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de constater sur la carte civique de chacun les faits par lesquels il a pu se rendre dangereux pour la sécurité des personnes ou de leurs biens.

« Le droit de succession est aboli.

« L'état de mariage vaut mariage, de même que l'état de divorce vaut divorce... >>

Quelle serait dans cette société la constitution politique de la France?

La réponse à cette question se trouve dans le journal Le Parti ouvrier (11 avril 1894), qui demande « la transformation de l'État centralisateur en communes fédérales. » C'est donc, en réalité, le souvenir de la Commune qui domine et conduit les socialistes d'aujourd'hui.

Suppression de l'unité française, destruction de la bourgeoisie, anéantissement du capitalisme, de la propriété individuelle, de l'état social, abolition du suffrage universel; tel est, en résumé, le programme socialiste.

Nous savons ce que détruit ce programme; que fonde-t-il? Un Quatrième État; conception odieuse et burlesque, ainsi que nous le démontrerons.

Qui pourrait, en effet, donner de ce Quatrième État une définition complète (1)? où commmence-t-il? où finit-il ? Ce n'est qu'un mot qui sert à tromper le peuple et ne peut produire qu'une lutte de classes, dont la solution serait, comme de toutes les guerres sociales, dans une dictature; le despotisme ne peut engendrer que le despotisme. Or un Quatrième État serait le despotisme d'une partie de la nation sur les autres parties qui la composent; tyrannie socialiste qui en produirait une autre.

M. J. Dabernat (Evolution) s'exprime ainsi au sujet de ce Quatrième État

(1) Un journal, dont le premier numéro vient de paraître (avril 1894) Le Quatrième-État, oublie de définir ce qu'est le QuatrièmeÉtat dont il se fait l'organe.

<< Il n'y a pas à évoquer de Quatrième État, pas plus qu'il n'aurait dû être question du Tiers État, en 1789; cette formule n'était que l'expression incomplète de la pensée la plus féconde qui ait animé le monde de son souffle.

<«< Au nom de l'unité nationale, au nom de la fraternité, écartons cette idée dissolvante; rayons cette étiquette mensongère qui évoque la pensée des castes qui ne doivent plus revivre.

« C'est à la nation tout entière, non pas avec ses classes, mais considérée dans ses multiples et changeantes catégories, ses mobiles agglomérations d'hommes, qu'il faut penser lorsqu'on fait les lois et qu'on les applique.

« Ce qu'il faut, dans ce moment où, sous une apparence d'ordre, l'anarchie règne dans les esprits, c'est que chacun soit pénétré de cette pensée qu'il n'y a pas, à proprement parler, d'institution primordiale à fonder: ces institutions, nous les possédons; la Déclaration des droits de l'homme les contient en principe; il n'y a qu'à revenir à l'application, à l'interprétation juste et équitable des articles de cette formule, expression d'un sublime élan vers le bien.

« C'est là encore la tâche des meilleurs et des plus intelligents. >

On ne peut qu'approuver cet éloquent langage. Toutefois, nous ferons des réserves au sujet du Tiers État que condamne M. Dabernat comme formule incomplète. La Révolution n'a pas créé une caste nouvelle, puisqu'elle les a supprimées; le Tiers État n'a pas de limites fixes, car il est ouvert à tous les travailleurs qui en font, ou peuvent en faire partie, parmi lesquels il s'est recruté, se recrute encore et se recrutera jusqu'au jour où les socialistes auront réussi à créer un Quatrième État. Le Tiers État ne peut avoir de limites; il est la nation. C'est folie coupable que de chercher à créer un Quatrième État; c'est vouloir détruire l'œuvre essentielle de la Révolution.

Guerre à la bourgeoisie! Destruction de la bourgeoisie ! Socialistes, qui avez ce cri de ralliement, ne sentez-vous pas que la bourgeoisie est le point central de la société; que, sans elle, les deux autres états reprennent la prépondérance qu'ils avaient avant 1789. Vous affirmez que vous voulez le salut de la République, dont l'existence serait menacée, et vous n'ignorez pas que la dictature s'impose, si vous détruisez la bourgeoisie. Voyez les exemples de l'histoire; écoutez ce que dit Bossuet: « Les grands ambitieux, et les misérables qui n'ont rien à perdre, aiment toujours le changement. Ces deux genres de citoyens prévalaient dans Rome; et l'état mitoyen, qui seul tient tout en balance dans les États populaires, étant le plus faible, il fallait que la République tombât. »

C'est dans l'histoire des peuples que Bossuet puisait cette ́ doctrine. L'étude du communisme à Lacédémone et dans l'antiquité nous dira aussi le sort des États qui ne connurent que deux extrêmes : oppresseurs et opprimés, hommes libres et esclaves.

