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DE L'ACQUISITION

DE LA PROPRIÉTÉ DES OBJETS D'ANTIQUITÉ

ET DES

PIÈCES AUXQUELLES S'ATTACHE UN INTÉRÊT SCIENTIFIQUE.

RAPPORT

SUR UN ÉCRIT DE M. GUSTAVE AZZURRI, PUBLIÉ A ROME (1);

Par M. VICTOR MOLINIER (2).

L'Académie a bien voulu me confier l'examen d'un écrit de M. Gustave Azzurri, publié à Rome en 1865, sous ce titre : Le vrai propriétaire des monuments de l'antiquité. Le sujet qui fait l'objet de ce livre, offre sous divers rapports de l'intérêt : il s'agit d'établir à qui appartiennent les objets d'archéologie qui viennent à être découverts dans le sol qui les recélait. La même question peut aussi être agitée à raison des pièces qui concernent l'ethnographie, la paléontologie et l'histoire naturelle, qui, dans ces derniers temps ont si souvent été retirées des cavernes qui les contenaient ou ont été exhumées du sein de la terre. Ces objets divers, qui peuvent avoir une grande valeur, appartiennent-ils au propriétaire du fonds qui les recélait, ou à celui qui les a découverts dans le fonds d'autrui; doiventils, au contraire, être mis au nombre des choses qui ne tombent pas dans le domaine privé et qui appartiennent à l'Etat?

(1) Il vero proprietario dei monumenti antichi per Gustavo Azzurri Romano. Roma dalla tipografia Sinimberghi, 1865. Grand in-8°, 267 p.

(2) Lu dans la séance du 5 janvier 1871.

Telles sont les questions que soulève le titre que M. Azzurri a donné à son travail et auxquelles il peut être important de donner une solution.

M. Azzurri ne s'occupe que des monuments de l'antiquité; il ne parle en aucune manière des pièces qui peuvent offrir de l'intérêt pour les études d'anthropologie, et pour tout ce qui touche aux sciences naturelles. Tout son travail paraît se rattacher à la pensée d'assurer aux Etats-Romains la propriété des objets si nombreux d'antiquité que leur sol recèle et que des fouilles intelligentes ou des faits fortuits, viennent fréquemment mettre au jour. Dans ce moment et à suite des événements politiques qui s'accomplissent dans l'Italie, il s'agirait de savoir si le gouvernement Italien pourrait revendiquer ces objets en propriété. L'intérêt du sujet du livre de M. Azzurri peut ne plus être le même, mais les principes à l'aide desquels il a voulu donner une solution à la question qu'il a posée, n'ont en rien changé.

Précisons donc cette question en nous servant des termes dans lesquels l'a conçue M. Azzurri. Il se demande « si les monuments et les restes de l'antiquité, soit qu'ils aient, dans les temps passés, fait partie du domaine public, soit qu'ils aient été dans celui des particuliers dont les successeurs sont inconnus, doivent appartenir au possesseur du fonds dans lequel ils ont été découverts, ou ne doivent pas plutôt être considérés comme étant, par un droit d'hérédité, la propriété de la nation qui a remplacé celle dont ils émanent, ou de l'autorité qui la représente (1)..

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Selon lui ces précieux restes des âges passés, sont d'une nature telle qu'ils ne peuvent pas tomber dans le domaine privé. Les nations qui ont disparu du sol qui les porte, les ont légués

(1) « Tale è la questione che io mi sono prefiso di sviluppare . se i monumenti cioè, quali essi siano, che rivelano l'antica opera dei maggiori, che appartennero al publico antiquo o ai privati ancora dei quali però fù perenta necessariamente la linea delle successioni, che non sono lavoro dell'uomo che li ritrova, sieno in dominio del caso fortuito, del proprietario del fondo sotto cui furono ritrovati, o non piuttosto siano proprietà ereditaria dell'intero popolo che succede, dell'autorità che lo rappresenta. » P. 58.

à celles qui les ont remplacées. Le propriétaire qui les trouve dans son fonds doit en faire la remise à l'Etat sans avoir droit à autre chose qu'à être indemnisé de ses travaux et qu'à une récompense.

