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<< Voilà tout ce que peut offrir le catholicisme déclinant aux déshérités, à un moment où, selon l'expression de l'un des siens (le chanoine Winterer) « le monde entier porte son <<< attention sur ce qui va se passer, est saisi d'une agitation << immense, et se demande avec angoisse quelle sera la solu<«<tion du plus formidable problème qui se soit jamais posé. >>

La solution du programme social réside, à notre avis, d'une part, dans la réfutation des théories qui entravent la réalisation de réformes que désire la démocratie, réformes qui s'imposent; d'autre part, dans la diffusion des saines doctrines auxquelles seules il appartient de diriger le progrès social. Or, les principaux facteurs de la civilisation, qui sont, en même temps, les bases essentielles de tout état social, se résument, ainsi que nous en ferons la démonstration, dans la morale, la religion, les lois, la famille, la propriété.

Pendant que le socialisme cherche à miner ces différents principes, n'appartient-il pas au Christianisme comme à la République de les défendre? Ne se trouvent-ils pas formulés dans la Déclaration des droits de l'homme, comme dans la religion de Jésus-Christ? La propriété même, que le socialisme veut tout d'abord détruire, n'est-elle pas sanctionnée, avec la mème force, par la religion et par la Révolution?

La Révolution a proclamé l'égalité et la liberté; elle a ajouté la fraternité qui doit donner aux peuples la paix sociale.

Le Christ avait créé une ère nouvelle par la charité ; que ces deux mots constituent notre devise; qu'ils soient la base de l'évolution sociale, en opposition aux moyens arbitraires et rétrogrades qui constituent le programme du socialisme révolutionnaire.

Récemment, M. Raynal, ministre de l'Intérieur, disait « La vie serait adoucie et simple si tous les hommes comprenaient ce qu'il y a d'utile et de bon à s'entr'aider. Ils y

viendront. Cette grande loi de solidarité sera, dans l'avenir, par une application plus large et plus complète, le salut des sociétés humaines. » La solidarité n'est-elle pas le produit de la fraternité et de la charité ?

Réprimer est chose pénible, mais nécessaire; prévenir vaut mieux. C'est donc dans une saine propagande que réside le remède au mal dont souffre la société moderne ; et cette propagande doit tendre surtout à la diffusion des idées de morale; car, nous le démontrerons, c'est la morale qui a dirigé les premiers pas de l'humanité dans la voie du progrès; c'est à elle qu'il appartient de conserver le patrimoine que nous ont légué les siècles antérieurs.

Certain socialisme tend, au contraire, à l'application d'une loi de nature dont nous nions l'existence, loi dont Rousseau voulait se servir pour nous ramener à un âge d'or qui n'est, en réalité, que l'état sauvage. La loi de la nature existe pour la matière; elle ne saurait exister pour l'homme; car loin d'être un idéal, elle serait la négation du progrès intellectuel.

Les anciens Égyptiens reconnaissaient dans l'homme trois parties distinctes: l'âme, l'intelligence et le corps. L'âme inspirait l'intelligence qui dirigeait le corps; c'est dans cette influence morale que réside le secret de leur civilisation, qui est venue jusqu'à nous par le canal des Grecs et des Romains, et dont nous admirons encore la grandeur.

Pouvons nous reconnaître à une loi de nature le droit de guider l'évolution du progrès social? Cette loi, n'est-ce pas l'instinct qui agit seul sur les animaux? La conscience, n'est-ce pas, au contraire, la lumière intérieure qui éclaire nos actes? La loi de nature, ou droit de la nature, dicte au socialisme des théories erronées, un raisonnement faux; la conscience, c'est la raison se substituant à l'instinct, conduisant à la vérité et au progrès. Aussi voyons-nous souvent, dans la doctrine socialiste, le raisonnement en bannir la raison.

La loi de nature dit, notamment : Le travail n'est qu'un droit; la conscience répond : C'est un devoir.

C'est à la conscience que nous devons l'obligation morale, et ensuite l'obligation naturelle, enfin l'obligation civile; et les lois, qui consacrent celle-ci, sont encore le reflet de la conscience.

C'est donc à elle, et non à une loi de nature, à un droit naturel, que l'humanité doit sa première évolution vers le bien; c'est à elle que nous devons encore, aujourd'hui, demander quelle route doit suivre l'évolution sociale.

Car seule la conscience peut dire quels sont les devoirs sociaux ; seule elle peut développer en nous les sentiments de fraternité et de charité; combattre l'égoïsme qui s'est substitué à eux; enseigner que le travail est une obligation. En un mot, c'est dans l'application de ses lois que nous devons chercher la paix sociale.

C'est pourquoi nous protestons contre le socialisme révolutionnaire et le socialisme d'État; l'un et l'autre suppriment l'individualisme, et, partant, le sentiment des devoirs qui incombent à l'homme.

