Images de page
PDF
ePub

« Tous les enfants dits naturels non reconnus sont reconnus par la Commune et légitimés.

<< Tous les citoyens âgés de dix-huit ans et toutes les citoyennes âgées de seize ans qui déclareront devant le magistrat municipal qu'ils veulent s'unir par les liens du mariage seront unis, à la condition qu'ils déclareront en outre qu'ils ne sont pas mariés, ni parents jusqu'au degré qui, aux yeux de la loi, est un empêchement au mariage. « Ils sont dispensés de toute autre formalité légale.

<< Leurs enfants, s'ils en ont, sur leur simple déclaration, seront reconnus légitimes.

« Comme vous voyez, le citoyen Urbain et le citoyen Vésinier ne sont pas embarrassés : les questions juridiques les plus graves, les plus ardues, et devant lesquelles, avant de se prononcer, des jurisconsultes comme Pothier et d'Aguesseau auraient hésité une bonne moitié de leur vie, mais qui, pour des jurisconsultes comme les citoyens Urbain et Vésinier, sont d'une simplicité enfantine.

<«< Les impatients, les impatientes les plus nerveuses ne sauraient demander un aplanissement plus rapide et plus ingénieux des formalités que la déesse Raison avait jusqu'ici imposées aux ardeurs du dieu Cupido.

« Désormais pour « s'unir », il suffira de dire un mot au magistrat municipal. Cela ne regardera plus que les jeunes fiancés. Vous avez seize ans, moi dix-huit. Nous sommes jeunes. Nous nous rencontrons en omnibus. Nous nous aimons. A nos âges on s'aime vite. Nous descendons de l'omnibus, à la première mairie venue. Nous entrons et nous disons au magistrat municipal - au citoyen Alix par exemple: «Citoyen, nous voulons ètre unis! >> Le citoyen Alix nous répond immédiatement : « Vous l'ètes. » Si par aventure nos deux familles nous ont suivis dans le sanctuaire municipal et déclarent que nous sommes deux gamins, qui ne savons ce que nous faisons et auxquels il serait peut

être bon de laisser le temps de grandir, nos deux familles en seront pour leurs frais; le citoyen Alix les fera mettre dehors, et nous serons unis.

« Ce sera positivement l'âge d'or. (1) »

On pourrait croire que les tentatives dissolvantes de la Commune ont fini avec cette insurrection et que le socialisme d'aujourd'hui répudie ces doctrines; ce serait une erreur. La Commune supprimait, en réalité, le mariage; mais elle en conservait le nom et exigeait une formalité; certains socialistes vont aujourd'hui plus loin; ils suppriment tout. Nous lisons, en effet, dans le projet de constitution communiste de M. Arcès Sacré (Fin du patronat): « L'état de mariage vaut mariage; de même que l'état de divorce vaut divorce. >>

Enfin, le mariage annuel est une absurde conception qui trouve encore des partisans. Un socialiste, M. Donisthorpe, proposait (Fortnightly review, february 1892) des mariages temporaires, annuels, sortes de locations mutuelles avec tacite reconduction.

Nous aurons à examiner les différentes questions qui concernent la famille et, notamment le mariage (voyez IVe partie: La famille). Il suffit, quant à présent, d'indiquer quelles différentes phases l'organisme familial a traversées pour arriver de l'état primitif à l'état actuel.

(1) Montesquieu dit (Esprit des lois): « Le consentement des pères est fondé sur leur puissance, c'est-à-dire sur leur droit de propriété; il est encore fondé sur leur amour, sur leur raison, et sur l'incertitude de celle de leurs enfants, que l'âge tient dans l'état d'ignorance, et les passions dans l'état d'ivresse.

<< Dans les petites républiques ou institutions singulières dont nous avons parlé, il peut y avoir des lois qui donnent aux magistrats une inspection sur les mariages des enfants des citoyens, que la nature avait déjà donnée aux pères. L'amour du bien public y peut être tel, qu'il égale ou surpasse tout autre amour. Ainsi Platon voulait que les magistrats réglassent les mariages: ainsi les magistrats lacédémoniens les dirigeaient-ils.

[ocr errors]

Mais, dans les institutions ordinaires, c'est aux pères à marier leurs enfants; leur prudence à cet égard sera toujours au-dessus de toute autre prudence. »

CHAPITRE III

Le langage. L'écriture.

་་

Cris, syllabes, agglutination, flexion; autant d'évolutions. »

Le langage et l'écriture ont également subi la loi de l'évolution.

Les animaux se comprennent entre eux; les premiers hommes durent se comprendre. Des cris, des syllabes, des sons articulés de manières différentes, tel fut le premier langage. Il devait suffire à exprimer les sensations d'ètres qui n'avaient pas encore d'idées, qui n'obéissaient qu'à l'instinct.

