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vie plus austère que celle du commun des chrétiens: les chartreux, institués par saint Bruno, chanoine de Reims; les gramontins par Etienne, gentilhomme; les prémontrés par saint Norbert; et les moines de Citeaux par Robert, abbé de Molême: tous Français, qui cherchèrent dans leur patrie les solitudes les plus désertes, les terreins les plus ingrats, qu'ils ont rendus fertiles par un travail opiniâtre, et qui sont devenus entre leurs mains la source de grandes richesses, long-temps enviées, quoique légitimement acquises.

Ceux qui ne dédaignent pas les lectures un peu tristes dans lesquelles on trouve quelquefois les mœurs de nos ancêtres, remarqueront que les règles

de ces ordres sont dures, sévères, faites pour rompre la volonté, et courber les têtes sous un joug despotique : seroit-ce par contraste et dans l'intention de rendre le sceptre de l'autorité moins pesant pour les religieux, que Robert d'Arbrissel l'a mis entre les mains des femmes ? Il étoit né dans le diocèse de Rennes. Urbain II lui donna

une mission particulière pour prêcher aux peuples. Son éloquence le fit suivre par une multitude de personnes des deux sexes dans le Poitou et l'Anjou

1095.

1095.

Effets de

nication.

où il exerçoit son talent. Arrivé sur les confins des deux provinces, il jugea une solitude nommée Fontevraud, où il se trouvoit, propre à fixer les plus zélés de ses auditeurs. Il y bâtit d'abord des cabanes, qui devinrent bientôt deux monastères; l'un destiné aux femmes, qui devoient avoir toute l'autorité; l'autre aux hommes, qu'il mit sous la dépendance absolue des femmes. Lui-même se soumit à l'abbesse qu'il vonoit d'établir, à l'exemple, disoit-il, de saint Jean, qui depuis que JésusChrist lui avoit donné la sainte Vierge pour mère, étoit resté constamment subordonné à sa volonté.

Mais si d'une part la France s'édifioit l'excommu- de ces établissemens pieux, d'une autre elle demeuroit toujours scandalisée de l'excommunication de son roi. Il est vrai que Philippe faisoit de temps en temps des tentatives pour obtenir la levée des censures; mais il ne réussissoit pas, parce qu'il refusoit toujours de se séparer de Bertrade: au contraire, outre que l'excommunication avoit été solennellement prononcée par Urbain 11 dans le Concile de Clermont, elle fut réaggravée dans plusieurs autres conciles tenus par des évêques de France, et il paroît qu'on ne lui épar

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gnoit aucune des humiliations attachées à cette peine. Il étoit comme isolé dans sa Cour. Ses domestiques ne lui rendoient que les services les plus indispensables, encore avec l'air de la contrainte et du regret. A peine ses sujets remplissoient-ils à son égard les devoirs de bienséance. On ne récitoit l'office divin qu'à voix basse devant lui, et il n'osoit y paroître la couronne sur la

tête.

1095.

Louis VI.

1104.

Le mépris des peuples qui se mani- Sacre de festoit quelquefois ouvertement, et leurs murmures, firent craindre au roi des troubles, peut-être une révolution. Ces circonstances le déterminèrent à partager son trône avec Louis son fils, et à le faire sacrer, quoiqu'il n'eût pas encore vingt ans. Il s'étoit déjà distingué, et continua de se signaler encore contre des vassaux qui affectoient l'indépendance. On commença alors à apercevoir l'effet de la croisade. L'absence de ceux qui étoient en orient priva ceux qui restoient du secours qu'en semblables occasions les vassaux se donnoient réciproquement contre le souverain; la diminution d'hommes propres aux armes, qui restoient presque tous croisés, exposoit aux attaques du jeune prince les seigneurs, dénués

1104.

Danger

de leurs forces ordinaires. On nomme, entre ceux qu'il soumit, les ducs comtes, châtelains de Montmorenci de Luzarche, de Mont-Lhéri, de Marle et Couci, des seigneurs des Marches de Champagne et de Berry, réfractaires d'autant plus dangereux, qu'ils étoient plus voisins. L'activité que le jeune roi mit dans cette guerre l'a fait surnommer

le Batailleur.

Sa couronne ne le mit pas à l'abri qu'il court. de désagrémens qu'il éprouva à la Cour 1104-6. de son pere; peut-être même les occasionna-t-elle par la jalousie qu'elle inspira à Bertrade, mère de deux fils qu'elle élevoit dans l'espérance du trône, ou du moins d'un très-grand apanage. Comme la fermeté de Louis ne lui permettoit pas beaucoup d'espoir, elle lui donna' tant de dégoûts qu'ils se retira auprès de Henri I, roi d'Angleterre. Il n'y fut pas plutôt arrivé que ce prince reçut une lettre cachetée du propre sceau de Philippe, par laquelle il étoit prié de faire mourir son hôte, ou du moins de le retenir prisonnier. Henri, peu scru puleux d'ailleurs, puisqu'il venoit de faire aveugler son frère aîné pour s'assurer la couronne, montre la lettre à Louis. Le jeune prince part bouillant de colère. Il va droit à son père. Je

remets, dit-il, entre vos mains un fils que vous avez condamné sans l'entendre. Philippe ignoroit cette intrigue; il en montra son étonnement et son indignation. Sans doute il fit entre son fils et sa maîtresse ce qu'on appelle vulgairement une paix plátrée, comme font ordinairement les hommes foibles, amis de leur repos.

Apparemment l'accommodement ne fut par d'abord bien sincère, puisqu'on dit que Louis fut empoisonné, qu'il ne fut sauvé que par l'habileté d'un médecin qui n'étoit pas celui de la Cour, et qu'il porta toujours sur son visage, couvert d'une pâleur livide, la preuve du crime tenté contre lui. Philippe donna en propre à son fils le Vexin Français et la ville de Pontoise, pour y résider à l'abri des embûches dont le séjour de la Cour pouvoit le

menacer.

11046.

Bertrade.

munication levée.

Mais, comme tout a un terme, de Accommonouvelles circonstances mirent une paix deinent avec solide dans cette Cour agitée. Bertrade, L'excomvoyant que tous ses efforts pour se faire déclarer épouse légitime, avoient été inutiles, songea du moins à procurer un sort à ses enfans. Elle avoit besoin pour cela duconcours de Louis. Adroite et insinuante, elle sut si bien le flatter,

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