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pas moyen de se tromper sur les raisons qui auraient fait agir les auteurs de ces actes, et nous pouvons être certains qu'ils seraient applaudis de tout le monde travailleur. Voilà l'acte raisonné, ce qui prouve qu'ils doivent toujours découler d'un principe directeur. » Ce programme n'est pas invraisemblable puisqu'il a été réalisé par la Commune.

Un autre programme, formulé par la Ligue socialiste révolutionnaire (novembre 1893), émet les mêmes revendications, sous une forme moins violente. Ce programme se termine ainsi : « En mettant fin à la réaction, aux dangers, aux hontes du césarisme, du militarisme, du parlementarisme et du capitalisme, en mettant un terme à la délégation de ses pouvoirs, à son abdication électorale périodique, le peuple entrera dans l'exercice, désormais inaliénable, de sa souveraineté; il sera alors vraiment maître de lui-même et de sa destinée. L'émancipation de la classe ouvrière, l'égalité de fait des citoyens sera assurée par l'anéantissement de la réaction, des privilèges, des classes et du régime capitaliste. La République sociale commencera. »

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Le journal La Liberté (19 novembre 1893) faisait suivre ces doctrines des réflexions suivantes : « N'en déplaise aux publicistes, plus ou moins allemands, qui ont aligné cette riche collection de devises de mirlitons politiques, ce gouvernement direct, c'est celui des Iroquois et pas n'était besoin de philosopher si longtemps pour cela il n'y avait qu'à rester à l'état sauvage. C'est ce que soupçonnait l'abbé Maury quand, en présence des excès cannibalesques des révolutionnaires, il s'écriait : « On ne dira plus que nous sortons des << forêts de la Germanie, mais bien que nous y retournons. » Quel est le véritable remède à ce débordement de doctrines révolutionnaires? Supprimer l'excitation à la guerre civile, à la lutte des classes, poursuivre énergiquement l'apologie du crime, et frapper les crimes dogmatiques comme on punit les autres. « Le désordre social, a dit Montesquieu,

« est dangereux pour une monarchie; il est mortel pour une « répubique » (Esprit des lois). Milord Bolingbroke (Un Roi patriote) nous dit également : « Salus Reipub. suprema Lex esto est une loi fondamentale; et je suis certain que le salut de la République est mal assuré, si la liberté est en danger. » Le désordre social tend surtout à la destruction de la liberté; il conduit donc fatalement à la ruine de la République dont elle est le principe essentiel, fondamental. Quand une épidémie éclate, des mesures sanitaires sont prises pour enrayer le mal; le socialisme révolutionnaire est une épidémie qui comporte des mesures de même nature; une hygiène sociale s'impose. Une tolérance coupable a laissé la plaie sociale se former, s'envenimer et s'étendre; si la gangrène s'est déclarée, le remède doit être plus énergique encore. Les progrès du mal sont indéniables; un socialiste, Benoît Malon, les constate en ces termes : « Tels sont, en effet, les progrès du socialisme, depuis ces dernières années, et si graves, les éventualités qui peuvent surgir d'un moment à l'autre, que jamais il ne fut plus urgent d'inventorier les systèmes, d'expliquer les situations, d'analyser les revendications, de dégager les possibilités et de sérier les probabilités. >>

M. P. Leroy-Beaulieu compare l'action dissolvante du socialisme à l'usage de la morphine, dont fatalement on augmente la dose. « On arriverait, dit-il, par une gradation lente, mais certaine, à plonger la société dans un état d'anémie, de langueur, de malaise universel et permanent, de dépression intellectuelle et morale aussi bien que matérielle, près de laquelle les maux les plus vifs de la société actuelle, si dignes soient-ils de compassion et de soulagement, ne seraient plus que des misères insignifiantes. » (Où mène le socialisme, introduction.)

Au drapeau rouge de l'insurrection devrait donc succéder le drapeau noir, l'emblème qui seul convient aux «< fos

soyeurs de la civilisation ». Ce drapeau n'a-t-il pas déjà été arboré plusieurs fois? Suivant une dépêche de Bruxelles, du 8 avril 1894 La Jeune Garde Libertaire a fait une sortie en ville avec drapeau noir. Sur la Grand'Place, les anarchistes ont poussé le cri: A mort les bourgeois! Une bagarre s'en est suivie avec la police, qui finalement s'est emparée du drapeau noir.

Au torrent révolutionnaire sachons opposer une digue infranchissable. Le salut de la République est à ce prix; car, ainsi que Montesquieu le disait : « Dans les États gouvernés par un prince, les divisions s'apaisent aisément, parce qu'il a dans ses mains une puissance coercitive qui ramène les deux partis; mais dans une république, elles sont plus durables, parce que le mal attaque ordinairement la puissance même qui pourrait le guérir.» (Grandeur et Décadence des Romains.)

QUATRIÈME PARTIE

SOCIALISME CONTEMPORAIN

CHAPITRE PREMIER

La liberté.

« Déclarez que vous êtes avec nous pour honorer 1789, n'en reniez pas les grands principes, et nous serons d'accord! >>

(LEON SAY, Chambre des députés, 10 février 1894.)

Nous avons dit, au début de ce travail, ce que fut l'humanité avant les premières civilisations; sommes-nous condamnés à retourner à ce point de départ? Les progrès de la révolution sociale et du socialisme démagogique semblent devoir nous y ramener.

Le principe incontestable, quoique contesté en fait par certains socialistes, c'est qu'un état social, chez un peuple civilisé, doit avoir les bases qui résultent de la Déclaration des droits de l'homme, c'est-à-dire liberté, famille, lois, propriété. Nous savons ce que devinrent les libertés sous la Commune; nous avons indiqué sommairement ce que la révolution sociale entend par liberté. C'est un socialiste, M. Malato, qui prédit ce qu'elle deviendra dans « le prochain triomphe du socialisme»: « Je commençai alors à entrevoir, dit-il, qu'il y avait dans l'anarchie autre chose que la tourbe dépeinte par les journaux bourgeois et que si cette concep

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