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temps de régler ses affaires, et appela à la tutelle de ses enfans, et à la régence de son royaume, Baudoin V comte de Flandres, son beau-frère. La reine Anne, isolée et sans appui dans une Cour étrangère, ne parut pas, sans doute, à son mari, capable de soutenir une tutelle qui pourroit être orageuse. Elle ne se fàcha pas de la préférence donnée à son beau-frère ou s'en consola dans les douceurs d'un second hymen. Elle épousa Raoul, comte de Crépy et de Valois, en conservant toujours le titre de Reine; mais Raoul étoit parent de Henri; ce fut une cause de dissolution, et d'abord d'excommunication, parce qu'il refusoit de se séparer de la reine. On ne sait si ce commerce dura long-temps; mais après qu'il eut cessé, soit volontairement, soit par la mort de Raoul, Anne, à ce qu'on croit, retourna finir jours en Russie.

Henri I étoit belliqueux, brave, doux, humain et loyal. Son règne n'est taché, ni de perfidie, ni d'aucune cruauté; il respectoit la religion, accueilloit les prélats avec égard et les personnes doctes avec complaisance et affabilité.

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ágé de huit ans.

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40 roi de France. Son cara

La nature avoit beaucoup fait pour Philippe I, Philippe I; il étoit d'une taille ma jestueuse, avoit une physionomie ouverte, les yeux vifs, beaucoup d'apti- tère. tude aux exercices du corps, il montroit de l'esprit et du courage. Baudoin cultiva ces heureuses dispositions avec quelque succès; mais il paroît qu'il ne put lui donner ni le goût de l'application, ni une certaine ardeur pour le travail, si nécessaire à un roi. Montant sur le trône à huit ans, et déjà couronné, il eut le malheur d'être flatté et approuvé de bonne heure ; ce qui l'accoutuma à s'abandonner à ses passions, sans recpecter souvent ni lois, ni bienséance. Le jugement le moins désavantageux que les historiens aient porté de ce prince, c'est qu'il fut un égoïste sur le trône, voyant rouler autour de lui les événemens les plus importans, sans y prendre de part active, que quand le cours des circonstances l'entraînoit. Tel est, àpeu près, l'aperçu de son règne ; qui a été un des plus longs de la mo narchie.

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Conduite

gent.

Les premières années de la régence de Baudoin, furent troublées par la ferme du ré- répugance de plusieurs seigneurs à reconnoître son autorité, et par leurs efforts pour s'y soustraire. Les plus opiniâtres dans leur indépendance étoient les Gascons, comme les plus éloignés du centre. Le régent leve subitement une armée, sous prétexte d'aller secourir les Chrétiens d'Espagne contre les Maures. Quand il se trouve au milieu du pay's des rebelles, il tombe à l'impro→ viste sur leurs villes, prend leurs forteresses, bat leurs troupes et les force de faire l'hommage qu'ils refusoient Baudoin prend, selon les circonstances, d'autres mesures pour assurer l'autorité et augmenter les petits états de son pupille. Il se mêle dans les que relles de ses voisins, autant qu'il faut cependant pour ne pas s'attirer des guerres trop importantes, et à titre, tantôt d'auxiliaire, tantôt d'arbitre il obtient des châteaux, des villes, et même des provinces entières; témoin le comté de Châteaulandon qu'il se fit céder, en récompense de ce que, des deux frères qui se disputoient le comté d'Anjou, il s'engagea à laisser tran→ quille possesseur le cadet, Foulquesle-Rechin, qui, pour en jouir, avoit

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assassiné son aîné, ou le tenoit enfermé.

Quelques personnes penseront que dans l'impuissance de punir le crime, Baudoin fit bien d'en profiter à l'avantage de son pupille, d'autant plus que l'assassin n'auroit pu être châtié sans qu'on tourmentât les peuples qui n'étoient point coupables.

Pendant la régence arriva la conquête de l'Angleterre par Guillaume, duc de Normandie. Ce prince n'avoit pour lui que le testament vrai ou supposé, d'Edouard le saint, mort sans enfans. Il se présentoit contre lui un Harold, fils de Godwin, ministre tout-puissant sous les derniers règnes. Chacun avoit ses partisans. Guillaume manquoit d'argent, et au moment où il alloit tenter l'entreprise, le duc de Bretagne lui déclara la guerre, comme ayant sur la Normandie, par sa mère fille de Robert-le-Diable, plus de droit que le bâtard de ce dernier duc. Les seigneurs normands ne voyoient pas de bon œil le projet d'Angleterre. Guillaume leur demandoit de l'argent: s'il échouoit, ils craignoient de rester dépouillés et appauvris; s'il réussissoit, leur pays pouvoit devenir une province d'Angleterre : ils le refusèrent.

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Conquere de l'Angle

teire.

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donc unanimement dans une assemblée générale qu'il avoit convoquée.

L'adroit Guillaume ne se désespère pas. Il prend chacun à part, les flatte, les sollicite. Tel qui n'auroit rien donné se sentant appuyé des autres seul vis-à-vis d'un prince, qui pouvoit un jour se ressentir de son refus, ouvroit sa bourse, vendoit ses meubles, engageoit ses terres, levoit pour lui des soldats et construisoit des vaisseaux. Il ne s'en tint pas aux Normands. Il empruntoit de tous côtés, et à gros intérêts, qu'il hypothéquoit sur les biens qu'il donneroit à ses prêteurs quand il seroit maître de l'Angleterre.

Il avoit plus d'une manière pour parvenir à son but ; s'il marchandoit avec quelques-uns, avec d'autres il affectoit un procédé noble et désintéressé. Par exemple, à Baudoin, régent de France, comte de Flandres et un peu son parent, il envoye un blancseing, avec prière de le remplir de la somme et de l'intêrêt qu'il voudra. On dit que le Flamand s'appliqua trois cents marcs d'argent de rente, dont les fonds furent fournis en vaisseaux, munitions, soldats, qu'il leva autant, et peut-être plus, en France qu'en Flandres.

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