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ses outrages en vers, n'importe comment.

il les

venge,

Nous cinglames vers Marseille, où ma famille avait résolu de s'établir. Ce pays, vrai foyer de la révolution, m'offrait différens moyens de me faire connaître et de percer la foule. Je me jetai donc avec une ardeur incroyable dans tous les clubs et réunions politiques; tout entier aux intérêts de ma gloire et de mon ambition, je ne partageais peut-être pas une seule des opinions des différens péroreurs que j'applaudissais tourà-tour. Ce manège n'avait d'autre but que de me faire remarquer des

uns et des autres.

Cependant, je ne servais plus dans l'artillerie. Je n'appartenais à aucun corps. J'étais sans fortune, sans recommandation sans protecteur.

J'étais affecté de ma position; mais c'était plutôt impatience que découragement.

Sur ces entrefaites, le plaisir de me venger complettement de madame Daletti, vint un moment suspendre mes chagrins passagers.

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J'avais fait passer à la convention nationale un mémoire circonstancić de ce qui s'était passé en Corse pendant que j'y étais. Les détails des injustices commises à mon égard y étaient vivement retracés. Paoli et Pozzo di Borgo, avais je dit au gouvernement, sont des ennemis jurés de la liberté et de la révolu tion: l'un et l'autre visent à l'indépendance. Ma cruelle ennemie, madame Daletti, y était représentéc comme une intrigante extrêmement

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dangereuse, non-seulement par sa haine contre le nouvel ordre de choses; mais encore par ses intrigues et l'influence de ses charmes.

Ce mémoire, qui s'accordait parfaitement avec les divers rapports que l'on recevait de l'île de Corse, engagea la convention à lancer un décret qui déclarait traîtres à la patrie, MM. Paoli, Pozzo di Borgo, et leurs adhérens. Des commissaires furent nommés pour aller en Corse mettre ce décret à exécution.

La foudre suspendue sur la tête de mon ennemie, n'aurait point completté ma vengeance, si je n'avais fait connaître la main qui l'avait formée. J'eus l'occasion de voir un des commissaires chargés du décret contre Paoli et les siens, je le char

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geai d'un billet pour madame Daletti. Il était ainsi conçu :

« Vous avez lâchement attenté à mes jours; je vous aurais cependant pardonné, si vous eussiez oublié et l'injure et la mais non,

vengeance;

vous m'avez humilié, flétri, calomnié, banni de ma patrie. Vous, qui mîtes à sec la coupe de la vengeance, avez-vous pu croire que jamais je n'approcherais ce vase de mes lèvres. Tu m'as mal connu, Daletti; l'univers se serait écroulé avant que ton crime ne fût sorti de mon cœur. Un vaisseau m'a emporté de ma terre natale, un bourreau te descendra dans l'éternité. Juge qui de nous deux se connaît mieux en vengeance. »

Paoli, Pozzo, madame Daletti, son époux, Daury, marchand de

draps, et plusieurs autres personnes, instruits de l'arrivée des représentans français, et du décret dont ils étaient porteurs, s'empressèrent de prendre la fuite et de se retirer en Angleterre; cependant, le commissaire français profita d'un voyageur anglais qui était alors en Corse, pour faire remettre à madame Daletti le billet dont je l'avais chargé. Ce fut à Lunéville, lors du traité qui porte son nom, que j'appris qu'en effet elle l'avait reçu à Londres, et que depuis, elle l'avait montré à différentes personnes, en disant que mon âme toute entière était peinte dans ce billet.

Ma vengeance à-peu-près satisfaite, je me livrai tout entier aux soins de me donner un commencement de consistance dans la société.

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