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yeuvage, un peu long pour un prince 1193. de vingt-cinq ans. On ne sait ni pourquoi il alla chercher une sœur de Canut, roi de Danemarck, ni pourquoi il s'en sépara dès le lendemain des noces. Les uns disent qu'il lui trouva quelque défaut secret; d'autres, selon les préju gés du temps, que ce fut l'effet d'un maléfice. Elle se nommoit Ingelburge, n'avoit que dix-sept ans, et joignoit à la beauté les grâces ingénues de son âge. Philppe demanda le divorce. Il assembla à Compiègne des évêques pour le prononcer. Les procédures se firent en français que la danoise ignoroit. Quand on lui lut et expliqua la sentence, elle fondit en larmes, en s'écriant: MaleFrance! Male-France! Rome! Rome! faisant entendre qu'elle appeloit au pape. On désiroit qu'elle retournât en Danemarck. Elle y consentit d'abord, et se mit en route; mais sur ce qu'on lui remontra que, quitter la France ce seroit abandonner sa cause et se condamner elle-même, elle revint sur ses pas, et se mit dans un couvent. Se croyant assez autorisé par la sentence de divorce, Philippe alla encore chercher une étrangère et épousa Agnès de Méranie, fille d'un duc de Misnie, princesse qu'on disoit issue de Char

1193. lemagne, et qui, comme Ingelburge, étoit à la fois jeune et belle.

Mais les efforts du roi de Danemarck, et ceux du roi d'Angleterre qui le secondoit, obtinrent du pape la révision du procès. Elle eut lieu dans un concile tenu à Paris sous les yeux du roi. Sa présence ne put lui procurer que des délais et une indécision, dont on ne le laissa pas jouir long-temps. Ces procédures s'étoient passées sous Célestin III, moins actif, moins entreprenant que son successeur Innocent III. Ce dernier soupçonnant que cette affaire n'avoit pas été traitée dans les conciles de Compiègne ou de Paris avec le discernement ou l'équité nécessaire, convoqua un troisième à Lyon, ville libre, et qui n'étoit pas alors censée dépendante de la France. La sentence fut absolument contraire aux desirs du roi. Elle le condamna à quitter Agnès et à reprendre Ingelburge, sous peine d'excommunication et de l'interdit de son royaume. Il y eut aussi des peines canoniques prononcées contre les évêques, jugés dans les deux conciles comme coupables de négligence, ou de s'être laissé séduire.

en

Le roi crut encore se tirer d'embarras par un appel et d'autres moyens

dilatoires; mais le pape n'écouta rien : au temps prescrit pour l'expiration des délais, il lança l'excommunication et l'interdit. Alors les églises se fermèrent comme sous le roi Robert; les prêtres cessèrent leurs fonctions, refusèrent d'administrer les sacremens, excepté le baptême. On tira les reliques des saints de leurs châsses, et on les étendit sur la cendre et le cilice. On voila leurs statues et leurs tableaux. Le son des cloches ne se fit plus entendre. Tout prit un air lugubre qui désoloit le peuple. Le roi défendit ces démonstrations qu'il regardoit comme hostiles. Il maltraita les prêtres qui les prêchoient, et qui les observoient; les seigneurs et les peuples qui s'y prêtoient, éprouvèrent des vexations; ils s'aigrirent et se révoltèrent. Il s'ensuivit des désordres semblables à ceux d'une guerre civile. La malheureuse Ingelburge fut renfermée dans le château d'Etampes, et exposée à des mauvais traitemens, jusqu'à être privée, dit-on, du nécessaire. Deux légats, envoyés par le pape, vinrent exhorter le monarque à faire cesser le scandale. La rigueur l'avoit exaspéré; ils le prirent par douceur, et obtinrent de lui qu'il reprendroit son épouse,

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mais il ne la garda que quarante jours et la renvoya.

C'étoit déjà beaucoup que d'avoir dompté ce caractère fougeux, ne fûtce que pour quelque temps. Cette première réussite donna des espérances. En effet le roi parut vouloir entrer en accommodement. Il demanda une nouvelle révision. Elle lui fut accordée. Les évêques, qui en étoient chargés, s'assemblèrent à Soissons. Philippe y vint escorté de jurisconsultes et de canonistes, comme un homme bien déterminé à se défendre. Mais au moment le plus vif de la discussion, il va trouver sa femme, qui étoit dans un vent de la ville, l'embrasse, la met en croupe derrière lui,

cou

derrière lui, gagne Paris, et envoie dire aux évêques qu'ils peuvent se retirer, que tout est fini. Il vécut désormais très-bien avec elle, disent quelquesuns; mais selon d'autres la princesse ne recouvra que son titre de reine, et alla en jouir à Étampes, où elle fut reléguée. Quant à Agnès, obligée de renoncer à une union qu'elle croyoit contractée selon les lois, elle mourut de chagrin. Elle laissa deux enfans qu'on déclara légitimes à cause de la bonne foi de leur mère; mais ils ne lui survécurent

pas long-temps. On doit savoir gré à Philippe-Auguste d'avoir foulé aux pieds la mauvaise honte qui perpétue quelquefois les fautes, et d'avoir eu le courage de se condamner lui-même à la face de ses sujets qu'il avoit scandalisés.

1193.

archives du

royaume.

1194-98.

Comme, malgré cet écart, il étoit Perte des estimé, l'ordre se rétablit bientôt dans le royaume, et il se trouva en état de soutenir la guerre contre le roi d'Angleterre avec plus d'égalité qu'il ne l'avoit pu pendant ces troubles. Elle avoit commencé dès que Richard fut délivré de sa captivité, et elle continua avec des ravages, des incendies et des excès de tous genres, qui marquoient bien l'animosité des deux princes. Il n'y a point de mal qu'ils ne s'efforçassent de se faire, et souvent ils se cherchoient dans la mêlée, pour se combattre corps à corps. L'usage étoit encore que nos rois traînassent après eux, dans leurs marches même en temps de guerre, leur trésor leur chapelle, les ornemens royaux, les matricules des impôts, les titres de propriété, et autres papiers importans. Richard surprit entre Freteval et Blois l'arrière-garde où étoit ce dépôt, s'en empara, et ne voulut pas rendre, du moins les archives, quelques offres qui

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