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que tu

chère et tendre fille, n'y ajoute point encore la douleur éprouves. Crois bien, mon amie, que si j'avais cru n'être point aimé, jamais, ô non! jamais je ne t'aurais prodigué les moindres caresses! Louise, je pars dans un mois; j'ai maintenant la liberté de sortir quand je veux ; j'en profiterai souvent pour venir passer d'heureux momens avec toi. Quelques baisers furent son éloquente réponse.

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Les découvertes de Mongolfier tenaient alors la curiosité en haleine. M. Charles et lui devaient lancer un ballon au Champ-de-Mars. Je voulus donner à mon amante le plaisir de ce spectacle. «Tu prendras tes habits d'homme, lui dis-je, et tu viendras me trouver à l'Ecole militaire ; » elle n'eut garde d'y manquer. Arrivé au

Champ-de-Mars, je m'approchai de la machine, qui bientôt allait habiter les régions où la foudre a placé son trône. Tout-à-coup, je conçois le dessein de me placer dans la nacelle, et de suivre le globe dans les airs. Personne alors n'avait encore osé tenter ce périlleux voyage. Cette idée enivrait mes sens; une joie délirante faisait battre mon cœur et bouillonner mon sang. Voir des peuples sous mes pieds, planer au-dessus d'eux, les voir au physique ce qu'il sont au moral, c'est-à-dire, petits, imperceptibles; ce spectacle, je l'avoue, était trop conforme à mon génie, pour penser aux dangers de l'entreprise. Je fis part de mon projet à mademoiselle Létang; elle crut que je badinais. « Je badine si peu, lui dis-je, que si tu veux me prou

que

ver que tu m'aimes, tu feras le voyage avec moi. » Elle crut bien alors c'était une véritable plaisanterie. Non, je ne badine pas: : crois-moi, Louise, je veux m'élever dans les nues; et si ta tendresse répond à mon audace, là même où se forment les orages, nous nous prodiguerons toutes les caresses de l'amour et de la volupté. De retour sur le globe, je proclame ton sexe, si tu le veux, je te déclare mon amante; je tournerai tous les regards de ceux qui nous environneront vers le séjour des éclairs; je leur dirai: Là, au-dessus de vous, dans l'Océan du vide, là même où l'aigle seul peut à peine atteindre, un jeune homme et sa douce compagne se sont donné des marques réciproques de leur

tendresse. Nous enchaînerons l'at

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tention des auditeurs, notre inconcevable audace écrasera les censeurs ; la rareté du fait nous méritera les éloges du monde entier, nous serons époux et protégés; et puis, mon amie, si, dans les vagues de l'air, le hasard voulait que tu devinsses féconde, de quelles qualités ne serait point doué ton fils! Conçu près du trône de la divinité, il aurait d'un Dieu la force, le courage et le génie. Le monde tomberait un jour sous ses lois; il terminerait ce que son père ébaucherait pendant son enfance. »

Louise stupéfaite, n'osait en croire ses oreilles. Au feu dont étincelaient

mes yeux, elle vit bien que je parlais sérieusement. Je soupçonnais d'avance la timidité naturelle à

que

son sexe s'opposerait à mes vues sur

elle; mais j'étais décidé à faire usage de tous mes moyens pour la contraindre à me suivre ; j'aurais même été despote, et ses larmes m'auraient faiblement affecté, si elle eût osé se refuser à mes desirs. Louise était douce et simple; rien en elle n'était extraordinaire; mais elle avait du courage, elle m'aimait, ou plutôt elle s'était aperçue que je voulais fortement n'être pas refusé; elle me fit cependant observer que son sexe, naturellement timide, l'autorisait peutêtre à ne point souscrire à ma demande. Que l'on pouvait aimer son amant, sans être obligée de le lui prouver d'une manière aussi extraordinaire: «< néanmoins, me dit-elle, comme je te dois tout, si rien ne peut te fléchir, je te suivrai. S'il nous arrive quelque malheur...-Eh

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