à perpétuer la captivité de Richard. A mesure que la reine faisoit des offres, ils les couvroient par des enchères fort puissantes auprès de l'empereur, très-affamé d'argent: cependant Richard obtint sa liberté si à propos, que s'il n'eût pas quitté l'Allemagne avec

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1195.

Noire perfi

die de Jeansans-Terre.

vorce avec

la plus grande célérité, l'empereur qui, séduit par de nouvelles offres avoit envoyé des troupes pour le ramener l'auroit remis dans les fers.

On peut croire qu'il revint plein d'un assez juste ressentiment contre le roi de France et le comte de Mortain; Philippe, pour mettre le comte à l'abri de la colère de son frère, lui donna des places de sûreté, munies de bonnes garnisons, dont il lui laissa la disposition. Jean, que l'on connoîtra encore mieux par la suite, abusa cruellement de cette confiance. Qu'il tâchât de regagner les bonnes grâces de son frères, rien de plus convenable, mais il y parvint par la plus horrible trahison. Se trouvant à Evreux, une de ses places de sûreté, il invita à dîner les officiers de la garnison, au nombre de trois cents, presque tous gentilshommes, les fit tous massacrer à la fin du repas, et livra la ville à son frère, qui reçut, de ses mains ersanglantées, ce fruit affreux de la plus noire perfidie.

Philippe en tira vengeance en brûPhilippe di lant la ville d'Evreux. Il étoit alors emIngelberge. barrassé dans une affaire qui lui causa beaucoup de peines et d'inquiétudes. Il y avoit trois ans que la reine Isabelle étoit morte. Le roi songea à finir son

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