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qu'il n'y aura, dans la future société, aucune organisation définie, aucun État dans le sens où nous prenons le mot aujourd'hui. « Il n'y aura pas d'État socialiste, dit Bebel, il

n'y aura que

la société socialisée. »

Le socialisme français a copié ces doctrines: l'État et les pouvoirs publics sont remplacés par là fédération des travailleurs; la souveraineté sociale est exercée par l'universalité des prolétaires.

Beaucoup plus ancien que les Congrès de Halle (1890), d'Erfurt (1891) et de Berlin, qui les a sanctionnés, est le Congrès de Gotha qui, dès 1874, servait de lien aux socialistes allemands, alors peu nombreux, et lui permettait d'émettre un corps de doctrines. Nous lisons, notamment, dans le texte de leur programme:

Le travail est la source de toute richesse et de toute civilisation, et comme un travail profitable à tous n'est possible que par la société, c'est à la société, c'est-à-dire à tous ses membres que doit appartenir le produit général du travail, avec obligation pour tous de travailler, et avec un droit égal pour chacun de recueillir du fruit de ce travail commun la part nécessaire à la satisfaction de ses besoins raisonnables.

Dans la société actuelle, les instruments de travail sont le monopole de la classe capitaliste; la dépendance forcée qui en résulte pour la classe ouvrière est la cause de la misère et de la servitude sous toutes ses formes.

L'affranchissement du travail exige la transmission des instruments de travail à la société tout entière et le règlement collectif de l'ensemble du travail, avec l'emploi du produit du travail conforme à l'utilité générale, et selon une juste répartition.

L'affranchissement du travail doit être l'œuvre de la classe ouvrière, en face de laquelle toutes les autres classes ne forment qu'une masse réactionnaire.

Le parti socialiste allemand, dit B. Malon (Précis du socialisme), a modifié son programme au Congrès d'Erfurt, dans un sens plus révolutionnaire; ce parti, ajoute-t-il, sera d'autant moins suivi dans cette voie que les prolétaires, incités par leurs appréciables succès électoraux, notamment dans le domaine communal, vont se préoccupant davantage de réalisations immédiates. Une résistance absolue de la bourgeoisie dirigeante pourrait seule enrayer ce naissant mouvement réformiste et rendre inévitables et prochaines les conflagrations.

En résumé, le socialisme allemand, c'est la révolution sociale sans lendemain. Le socialisme français, qui s'inspire de la doctrine allemande, veut également détruire et ne sait par quoi remplacer. Il ne peut avoir qu'un résultat immédiat, la lutte des classes et la guerre sociale au profit d'un quatrième État qui yeut, en vertu des principes de liberté et d'égalité, se substituer aux autres. « En face de la classe ouvrière toutes les autres classes ne forment qu'une masse réactionnaire », qu'il faut supprimer par tous les moyens, aurait pu ajouter le programme de Gotha.

On ne peut nier l'influence du socialisme allemand sur le socialisme français. L'internationalisme nous en fournira la preuve.

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Une connexité intime existe entre la révolution sociale, le quatrième État, le collectivisme et l'internationale. Dès 1855, un premier groupement de socialistes révolutionnaires appartenant à plusieurs nations se forma et émit un programme dans lequel nous lisons: « Le but de la Société est de propager les principes de révolution sociale, de travailler activement par tous les moyens en son pouvoir, et d'arriver ainsi à établir la République démocratique, sociale, universelle..

