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175 poitrine, afin de se distinguer de ceux de la Terre-Sainte qui la portoient sur l'épaule. Leur service étoit de quarante jours. On dit que leur première armée se monta à cinq cent mille combattans.

1207-8.

du comte de

1209.

Raimond, effrayé de cette masse qui Pénitence alloit tomber sur lui et l'écrâser, s'hu- Toulouse. milia devant le légat qui voulut bien lui pardonner, à condition qu'il se soumettroit aux rigueurs de la pénitence publique. En conséquence le comte de Toulouse parut en chemise à la porte de l'église, y fit abjuration des erreurs contenues dans une formule qu'il répéta. Le prélat ensuite lui mit son étole au col : le tirant d'une main, et le frappant de l'autre avec une baguette, il l'amena jusqu'au pied de l'autel, où il promit obéissance à l'église romaine : son excommunication fut levée; il prit la croix et se mit à combattre ceux qu'il protégeoit auparavant.

Rai

comte de

Il se trouva ainsi à l'abri des efforts Guerre des croisés. Ils tombèrent sur des villes entre mond, comte et châteaux en assez grand nombre, de Toulouse, depuis Toulouse jusque dans la Na- et Simon, varre, où les Albigeois s'étoient établis, Montfort. les en chassèrent et s'y fortifièrent eux- 1209-10. mêmes. Ces acquisitions formoient une étendue de pays considérable où se

1209-10.

Caractere de

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trouvoient des villes importantes
comme Béziers, Carcassonne et plus de
cent châteaux. Le conseil des croisés >
qui avoit à sa tête, outre les légats, un
abbé de Citaux, violent et absolu, re-
gardant ces conquêtes comme légitimes
possessions de l'église, résolurent d'y
nommer un gouverneur. Ils proposèrent
le commandement à différens seigneurs
qui le refusèrent. L'abbé de Cîteaux,
usant du pouvoir que lui donnoit sa
réputation de zèle et de capacité, or-
donne à Simon, comte de Montfort-
l'Amauri, de le prendre. Simon l'ac-
cepte. Il s'étoit beaucoup distingué en
Palestine, passoit pour homme de bien,
et se montroit très-zélé pour la cause
de l'église. Mais se trouvant maître de
beaucoup de places fortes, et à la tête
d'une belle armée, son zèle se changea
insensiblement en desir de régner, de
sorte qu'il ne prenoit pas
ne prenoit pas seulement les
places qu'occupoient les Albigeois, mais
toutes celles qui étoient à sa bienséance;
et non-seulement du domaine du comte
de Toulouse avec lequel il s'étoit brouillé,
mais encore de ceux des comtes de Foix,
de Comminges et de Béarn, qui n'é-
toient pas accusés d'hérésie.

Le comte de Toulouse, incapable, cette guerre. même avec le secours de ses alliés

d'arrêter ce torrent, alla à Rome, et
fit au pape une harangue si touchante,
que le St. Père ému écrivit au légat de
suspendre les hostilités contre Rai-
mond; que le crime d'hérésie, dont il
étoit accusé, ainsi que sa connivence
au meurtre du légat, Pierre de Chá-
teau-Neuf, ne lui paroissoient pas
bien prouvés ; qu'il falloit procéder
avec beaucoup de circonspection dans
cette affaire, consulter les prélats et
barons de France, faire enfin prompte-
ment paix ou trève, et ne plus tour-
menter ce malheureux pays. En effet
la guerre s'y faisoit avec une barbarie
affreuse. Les récits qui nous restent des
excès commis, de part et d'autre, font
horreur. La fureur des hérétiques s'exer-
çoit principalement sur les prêtres et
les moines, qu'ils regardoient comme
leurs principaux ennemis. Non seule-
ment ils détruisoient églises et monas-
tères, mais ils massacroient impitoya-
blement tous ceux qui tomboient entre
leurs mains, et les faisoient souvent ex-
pirer dans les tourmens. C'étoit une
rage des deux côtés, une rage aveugle,
une égale soif de sang. Guillaume IV
prince d'Orange, tombé entre les mains
des Albigeois, fut écorché vif par eux,
et coupé en morceaux. Quelquefois il

1211,

1211.

Sa fin. 1212.

se trouvoit dans les villes, attaquées
par les croisés, des catholiques mêlés
aux hérétiques. Prêts à livrer l'assaut à
Béziers, les assaillans vinrent demander
à l'abbé de Citeaux comment ils pour-
roient distinguer les catholiques, afin
de les sauver Tuez tout, répondit
:
l'abbé; Dieu connoit ceux qui sont à
Tui.

Raimond revenu de Rome s'étoit encore joint aux croisés; mais n'obtenant aucune justice, il les quitta, se tourna une seconde fois contre eux et recommença la guerre, pour recouvrer ce qu'ils lui avoient enlevé. Dans cette intention il demande du secours à l'empereurOthon, son parent. Le roi de France étoit en froid avec l'Allemand pour des intérêts politiques. Il fut piqué de ce qu'un de ses vassaux recouroit à un prince son ennemi. Non-seulement il abandonna le comte de Toulouse, mais encoreil se montra disposé pour Montfort, qu'il avoit jusque-là peu favorisé. Raimond ne tira pas grand avantage de l'imprudence qui lui avoit fait solliciter l'empereur; mais il trouva une bonne ressource dans Pierre, roi d'Arragon.

Ce prince avoit un grand intérêt de finir cette guerre qui infestoit les pays limitrophes à ses états, jusques et com

pris la Navarre. Outre les ravages dont ses peuples souffroient, cette croisade empêchoit les effets d'une autre que le pape lui avoit permise contre les Sarrasins. Déterminé par ces différens motifs, Pierre accourut au secours du comte de Toulouse, qu'il croyoit vexé injustement. Il s'y porta de si grand cœur que, ne se ménageant pas, il fut tué dans une bataille; le comte de Montfort fut tué aussi dans un assaut. Sa mort donna d'abord du relâche à la guerre, qui finit ensuite d'elle

même.

Cette croisade contre les Albigeois étoit comme une fièvre qui avoit ses intermittences. L'engagement des croisés n'étant que pour quarante jours, quand ce terme étoit expiré, ils se retiroient. D'autres à la vérité survenoient, mais dans l'intervalle du recrutement, les Albigeois s'étoient renforcés, avoient quelquefois repris des postes importans. Tant que Montfort vécut

les arrivans trouvoient une armée à laquelle ils s'incorporoient, regagnoient les conquêtes perdues, et en faisoient même de nouvelles. La mort de Montfort fit cesser ces alternatives. Les seigneurs, ses auxiliaires, se retirèrent dans leurs châteaux et s'y cantonnèrent.

1212.

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