Il demande qu'en adoptant cela en principe, on modifie une loi des Etats Romains du 7 avril 1820 qui confère au Gouvernement des droits sur les restes des anciens édifices et des anciennes constructions auxquels se rattache un intérêt historique, mais qui reconnaît aux inventeurs (1) des objets mobiliers que recèle le sol, sans qu'ils y soient adhérents, les droits accordés sur les trésors à ceux qui ont la chance heureuse d'en faire la découverte. Il estime que les raisons sur lesquelles on se fonde pour attribuer à l'Etat un droit sur les objets immobiliers, sont également applicables aux choses mobilières qui n'adhèrent pas au sol et que la terre recèle simplement dans son sein (2).

Ce n'est pas, dit-il, parce qu'une chose se range dans la classe des immeubles ou des meubles, qu'au point de vue de l'archéologie cette chose est considérée comme un reste précieux des temps passés, mais c'est à raison des souvenirs qu'elle rappèle, des faits historiques qu'elle vient attester. Si on attribue en propriété à l'Etat le sépulcre de Cécilia Métella, les arcs de triomphe, les Termes et leurs dépendances, pourquoi n'en serait-il pas de même pour le Char à deux roues du Vatican, pour les groupes du Quirinal, pour ceux de Castor et Pollux, pour la fameuse Louve de bronze exhumée au xve siècle sur le Mont Palatin expression saisissante de la pureté de l'art Etrusque et des croyances populaires sur les origines de Rome. On considèrera donc comme chose mobilière appartenant à l'inventeur parce qu'ils ont été détachés des monuments auxquels ils étaient

(4) Agli inventori, les INVENTEURS, d'invenire découvrir.

(2) « Si reclamerebbe con tale principio l'abolizione di quell'articolo della legge del 7 aprile 1820, che dopo aver dato al governo gli avanzi di antichi edifizi e degli immobili meritevoli di particolare riguardo che si rinvengono sotterra con tutte le loro parti integranti, salva al proprietario l'indennità per il suolo occupato; concede poi agli inventori i monumenti amovibili che non facendo parte degli immobili ritiene per tesauri, come se la ragione per cui sono ritenuti del publico gli immobili ed i mobili trovati in essi, non militasse identica per gli amovibili trovati altrove. » P. 59.

scellés, le Colosse du Nil, celui de l'Hercule Pompéien, l'Hercule donnant la mort à l'Hydre, le Faune antique, les statues de Diane, de Vénus, de Pompée, d'Auguste, enfin tous ces restes précieux de l'antiquité qui sont susceptibles d'être transportés dans tous les musées de l'univers (1).

Après avoir largement exposé les raisons qui peuvent être invoquées pour établir la propriété de l'Etat sur tous les objets d'antiquité mobiliers ou immobiliers, M. Azzurri donne à la fin de son travail, un projet de loi qui résume ses idées et qui en assurerait l'application. Ce projet déclarerait propriété du public ou de l'autorité qui gouverne, tous les monuments de l'antiquité consistant dans des objets immobiliers ou mobiliers et quel que fut le propriétaire du fonds dans lequel ils auraient été découverts. L'inventeur n'aurait droit qu'à des indemnités et à une récompense.

Les sociétés qui auraient entrepris des fouilles pour leur compte, obtiendraient en sus d'une récompense une partie de la valeur des objets d'antiquité qu'elles auraient découverts. Tout propriétaire qui ferait la découverte de ces objets dans son fonds, devrait en faire la déclaration dans un delai de trois jours. Toute personne pourrait dénoncer le fait. Faute de déclaration, une amende serait infligée au maître du sol ainsi qu'à l'inventeur et à ceux qui auraient travaillé sur le lieu de la découverte; ils encourraient aussi la déchéance de tous droits à des indemnités.

Tout pacte relatif à des objets d'antiquité serait nul et le Gouvernement pourrait revendiqner ces objets contre tous possesseurs qui, de plus, lui devraient le remboursement des frais exposés pour les récupérer. Les dispositions des lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, seraient applicables aux terrains dans lesquels le Gouvernement croirait devoir entreprendre des fouilles (2).

(1) Pages 59 et 60.

