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AMOURS SECRETTES.

.DE

NAPOLEON BUONAPARTE.

Il y avait six mois que j'avais perdu mon protecteur, M. le comte de Marbeuf; sa mort me fut d'autant plus sensible, que je sentais combien il allait me devenir nécessaire. La calomnie a publié qu'il était mon père: un fait seul détruit cette imposture. Ce fut en 1768 que l'île de Corse fut cédée à la France. M. de Marbeuf n'arriva dans l'île que le 3 septembre de la même année; j'avais déja reçu le jour. C'était il est vrai le second voyage qu'il y faisait; car en 1764, il y avait passé dix-huit mois. Quoi qu'il en soit, en le per

dant, je me trouvais privé d'un excellent protecteur.

Je partageais mon tems entre mes études et mes amours. Louise amante paisible mais fidelle, suffisait à mes desirs. Son commerce s'était sensiblement amélioré; elle 'jouissait même d'une petite aisance dont chaque jour elle me remer

-ciait.

Nous étions en 1788: déja l'horiAson politique des Français commençait à se rembrunir. Les idées philosophiques fermentaient dans toutes les têtes. Les ambitieux, les mécontens, les brouillons commençaient à décrasser la canaille, et l'invitaient à réfléchir. Sitôt qu'un goujat réfléchit, il se considère des pieds à la tête, il mesure la largeur de ses épaules, il regarde ses muscles, il frappe ses

poings, il fait craquer ses dents, et se dit: Ce ministre qui m'outrage, cet homme de cour qui m'éclabousse et qui quand je m'en plains, menace encore de me rouer de coups; que sont donc ces deux hommes plus que moi? Ils ont leurs emplois et leurs richesses. Eh bien ! moi, j'ai la force qui vaut beaucoup mieux; et s'ils ne changent de procédé, d'un coup de poing je les enverrai l'un et l'autre mesurer le pavé. Quand les masses raisonnent ainsi, elles ne sont pas loin d'être séditieuses, et les monarques n'ont alors qu'un choix à faire: ou d'obéir ou de les écraser. Si pendant mon règne, un homme d'état m'eût nié ces vérités je l'aurais fait battre de verges, pour lui apprendre à ne point coopérer à la perte de son prince. Ce premier

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grain des tempètes révolutionnaires fit naître dans mon cœur une joie indicible, et dont je ne pouvais raisonnablement me rendre compte. Il me semblait entrevoir dans le lointain cet océan d'évènemens au milieu desquels je devais écraser toutes les renommées,

Ce fut à-peu-près à cette époque que je fus présenté au concours pour l'arme de l'artillerie. J'obtins sur-le-chanip une place de souslieutenant dans le régiment de la Fère. Ce premier succès fut un aiguillon de plus; et dès ce moment, je me dévouai plus que jamais à tout ce qui traite de l'art des guerriers Polybe, Arrien, QuinteCuree, et sur-tout les Commentaires. Je ne me bornai point aux leçons de l'antiquité; Vauban, les Mémoires

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