<< Nous ne demandons pas l'aide de la bourgeoisie pour accomplir la révolution sociale, et nous sommes persuadés que, si nous la demandions, nous ne l'obtiendrions pas. Ce que nous avons à faire, c'est de ne nous en rapporter à personne qu'à nous-mêmes. >>

Ce programme resta sans écho. Mais, dix ans plus tard, une nouvelle association internationale de travailleurs était formée sur des bases plus durables. Des délégués ouvriers de France, d'Allemagne, de Suisse, de Belgique et de Pologne rédigeaient, en 1864, à Londres, une déclaration qui commence en ces termes: «Considérant que l'émancipation des travailleurs doit être l'oeuvre des travailleurs euxmêmes, que les efforts des travailleurs pour conquérir leur émancipation ne doivent pas tendre à constituer des nouveaux privilèges, mais à établir pour tous des droits et des devoirs égaux, à anéantir la domination de toute classe;

« Que l'assujettissement économique du travailleur aux détenteurs des moyens de travail, c'est-à-dire des sources de la vie, est la cause première de sa servitude politique, morale et matérielle;

<< Que l'émancipation du travail n'étant un problème ni local ni national, mais social, embrasse tous les pays dans esquels la vie moderne existe, et nécessite pour sa solution leurs concours théorique et pratique ;

<< Que le mouvement qui reparaît parmi les ouvriers des pays les plus industrieux de l'Europe, en faisant naître de nouvelles espérances, donne un solennel avertissement de ne pas retomber dans les vieilles erreurs et les pousse à combiner immédiatement leurs efforts encore isolés. >>

Nombreux furent déjà à cette époque les adhérents à cette association internationale. Celle-ci devait prendre une nouvelle force par le socialisme allemand. L'Internationale était fondée. Karl Marx, Lassalle, César de Paepe furent les principaux inspirateurs de cette affirmation des prolétaires. Cependant, dans les deux premiers congrès tenus l'un à Genève, en 1866, et l'autre à Lausanne, en 1867, le mutuellisme, d'origine française, l'emporta sur les autres doctrines. Ce fut dans les congrès suivants, à Bruxelles, en 1868, et à Bâle, en 1869, que le collectivisme fut proclamé, à son tour, dogme universel.

L'Internationale formula son programme dans les dix articles suivants, précédés de considérants qui exposent la nécessité de la culture faite en grand par l'État, de la confiscation des mines, carrières et chemins de fer au profit de la compagnie ouvrière et de la société. Ce socialisme agraire porte:

1° La propriété foncière est abolie; le sol appartient à la collectivité; il est aliénable;

2o Les cultivateurs fermiers payeront à l'État la rente qu'ils payaient aux propriétaires; cette rente tiendra lien

d'intérêts et servira au payement des services publics, tels qu'instruction, assurances, etc.

3. Comme mesure transitoire, il est convenu que les petits propriétaires qui exploitent leur terre par leur ira vail personnel pourront rester leur vie durant possesseurs de cette terre sans payer de fermage; à leur décès, l'impôt foncier de leurs terres sera majoré au prorata de la vente des autres terres de même valeur, et sera, par conséquent, transformé en rente foncière. Dès lors, l'impôt foncier sera aboli pour ces terres, comme il l'est déjà pour celles qui paient la rente;

40 Les baux seront à vie pour les cultivateurs individuels ils seront au terme de... pour les associations agricoles; (un terme plus élevé que la moyenne de la vie);

5o Les beaux seront néanmoins résiliables par les individus ou par les associations agricoles pour des causes déterminées, d'utilité particulière ;

6o Les baux seront personnels; la sous-location est interdite;

7o Le sol est évalué au commencement et à la fin de chaque bail. Si, à la fin du bail, il y a plus-value, la société le rembourse; s'il y a moins-value, la société peut se rembourser par les objets meubles que l'occupant ou l'association aurait laissés ;

8° Afin de pousser à l'association dans l'agriculture, les associations agricoles auront la préférence pour la location de la terre. Après les associations, cette préférence existera encore pour les enfants de l'occupant décédé qui auraient travaillé avec leur père;

9o Afin de simplifier la question du domaine foncier, l'administration en sera confiée, dans chaque commune, au Conseil communal, par tous les habitants majeurs de la commune. Ce Conseil pourvoira en particulier à la réunion des parcelles et à la délimitation des possessions, de façon à

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