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(2) P. 265. Notre honorable et excellent collègue M. Gustave de Clausade a bien voulu nous communiquer un édit du cardinal Doria Pamphili qui promulgue un acte autographe du pape Pie VII, donné à Rome au Quirinal le premier octobre 1802. Ce document intéressant établit en faveur du chef du gouvernement

7e SÉRIE.

TOME III.

13

Voilà ce que propose M. Azzurri. Nous n'avons pas cru devoir le suivre dans l'exposé de toutes les raisons qu'il donne à l'appui de ses idées. Le résumé en serait long et pour nous peu

pontifical un droit de propriété sur les objets d'antiquité qui existent ou qui seraient découverts à Rome ou dans les Etats Romains. Voici quel en est le titre : Chirografo della Santità di nostro signore Pupa Pio VII, in data del primo ottobre 1802, sulle antichità, e belle arti in Roma, e sullo stato ecclesiastico con Edito dell'Emo, e Rmo sig. Cardinale GIUSEPPE DORIA PAMPHILJ, Pro-Camerlengo di santa chiesa. In Roma MDCCCII. Presso Lazzarini stampatore della Rev. cam. apost. Les articles 1, 2, 3 et 4 de cet Edit prohibent la sortie des Etats Romains des objets d'art et d'antiquité. Ceux qui enfreindront cette prohibition ainsi que leurs fauteurs et complices encourront une amende de 500 ducats d'or et un châtiment corporel qui pourra être porté jusqu'à cinq années de galères.

D'après les dispositions de l'art. 6 l'exportation de ceux de ces objets qui ne doivent pas être placés dans les musées de Rome, ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une autorisation qui n'est accordée qu'après qu'ils ont été vus et à suite d'un rapport de l'inspecteur et du commissaire des antiquités.

Il y a injonction à tous ceux qui exécutent des travoux sur les voies publiques ou vicinales, strade publiche o vicinali, de s'abstenir de détériorer les monuments antiques et obligation de mettre en réserve les objets d'antiquité sur lesquels le chef de l'Etat peut avoir à exercer des droits: essendo queste cose reservate al Principe (art. 12).

Les maîtres ou ouvriers qui viendront à découvrir des objets d'antiquité en creusant des fondements, en remuant des terrains ou en y faisant des travaux quelconques, devront, sous des peines diverses et sévères, en faire la déclaration à l'autorité dans les dix jours, pour que ces objets puissent être acquis au nom du chef de l'Etat, à des prix raisonnables. Il en sera également ainsi par rapport aux restes des habitations romaines et des édifices antiques qui viendraient à être découverts, même sans la présence d'objets mobiliers.

L'art. 14 de ce même Edit, dont nous croyons devoir reproduire les termes, assujettit, sous des peines sévères, tous les particuliers qui veulent faire exécuter, sur les terrains qui leur appartiennent, des fouilles pour y découvrir des objets d'antiquité, à en obtenir l'autorisation et à faire connaître les objets trouvés : « Niuno potrà neppure nei suoi privati fondi fare Scavi per ritrovare Antichità, e » Tesori nascosti, senza vostra particolar licenza, in cui si preserveranno sempre » i soliti diritti fiscali sulla porzione degli oggetti ritrovati : ottenuta la licenza, si » dovrà avvertire dallo Scavatore, e dal Deputato assistente, l'ispettore delle » belle arti, ed il Commissario delle antichità del giorno preciso, in cui si comincia >> lo Scavo. Sara poi in loro libertà o per se medesimi, o per mezzo dell'Assessore » della Scultura, o trattandosi di Scavi lontani da Roma, di altre persone, che da » Voi saranno destinate, di assistere allo Scavo medesimo, quando a Voi parerà : » su di che v'incarichiamo di usare la maggiore vigilanza. Si dovrà dare dallo Sca› vatore una esatta denuncia degli oggetti ritrovati, presso il Segretaria di Camera › da voi destinato in Roma, e nelle Provincie presso il Canceliere della Comunita; › e trovandosi quella mancaute, sarà l'uno, e l'altro punito a misura della infe» deltà. Chiunque intraprenderà Scavi senza la Nostra licenza, o non eseguirà la › succennata prescrizione, oltre la perdita della roba in caso, che l'abbia trovata,

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