« Je pense, donc je suis» ; englober l'individu dans une collectivité, n'est-ce pas l'annihiler?

Aussi est-ce avec raison que le pape Léon XIII condamnait ces tendances. « Qu'on n'en appelle pas, porte l'Encyclique Rerum novarum, à la providence de l'État; car l'État est postérieur à l'homme, et avant qu'il pût se former, l'homme avait déjà reçu de la nature le droit de vivre et de protéger son existence. » La religion doit developper l'individualisme, en disant à l'homme ses droits et ses devoirs. Et la Révolution a produit le même résultat par la liberté.

Nous devons regretter de voir un parti catholique, peut nombreux, il est vrai, abandonner les saines doctrines pour exciter des haines religieuses qui ne sont plus de notre

temps, et prêcher la lutte des classés que condamne le vrai socialisme.

Nous étudierons les deux courants contraires du catholicisme, dont la marque certaine se trouve, notamment, dans les élections. N'oublions pas, en effet, que c'est, dans une certaine mesure, grâce au concours du parti catholique, qu'est dû le succès relatif des socialistes aux dernières élections législatives.

N'oublions pas surtout que les efforts de ces derniers visent les prochaines élections, et que là réside le danger de l'avenir. Les chefs du parti révolutionnaire ont laissé entendre le but qu'ils poursuivent; M. Jules Guesde l'a déclaré formellement (1).

Des deux courants catholiques lequel l'emportera à ce moment? Cette situation se trouve nettement définie par un exemple d'actualité; nous lisons, en effet, dans le Peuple français, journal dirigé par M. l'abbé Garnier: « Les électeurs de la ville de Millau sont convoqués pour le 29 avril afin de remplacer au conseil municipal, dix-neuf opportunistes démissionnaires; huit socialistes sont déjà à la mairie grâce aur voix que leur ont donné récemment les catholiques. On se demande ce que feront ces derniers le 29 courant. Leur appoint fera triompher la liste à laquelle ils l'apporteront.

(1) Le programme de la commission exécutive des gueddistes et intransigeants porte, au sujet de la manifestation du 1er mai 1894: «Par votre présence, vous approuverez la délégation qui ne va pas, ainsi qu'on a voulu l'insinuer, mendier aux élus bourgeois une réforme, mais bien au groupe socialiste, qui, soutenu par vous, est parvenu à forcer les portes de la citadelle réactionnaire pour y planter notre drapeau libérateur.

« C'est avec le bulletin de vote que vous ferez balle contre l'ennemi, afin d'enlever les municipalités, c'est le moyen d'avoir à nous les Bourses du travail. C'est encore avec le bulletin de vote que nous renverrons à la vie privée ceux qui dirigent: police, magistrature et l'armée nationale contre les grévistes qui réclament leur droit à la vie. »

Ce serait pour eux une faute grave et irréparable que d'amener le succès des socialistes-révolutionnaires.

<< En se plaçant sur le terrain de l'«< Union nationale» et en s'alliant avec ce qu'il y a d'honnête dans le parti vétérorépublicain, les catholiques feraient élire une municipalité au moins passable. »

N'est-il pas à souhaiter que tous les catholiques s'inspirent du véritable esprit de la religion, qu'ils apportent tous leur concours à l'œuvre de consolidation sociale, et qu'ils se pénètrent mieux des doctrines de l'Encyclique Rerum novarum? Leur concours absolu et sans réserves peut aider, dans une grande mesure, à la déroute du parti socialiste. Ils n'ont pas le droit de refuser; leur devoir, comme leur intérêt, dicte leur conduite.

Le parti de la révolution sociale renferme en lui-même l'une des causes qui doivent engendrer l'insuccès la division.

Le socialisme, en effet, se subdivise à l'infini; il faut même renoncer à énumérer toutes les sectes dont chaque prophète veut faire une religion.

Cependant il est tout d'abord nécessaire d'établir une distinction, et de mettre d'un côté les socialistes qui veulent procéder par évolution lente et régulière, qui, de bonne foi, veulent le progrès social; d'un autre côté, ceux dont le but est une révolution qui conduirait à l'inconnu et qui débuterait par la confiscation de toutes les libertés ; ce sont leurs théories qui produisent l'anarchie, avec accompagnement de dynamite et de bombes à renversement.

« Plus d'État, plus de pouvoirs publics, plus de gouvernement », tel est le programme de la révolution sociale; et ce programme est complété par la négation de l'idée de patrie. « Ni Dieu, ni maître », telle est sa devise. Que doiton substituer à cet ensemble qu'on supprime? La souveraineté sociale des travailleurs; c'est-à-dire le Quatrième

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