C'est ainsi que procèdent les enfants.

Le langage monosyllabique fut donc le premier moyen de se faire comprendre et d'échanger des idées.

Aujourd'hui même le langage d'un peuple civilisé procède en grande partie de cette façon. Les Chinois ont cinq cents monosyllabes qui sont leurs mots fondamentaux. Cinq ou six accentuations à la même syllabe constituent autant de mots différents.

Le monosyllabisme produisit plus tard l'agglutination, ou groupement de syllabes.

Deuxième évolution que n'ont pas franchi certaines langues.

Une troisième évolution se produisit avec la Flexion. Tel est l'état du langage chez les peuples les plus civilisés, les Grecs, les Latins, les Français, Italiens, Anglais, etc.

De même que le langage, l'écriture dut subir des transformations nombreuses et lentes.

Les premiers signes d'écriture furent des objets reproduits; puis vint l'écriture hiéroglyphique des premiersÉgyptiens.

Comme dans le langage, nous trouvons trois principales évolutions l'écriture idéographique, l'écriture phonétique, l'écriture alphabétique.

Le langage et l'écriture suivaient donc le développement de l'esprit humain. Au dessin succède l'hieroglyphe, puis vient l'écriture cursive. M. G. Le Bon (Les premières civilisations) définit ainsi les transformations de l'écriture devenant d'idéographique, phonétique, puis enfin alphabétique :

« En prenant notre exemple de tout à l'heure, le dessin d'un œil, et en remontant à l'époque lointaine où ce dessin n'avait qu'un sens, celui de l'organe matériel de la vue, nous voyons que, même alors, il éveillait, en même temps qu'une image, un son, le son du mot qui voulait dire : œil. Or les mots, dans les langues monosyllabiques primitives, ne contenaient qu'une articulation. Lorsque, plus tard, elles se compliquèrent, un mot composé représenta plus ou moins une idée complexe, impossible souvent à rendre au moyen d'un dessin, même par analogie. Représenter le mot par sa première syllabe, et cette syllabe, homonyme d'un nom d'objet, par la figure de l'objet, fut un procédé qui, par sa simplicité même, dut naître presque instinctivement. Voici donc déjà des signes devenant syllabiques. Les mots les plus compliqués purent bientôt être représentés par leur décomposition en syllabes, à la façon dont nous composons nos rébus. Si, pour écrire le mot vermicelle, nous dessinions un ver, puis la note de musique mi, puis une selle de cheval, nous emploierions la méthode par rébus qui, dans l'évolution naturelle de l'écriture, succède aux signes purement idéographiques. Pour abréger, les Égyptiens ne figuraient généralement que la première syllabe du mot. Mais une

grande confusion pouvait en résulter. Beaucoup de mots commencent par la même syllabe. On ajoutait donc au signe syllabique un complément phonétique emprunté à une articulation importante dans le corps du mot, et, s'il était nécessaire, on dessinait, en outre, la figure exacte ou symbolique de l'objet ou de l'idée. Cette figure s'appelait déterminatif. Il y eut des déterminatifs génériques et des déterminatifs spéciaux. Parmi les signes phonétiques, il y en eut bientôt qui ne désignèrent qu'un seul son, voyelle ou consonne, et qui, par conséquent, devinrent purement alphabé tiques.

« Cette forme alphabétique est la dernière phase et la plus parfaite à laquelle sont arrivées les écritures humaines. Les Egyptiens étaient loin de l'avoir atteinte. Mais ils avaient dépassé, également de fort loin, la phase purement idéographique et représentative, à laquelle on les crut restés tant qu'on regarda sans les comprendre les expressifs dessins qui formaient leur écriture hiéroglyphique.

« On ne peut suivre l'évolution de cette écriture que durant les quatre ou cinq mille ans qui ont laissé des témoins dans les monuments de la vallée du Nil. Cette longue période représente une phase de transition entre les deux points extrêmes idéographique et alphabétique - que nous venons d'indiquer. Elle ne nous montre pas de progrès très notables. Aussi loin que nous pouvons remonter en arrière, nous voyons des signes phonétiques, et même purement alphabétiques, dans les documents écrits des Égyptiens; et aussi près de nous que nous pouvons descendre, nous voyons des figures idéographiques qui sont les déterminatifs spéciaux ou génériques des mots inachevés ou peu clairs. »

L'écriture cunéiforme des Assyriens et des Babyloniens subit, comme celle des Égyptiens, des transformations successives; le mystère qui l'entourait a été également pénétré par des savants modernes, et l'histoire a trouvé dans les

« PrécédentContinuer »