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1254.

L'Université

aidât même ceux qui voudroient s'em-
barquer,
, ou quitter le royaume de toute
autre manière: on saisit les chefs dont
on ne fit que pen de ces exemples san-
glans, qui aigrissent plutôt les persé-
cutés qu'ils ne les corrigent. Ce défaut
de chefs, le besoin de vivres, le dé-
goût et l'ennui d'une vie errante,
rappelèrent beaucoup dans leurs de-
meures champêtres, où ils reprirent
leurs travaux ordinaires. Ainsi s'écoula
ce torrent, parce qu'on lui ouvrit un
passage; et Louis, à son retour, n'en
trouva que de foibles traces.

en

L'université lui causa quelqu'embarras. On peut se rappeler que les Jacobins et les Cordeliers reçus dans son sein, à condition de ne point enseigner publiquement, ouvrirent leurs écoles quand l'Université ferma les siennes, à l'occasion de l'excommunication de Philippe-Auguste : l'interdiction de l'instruction, qui rendoit oisifs une multitude d'écoliers, et faisoit fermenter le mécontentement dans ces jeunes têtes, étoit pour un corps enseignant, un grand moyen de soutenir ses priviléges, ou d'en obtenir du gouvernement que cette suspension inquiétoit. Si, dans ces temps de crise, les religieux continuoient de donner leurs leçons, l'Université n'avoit plus rien à espérer

de cette interruption qui lui avoit été quelquefois si utile. Elle fit donc un dé-cret qui portoit qu'aucun ne seroit reçu dans son sein, s'il ne s'obligeoit par serment à obéir à ses statuts, faits à ce sujet. Les religieux refusèrent de s'engager. Après bien des débats, l'affaire fut portée devant le pape, dont le tribunal étoit saisi d'une autre plus importante, en ce qu'elle touchoit la discipline de l'église Gallicane.

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Les atteintes que les religieux mendians y portoient, se connoissent par une bulle d'Innocent IV, donnée même avant les derniers troubles de l'Université : « Pour garder les droits à cha« cun, dit le souverain pontife, et spé- Discipline «cialement aux évêques et aux curés de l'église. « qui sont la vraie hiérarchie ecclé«siastique, les réguliers ne pourront « point, aux jours de fêtes, recevoir « les séculiers à l'office divin, ni à la « confession, sans la permission de « POrdinaire. Ils ne feront aucun ser<<< mon chez eux, pendant qu'on célé«brera l'office divin aux jours de fêtes <<< dans les paroisses, ni dans les autres « églises, sans l'ordre des évêques et «des curés des lieux ». Telle a toujours été la discipline de l'église de France. L'histoire ne doit pas la laisser

1254. ignorer. Dans ce procès sur la discipline se trouve souvent mêlée l'Université, parce que, si les religieux, en général se soumettoient à l'Ordinaire, ceux qui étoient admis au doctorat, se prétendoient, par ce titre, exempts de l'examen et de la jurisdiction épiscopale, quand ils vouloient confesser et prêcher. Il y eut sur ces matières, pendant six pontificats, plus de quarante bulles, atténuantes, confirmantes, explicatives, souvent contradictoires. Cette guerre de plume fut très-animée.

Actes de justice.

Les adversaires répandirent avec profusion les critiques, les satyres, les personnalités aigres et mordantes. Le roi ne se mêla de ces querelles que pour adoucir les esprits; elles se seroient plus envénimées, s'il avoit fait agir l'autorité. Elles ne finirent point,mais s'assoupirent.

Les quinze années qui s'ecoulèrent après le retour du roi, présentent peu 1255-69. d'événemens importans pour la postérité; mais les contemporains durent s'estimer heureux de vivre dans une période de temps qui fournissoit peu de matériaux à l'histoire. Son silence est quelquefois le signe du bonheur. Il se rencontre néanmoins, dans cette espace de temps, des faits qui méritent d'être recueillis. Le premier est une concilia

tion entre les enfans de la comtesse de Flandres, Marguerite, fille de Baudoin, premier empereur de Constantinople, et veuve de Bouchard d'Avesnes et de Guillaume de Dampierre. Elle voulut partager de son vivant ses états aux enfans des deux lits. Jean d'Avesnes, partagé du Hainaut, crut appercevoir dans sa mère de la prédilection pour Guy de Dampierre, son frère, qui obtint la Flandres. Il s'en plaignit amèrement, et s'échappa contre elle en propos insultans. Le roi invoqué dans cette discussion que le sort des armes tenoit encore en balance, termina le différend au desir de la mère, et ordonna que le griffon que les d'Avesnes portoient dans leurs armes, seroit peint désormais sans langue et sans griffes. C'est un talent dans un prince de proportionner la peine à la faute. C'en est encore un de savoir adoucir la remontrance.

« Une femme de qualité, vieille et « fort parée, lui demanda un entretien << secret. Il la fit entrer dans son cabinet « où il n'y avoit que son confesseur, et -« l'écouta aussi long-temps qu'elle vou<«<lut. Madame, lui dit-il, j'aurai soin de « votre affaire, si de votre côté, vous avez <«<< soin de votre salut, On dit que vous « avez été belle, ce temps n'est plus,

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« vous le savez. La beauté du corps
« passe comme la fleur des champs
<«<< on a beau faire, on ne la rappelle
« pas. Il faut songer à la beauté de
« l'ame, qui ne se fane pas. Ayez soin
« de votre ame, madame, et j'aurai
soin de votre affaire ». L'historien
qui rapporte ce fait, présume que la co-
quette se corrigea.

*

Les officiers du comte d'Anjou avoient jugé en sa faveur un procès dans lequel un de ses vassaux réclamoit un château qu'il prétendoit lui appartenir. Le condamné appelle au roi. Le comte, indigné de sa hardiesse, le fait mettre en prison. Les plaintes de l'opprimé parviennent à Louis: il le fait mettre en liberté. Mais le plaignant n'avoit pas d'argent pour suivre son procès; la crainte de désobliger le frère du roi lui fermoit toutes les bourses, et en même temps le privoit d'avocats. Louis lui en nomme un, lui avance de l'argent, et l'affaire scrupuleusement discutée, le comte est condamné, et l'appelant réintégré dans son château.

Une cause, à-peu-près pareille, suscita un procès par-devant le conseil du roi pour lui-même : il y étoit présent. Le possesseur de la terre en litige produisoit, comme pièce probante, une

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