De cette étude se dégagera une autre vérité, que méconnait le socialisme en tendant à la suppression de l'individualisme par le collectivisme. Pendant qu'à Athènes l'individualisme faisait la force, la prospérité, la gloire de la République, à Sparte l'individu était fondu dans l'ensemble dont il n'était qu'une partie inconsciente, sans volonté propre, sans initiative; il obéissait à des lois qui en faisaient une chose, qui l'immobilisaient, qui l'annihilaient.

De même que l'homme, privé de l'initiative individuelle, devient inerte, de même une société, privée de gouvernement, devient impuissante et ressemble au chaos. Le gouvernement est à une société ce que le cerveau est à l'homme. « L'observation, dit M. C. Monnier (Exposé du positivisme), nous montre qu'à toutes les époques et dans tous les pays, les sociétés humaines ont toujours eu à leur tète cet appareil régulateur.

Dans la simple famille l'autorité paternelle fournit le type du gouvernement, type qu'on a toujours essayé de réaliser dans la société et où la bonté s'allie à la fermeté.

<< Sous des chefs vaillants et courageux, l'homme primitif a pu vaincre les résistances animales et prendre la prépondérance terrestre que des efforts individuels isolés n'auraient jamais procurée. Cette concentration des efforts humains, indispensable au début, ne l'est pas moins à notre époque où la multiplicité croissante des fonctions sociales exige une constante réaction de l'ensemble ou du gouvernement sur les parties. On peut passagèrement déplorer les excès ou les abus de la fonction gouvernementale, mais nous devons nous incliner devant cette loi naturelle que l'organisation sociale est incompatible avec l'absence de direction. L'aversion que quelques esprits éprouvent à l'égard des vues ci-dessus tient à des circonstances locales et transitoires. Nous marchons, d'ailleurs, vers un état où la fonction du gouvernement doit se limiter à un nombre assez restreint d'attributions. >> Suppression de l'individualisme et centralisation poussée à ses dernières limites, dit le collectivisme; décentralisation et développement de l'individualisme, tout en maintenant la direction gouvernementale, tel est le programme positiviste. Entre ces deux programmes, les hommes soucieux du progrès social ne sauraient hésiter.

Il était utile d'esquisser rapidement la nouvelle société que rêve certain socialisme, avant d'étudier les doctrines qui ont précédé celles que nous venons de résumer.

CHAPITRE II

Le communisme dans l'antiquité.

« Ces hypocrites commencent par prêcher le communisme, puis ils confisquent la communauté au profit de leur ventre. >>

(PROUDHON.)

Le communisme n'est pas une invention moderne de quelques cerveaux mal équilibrés. Nous trouvons l'application, dans l'antiquité, de ce régime qui avait été exclusivement celui des premiers hommes.

Le communisme était appliqué, notamment, à Sparte et dans l'île de Crète. Minos et Lycurgue furent les législateurs de ce système politique et social.

Le communisme avait une première base, l'esclavage; c'est l'aristocratie communiste; le pouvoir, la propriété, la force sont en communauté; mais cette communauté est réduite à quelques milliers d'individus qui seuls se considèrent comme des hommes; c'est la minorité écrasant la majorité; celle-ci se compose de bêtes de somme, de Grecs réduits en esclavage, au lieu d'être des citoyens, au même titre que les autres.

Tel est encore l'état social des peuplades sauvages du centre de l'Afrique. Les prisonniers sont réduits en esclavage; ils sont vendus; ils constituent une marchandise; quelquefois ils sont mangés.

L'esclavage à Lacédémone, dont la constitution est souvent proposée comme modèle, avait atteint son maximum de rigueur. C'était l'abus extrême de l'esclavage, tel que le définit Montesquieu dans les lignes suivantes : « L'abus ex

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