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1214.

avoit consulté une sorcière qui lui ré→ pondit : « On combattra, le roi sera « renversé, foulé aux pieds des che→ «vaux, ne sera point enseveli; et « après la victoire Ferrand entrera en « grande pompe dans la ville de Paris >>. Cette prédiction, si elle n'a pas été faite après coup, est assez étonnante. En effet, on combattit, le roi fut renversé et foulé aux pieds des chevaux n'en mourut point; Ferrand entra dans Paris en grande pompe, mais différente de celle que la prophétesse avoit fait entendre; il étoit traîné à la suite du roi, chargé de chaînes, dans un charriot attelé de quatre chevaux; et le peuple a chanté long-temps une chanson qui finissoit par ce jeu de mots :

Et quatré Ferrants (1) bien ferrés,
Trainent Ferrand bien enferré.

Dans cette bataille ne paroissent ni Jean-sans-Terre, ni Louis, fils de Philippe. Ils étoient occupés l'un contre

(1) On donnoit alors le nom de Férans ou Ferrants, à des chevaux d'une certaine espèce ou d'une certaine couleur.

l'autre en Poitou, où le roi d'Angleterre 1214.
descendit avec une armée, pour opérer
une diversion favorable à Othon, son
neveu. Louis le défit en plusieurs ren-
contres, et enfin, dans un combat dé-
cisif livré près de Chinon, le même
jour, à ce qu'on dit, que la bataille de
Bouvines. On ajoute que les courriers
qui alloient porter réciproquement la
nouvelle de ces 'victoires, se rencon-
trèrent près de Senlis, dans le lieu
même où Philippe-Auguste a fait bâtir
une abbaye, honorée du nom de la
Victoire.

terre.

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Jean-sans-Terre se retira dans son Louis appelé royaume. Soit habitude de faire le en Anglemal, soit qu'il voulût se venger, sur ses sujets, du malheur qu'il venoit 1215-16. d'éprouver, il ne ménagea plus rien. Ce tyran tourmentoit le peuple par les impôts, violoit ouvertement les priviléges des villes et de la noblesse, et pilloit les églises. Cette fois, cependant, ce ne fut point le clergé qui l'inquiéta. Il trouva même, chez le pape, des ressources contre les entreprises de ses barons.

Fatigués de ses vexations, ils lui adressèrent d'abord des plaintes modestes. Il n'en tint compte. Alors ils élurent un chef qu'ils chargèrent, sous

1215-16.

le nom de maréchal de Dieu et de l'église, de contraindre le roi, par force s'il le falloit, à leur rendre justice. Jean parut se prêter à leurs desirs. Il convint de quelques réformes; mais, quand il crut avoir endormi leur ressentiment par la fausse sécurité qu'il leur inspiroit, il recommença à les mécontenter. Sans s'amuser alors à de nouvelles remontrances, ils le déclarèrent déchu de la royauté, et envoyèrent Pun d'entr'eux offrir la couronne à Louis, fils de Philippe-Auguste et neveu du roi d'Angleterre, par Blanche de Castille sa femme, qui étoit fille d'Eléonore, soeur de Jean. 11 accepte Le prince l'accepte et fait des préet la reçoit à paratifs. Le pape, depuis que Jean s'étoit déclaré vassal du St-Siège entretenoit en Angleterre un légat nommé Galon. Il passe en France en même temps que le député des barons; remontre à Louis que l'Angleterre, comme fief du St.-Siége, est sous la protection immédiate du pape ; que l'attaquer c'est attenter aux droits sacrés de l'église, et qu'il excommuniera tous ceux qui se rendront coupables de ce sacrilège. Louis et Philippe répondent: Jean est un homme vicieux, déshonoré par toute sorte de forfaits

la couronne

Londres. 1216.

condamné à mort par les pairs de France, pour l'assassinat d'Artur et d'autres crimes: il n'a pu donner un royaume dont il étoit déchu. Fort de ce raisonnement, Louis continue ses préparatifs. Son père faisoit semblant de n'y prendre aucune part, dans la crainte de se brouiller avec le pape. Il laisse donc partir son fils; mais il n'a pas la prudence de retenir Galon, ce qui se pouvoit, sous quelque prétexte. Le légat suit le prince, et en arrivant il l'excommunie. Ses foudres ne firent point alors grand effet. Louis étoit passé avec une bonne armée, portée, dit-on, sur sept cents vaisseaux. Les Anglais le reçurent avec acclamation. Il entra dans Londres honoré du titre.de libérateur du peuple, y fut couronné, et y présenta ainsi un spectacle dont la contre partie devoit avoir lieu en France, à deux cents ans de là.

1216.

Au moment où il se croyoit sûr du Mort deJeans trône, par la haîne que toute l'Angle-sans-Terre. terre portoit à Jean, ce roi mourut, les uns disent d'une indigestion, les autres du chagrin d'avoir perdu ses trésors au passage d'une rivière ; d'autres, enfin, par un crime qui marque l'espèce de rage dont on étoit possédé contre lui. Un moine, dit-on, d'une Tom. III.

I

1216. abbaye dont il avoit pillé les biens lui présenta du vin empoisonné, en fit l'essai en sa présence, pour lui ôter toute défiance, et mourut comme lui dans de violentes convulsions.

Le prince Louis est forcé de quitter l'An

gleterre.

1216-17.

Cette mort changea la face des affaires. Jean laissoit trois fils en bas âge. Les Anglais trouvèrent injuste de faire souffrir des fautes de leur père ces enfans innocens. Ils proclamèrent roi Henri III, l'aîné. Ce fut alors que les foudres de l'excommunication de vinrent utiles contre Louis. Il défendit courageusement le droit qu'on lui avoit donné, et eut des succès; mais son armée dépérissoit, même par ses victoires. Il passa en France pour en tirer des secours. Son père, dans ce voyage, ne voulut le voir qu'en secret, tant le souvenir des maux qu'il avoit éprouvés par

l'excommunication, lui faisoit craindre de s'y exposer de nouveau, en communiquant avec son fils excommunié!

Tous les Français ne furent pas si craintifs. Le prince remmena avec lui un corps de troupes assez considérables, prises sur-tout dans la noblesse. Blanche de Castille, son épouse, qui commença alors à faire présager ce qu'elle pourroit être dans des temps

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